L’ère de la mondialisation a pris fin et une nouvelle a commencé, celle des blocs. Quand la guerre en Ukraine prendra fin, le commerce et les investissements entre la Russie et l’Occident ne seront plus comme avant. Les Européens n’auront plus le même sentiment de sécurité en comptant sur le gaz russe comme source d’énergie. En même temps, la Russie n’aura plus confiance en les promesses et accords avec l’Occident, et ne sera pas confiante quant au fait de déposer ses fonds dans les banques occidentales. Le résultat est que le président Vladimir Poutine demandera aux usines russes de compter sur elles-mêmes et de fabriquer les produits difficiles à obtenir de l’Occident. En même temps, l’Union européenne vise à devenir plus indépendante dans le domaine de l’énergie.
Le bien-être était la promesse faite par la mondialisation, mais le monde vit actuellement une crise complexe à cause de la pandémie puis de la guerre. En temps de crises et de guerres recule l’importance des produits de luxe et augmente la valeur des produits de base. Les gens sont à la recherche des besoins essentiels.
La mondialisation est le résultat des évolutions technologiques, et tant que le développement technologique se poursuit, les pressions pour la mondialisation continueront. Le développement technologique provoque la hausse de la productivité et des pressions pour dépasser les marchés nationaux. La mondialisation est la phase la plus moderne d’un long processus historique qui a commencé quand les sociétés primitives ont été dépassées. Avec l’augmentation de la productivité résultant du recours à des outils de production plus développés, il est devenu possible de produire des quantités dépassant les besoins de la petite communauté et sa capacité de consommation.
Les arts de la production sont devenus plus compliqués, nécessitant la spécialisation dans la production de certains articles et l’échange commercial est devenu une nécessité. La mondialisation consiste donc à éliminer les barrières qui entravent l’accès aux horizons offerts par le développement technologique. Les étapes d’allègement des contraintes législatives et administratives et la diminution de l’ingérence de l’Etat dans l’économie, que le monde a connues depuis les années 1980, ne sont qu’une expression de cette tendance. Et parce que le développement technologique est continu et les forces de production ne cessent d’évoluer, les pressions vers l’élargissement des marchés continueront dans le but de transformer toute la planète en un marché unique.
Le problème de cette vision est qu’elle présente une interprétation d’un monde géré par l’obligation technologique mais néglige la politique. Au cours de la dernière décennie, le nombre et le pouvoir des perdants de la mondialisation dans les pays occidentaux ont dépassé ceux des gagnants. Ceci s’est traduit par une révolte des forces anti-mondialisation, dont les symptômes sont la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine et la montée en puissance des forces anti-mondialisation dans les parlements européens.
Il est paradoxal de constater que les Etats-Unis, qui ont introduit le monde dans la mondialisation, l’ont plus tard rejeté en constatant que d’autres y ont excellé et en ont plus profité. Ceci s’applique surtout à la Chine qui a réussi, à travers la liberté de commerce et d’investissement, à réduire le fossé avec les Etats-Unis. Les Etats-Unis se sont retournés contre la mondialisation et l’ont transformée en arme. Plus les intérêts sont entremêlés avec l’Occident, plus le reste du monde en devient dépendant et aura une plus grande chance de faire pression sur ses partenaires.
Les sanctions économiques que les Etats-Unis ont imposées à la Chine, ainsi qu’à d’autres Etats ont suscité l’inquiétude. Ces sanctions ont été imposées à la Chine parce qu’elle a grandi plus qu’il ne lui était permis. La Chine n’est plus l’usine qui fournit au monde les jouets et les industries à main-d’oeuvre intensive. Elle est devenue un producteur concurrent de l’Occident capable de fabriquer des produits de haute qualité au contenu technologique très sophistiqué. La Chine n’est plus le fabricant de produits bon marché dont la conception a été faite par les Occidentaux, mais elle est devenue la source de marques commerciales de haute qualité.
Tel était l’état du monde à la veille de la guerre d’Ukraine qui a accéléré le recul de la mondialisation et en même temps la formation de blocs économiques et politiques gérés par les conflits et les rivalités. Nous devrions nous chercher une place parmi ces blocs, ce qui explique le récent activisme diplomatique dans la région.
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