Qu’est-il arrivé à nos médias qui sont dans la plupart devenus prisonniers des événements locaux odieux qui les rendent étroits d’esprit ? Tout ce qui leur importe ce sont les événements qui se jouent à l’intérieur. A tel point qu’ils se trouvent isolés du monde. Au cas où les mutations mondiales les obligeraient à en faire la couverture, ils se contentent de retransmettre ce que disent les médias occidentaux, tel quel avec tous les partis pris connus de l’Occident, surtout ceux manifestés aux causes arabes.

N’est-il pas utile plutôt que ces efforts soient déployés dans le sens de la communication d’une vision et d’un point de vue arabe à ces événements ? J’écris cela à l’occasion du décès de l’archevêque sud-africain à la réputation mondiale Desmond Tutu, qui était le compagnon de route du combattant Nelson Mandela. Je me rappelle les célébrations en grande pompe de son 90e anniversaire en octobre dernier ayant eu lieu dans son pays natal, l’Afrique du Sud. J’ai été très infligé de voir que la couverture locale des jalons de sa vie et de ses positions humaines audacieuses était dans les limites de ce qu’avait rapporté la presse étrangère. En effet, Tutu a consacré son parcours à la lutte contre l’apartheid dans son pays natal, où il était un prêtre noir de la ville de Cape Town.
Il répétait tout le temps que la foi ne se limitait jamais exclusivement à la pratique des cultes religieux, mais qu’elle résidait plutôt dans la diffusion des valeurs de justice et d’humanité, ainsi que dans la lutte contre l’injustice et la persécution. Ainsi, grâce à Tutu, la religion est devenue en Afrique du Sud l’un des outils efficaces dans la lutte contre la discrimination. Son parcours de combattant lui a valu le décernement du prix Nobel de la paix en 1984. Les positions de Tutu n’ont jamais étaient teintées de la dualité qui prévaut en Occident. Celui-ci pleure sans cesse l’injustice infligée aux juifs dans le passé aux mains des Nazis, alors qu’il néglige les persécutions infligées aux Palestiniens par les victimes du nazisme, devenues aujourd’hui les bourreaux. Tutu a été l’une des toutes premières voix ayant qualifié la politique de l’occupation israélienne vis-à-vis des Palestiniens d’apartheid. Il avait même revendiqué le boycott d’Israël qu’il a considéré comme un Etat raciste. Lorsque l’ex-président américain, Donald Trump, avait proclamé Jérusalem-Est capitale d’Israël en 2017, il a déclaré que « certainement les larmes du bon Dieu sont en train de couler suite à la décision du président Trump qui attise les sentiments et qui sacrifie la discrimination et le racisme ». Il avait ajouté également que « notre responsabilité nous implique de dire à M. Trump qu’il est fautif ». Je n’ai trouvé aucune mention de toutes ces déclarations pro-arabes dans nos médias. Et ce, parce qu’ils se sont contentés de répéter ce que dit l’Occident à propos de sa lutte anti-apartheid dans son pays et ont totalement négligé ses positions vis-à-vis de la cause arabe. Bizarrement, ce sont les médias israéliens qui se sont arrêtés devant les positions de Tutu envers la cause palestinienne. Le Jerusalem Post a publié un long article sur le prêtre feu qualifiant ses positions pro-arabes d’humiliantes, car elles projetaient sur le devant de la scène le régime de l’apartheid qui sévissait dans le sud de l’Afrique.
Dans la même semaine du décès de Tutu, s’est éteinte la poétesse égypto-canadienne Mona Latif Ghattas. Elle était l’une des éminentes poétesses au Canada grâce à sa collection variée. Ghattas a écrit le roman et la nouvelle et a fait la une de la plus importante revue au Canada appelée Humanitas, ainsi que d’autres. Mona Latif Ghattas est née sur les rives du Nil en 1946 et a épousé à l’âge de 20 ans un homme d’affaires égyptien, Emil Ghattas, ensuite elle a émigré avec lui au Canada; où elle a étudié le théâtre à l’Université du Québec. Elle a obtenu son magistère en dramaturgie à l’Université de Montréal et a obtenu le prix du Salon international des poètes francophones.
Bien que Ghattas ait été noyée dans la vie littéraire et culturelle au Canada, elle n’a jamais oublié son pays pour lequel elle ressentait une appartenance jusqu’au dernier jour de sa vie. Son premier roman était intitulé Nicolas, le fils du Nil, en 1985. Son recueil de poésie La Triste beauté du monde, publié en 1993, comprend plus d’un poème sur l’Egypte. Sa célèbre collection de nouvelles Les Lunes de miel est parue en 1996. Mona Latif Ghattas a imprégné le patrimoine littéraire de son deuxième pays, qu’est le Canada, d’une touche égyptienne remarquable. De son vivant, elle a été un exemple qui fait l’honneur de l’Egypte, de son peuple et de son ancienne civilisation dans sa richesse culturelle et artistique. Elle a également été une réalisatrice de théâtre et j’ai eu l’honneur d’assister à Montréal et à Paris à des spectacles théâtraux qui reposaient sur la narration poétique. Elle tenait à présenter ces spectacles en Egypte, à l’Opéra du Caire. Ghattas, en tant qu’amatrice de la musique, a tenu à créer un prix portant le nom de son père, Nicolas Latif, pour les jeunes musiciens égyptiens talentueux. J’espère que son mari pérennisera le prix à travers le soutien de ses amis d’Egypte. Une longue relation d’amitié et de cordialité me liait à Mona et son mari, elle remontait à plus de 20 ans. Elle appréciait beaucoup mes travaux et avait initié d’en traduire trois qui sont : la pièce de théâtre La Dernière danse de Salomé, le roman Les Ailes du papillon et le livre Naguib Mahfouz : la dernière station. Bien que la nouvelle de son décès m’ait déçu, ce qui m’a davantage attristé est de la voir absente dans tous les organes de la presse égyptienne. Malheureusement, aucun article n’a fait mention de la fille loyale de l’Egypte.
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