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Quels rapports entre l’Egypte et les Etats-Unis ?

Mercredi, 27 avril 2022

L’Egypte et les Etats-Unis ont célébré ce mois d’avril le centenaire de l’établissement de leurs relations diplomatiques. Celles-ci traversent une nouvelle phase depuis l’investiture en janvier 2021 du président Joe Biden, qui a fait de la question des droits de l’homme et de la démocratie l’un de ses chevaux de bataille électoraux, provoquant des tensions avec Le Caire. Ces tensions épisodiques, aux causes diverses, ne sont pas nouvelles et sont devenues l’une des caractéristiques des rapports bilatéraux. Elles n’entament toutefois pas de relation de travail fondée sur des intérêts stratégiques communs, notamment la préservation de la paix avec Israël, la lutte antiterroriste et le maintien de la stabilité du monde arabe et du Moyen- Orient.

C’est ainsi que malgré sa rhétorique sur la démocratie et les droits de l’homme, l’Administration Biden a approuvé, dès février 2021, la vente à l’Egypte, pour 197 millions de dollars, de 168 missiles navals sol-air pour renforcer ses défenses côtières et celle du Canal de Suez. En mai 2021, face à une flambée de violence entre Israël et le Hamas, Washington s’est fortement appuyé sur Le Caire pour négocier un cessez-le-feu, ce qui a provoqué une amélioration des relations bilatérales. Mais en janvier dernier, Washington, invoquant des restrictions sur les activités des associations de la société civile, a décidé de retenir 130 millions de dollars, soit 10 % du 1,3 milliard de l’aide militaire annuelle à l’Egypte. Moins de deux mois plus tard, le Sénat américain a approuvé, le 10 mars, la proposition de l’Administration de vendre à l’Egypte 12 avions de transport militaire Super Hercules pour une valeur de 2,2 milliards de dollars. Le 16 mars, le chef du commandement central américain, Frank McKenzie, a annoncé que les Etats- Unis pourraient vendre des avions de combat F-15 à l’Egypte. Le refus de Washington de vendre ces chasseurs avancés à l’Egypte était l’une des sources de discorde entre les deux capitales depuis des années, ce qui a poussé Le Caire à signer avec la Russie, fin 2018, un accord de 2 milliards de dollars pour l’achat de chasseurs Su-35, une alternative aux F-15. A l’époque, l’Administration de Donald Trump, qui a mis en sourdine la question des droits de l’homme, a menacé d’imposer des sanctions à l’Egypte si le marché d’armes avec Moscou était maintenu. Le Caire a alors justifié l’accord par le refus de Washington de lui vendre des F-15, dans le but de maintenir la supériorité militaire d’Israël.  

L’aide militaire était souvent l’arme utilisée par Washington dans le dossier des droits de l’homme et de la démocratie. L’apparition de cette question dans les rapports bilatéraux remonte à la présidence de George W. Bush, lorsque celui-ci a voulu promouvoir, dès 2004 — après le renversement de Saddam Hussein —, son idée du « Nouveau Moyen-Orient » à travers la politique dite de « chaos constructif ». La question est réapparue depuis de façon épisodique, provoquant des tensions plus ou moins longues. C’était le cas au moment des manifestations massives contre le président Hosni Moubarak au début de 2011, puis après la dispersion des deux sit-in pro-Frères musulmans en août 2013, à la suite de laquelle l’Administration de Barack Obama a annoncé, en octobre, un « recalibrage » de son aide militaire à l’Egypte et a suspendu les livraisons prévues d’armes lourdes. Mais en mars 2015, peu de temps après que l’Egypte a commencé à participer à des opérations militaires en tant que membre de la Coalition mondiale, créée en septembre 2014, pour vaincre le groupe terroriste de Daech, l’Administration Obama a annulé ses restrictions sur l’aide militaire et a annoncé la reprise de ses livraisons d’armes.

Ce dernier épisode de tensions — le plus chargé de significations, car il a fait naître des doutes sur la fiabilité de l’engagement militaire américain à l’égard de l’Egypte — a laissé ses marques sur la politique de défense de cette dernière. Le Caire a cherché depuis à contourner les pressions et les conditions américaines en diversifiant ses achats d’armes. Selon les données de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), la Russie, la France, l’Allemagne et l’Italie sont devenues d’importants fournisseurs d’armes à l’Egypte à partir de 2014.

Bien que des différences idéologiques et/ou de conjoncture existent entre les Administrations américaines successives — républicaines ou démocrates — dans leur politique vis-àvis du Caire, les rapports bilatéraux — vus sur le long terme — restent solidement fondés, du point de vue américain, sur des intérêts stratégiques liés à la sécurité d’Israël et à la stabilité de l’Egypte, du monde arabe et du Moyen-Orient. La politique pragmatique de l’Administration Biden ne fait pas exception à la règle. La nouveauté majeure dans la politique de Washington — datant de l’époque d’Obama — qui affecte l’Egypte se trouve plutôt dans son désengagement relatif des affaires du Moyen-Orient, à la suite du déclassement de ce dernier dans les priorités extérieures des Etats-Unis.

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