Les Emirats Arabes Unis (EAU) ont suspendu les pourparlers avec les Etats-Unis sur un contrat de 23 milliards de dollars portant sur l’achat de 50 avions de combat F-35, 18 drones et des missiles.
La décision s’explique principalement par le désaccord des deux parties sur le rôle croissant de la Chine dans ce riche pays du Golfe. Des responsables américains ont révélé qu’Abu-Dhabi avait objecté que les exigences de sécurité et les restrictions que Washington voulait imposer à l’usage de ses armes de haute technologie pour les protéger de l’espionnage chinois étaient trop onéreuses et enfreignent la souveraineté nationale.
Washington voulait également des assurances que la technologie du fleuron de l’industrie militaire américaine, le F-35, ne serait pas partagée avec des pays tiers, et une interdiction d’utiliser les armes comprises dans le contrat dans des conflits comme ceux de la Libye et du Yémen où l’armée émiratie avait été active.
La décision d’Abu-Dhabi est destinée à montrer aux Américains sa consternation face aux conditions que Washington veut imposer et sa frustration vis-à-vis de la lenteur de la finalisation de l’accord approuvé par l’ancienne Administration du président Donald Trump en janvier dernier. Elle est également une tactique de négociation visant à faire pression sur Washington afin qu’il assouplisse sa position et ne signifie point une renonciation à ce marché d’armes. Aussi bien que les EAU, les Etats-Unis ont confirmé qu’ils restaient disposés à la reprise des négociations pour finaliser l’accord.
Cet épisode de tension montre cependant l’écart qui sépare les deux pays sur le rôle et l’implication de la Chine aux EAU. Washington s’inquiète de l’association entre ceux-ci et le géant chinois des télécommunications Huawei pour déployer son réseau 5G. Huawei a été interdite aux Etats-Unis qui ont prétendu que les liens de l’entreprise avec le gouvernement et l’armée chinois (Huawei a été fondée par Ren Zhengfei, un ingénieur qui a servi dans l’armée de Chine) en font un risque pour la sécurité nationale. Le président Joe Biden avait fait pression sur les EAU pour qu’ils prennent des mesures de distanciation avec la Chine, notamment en retirant Huawei de son réseau de télécommunications. Il craint que Pékin n’utilise l’équipement de la société pour espionner ou perturber les communications des armes américaines livrées à Abu-Dhabi.
« Le F-35 est le joyau de la couronne des Etats-Unis et de notre armée de l’air, et nous devons donc être en mesure de protéger la sécurité technologique de tous nos partenaires », a déclaré la sous-secrétaire d’Etat adjointe à la sécurité régionale, Mira Resnick. Mais les EAU ont montré leur scepticisme quant aux affirmations américaines concernant la violation potentielle de la sécurité des systèmes d’armes et exprimé leur inquiétude à l’idée d’être pris dans une « nouvelle guerre froide » entre leur principal allié stratégique et un partenaire commercial de premier plan. « Ce qui nous inquiète, c’est cette ligne fine entre une concurrence aiguë (entre la Chine et les Etats-Unis) et une nouvelle guerre froide », a relevé Anwar Gargash, le conseiller diplomatique du président des EAU.
Si les Emirats résistent pour le moment aux pressions et aux conditions américaines concernant le marché d’armes, ils ont dû céder à propos d’un autre dossier impliquant la Chine. Après plusieurs visites de responsables américains, les Emirats ont fermé en novembre dernier une installation portuaire chinoise près de la capitale, en raison de soupçons exprimés par Washington selon lesquels elle était utilisée à des fins militaires.
Alors que de hauts responsables émiratis ont affirmé que le site que les Chinois construisaient était une installation purement commerciale, les services de renseignement américains ont confirmé avoir observé des navires militaires déguisés en embarcations commerciales qu’ils ont identifiées comme un type généralement utilisé par l’armée chinoise pour la collecte de renseignements électromagnétiques.
Ils ont relevé que l’imagerie satellite du site situé dans le port d’Al-Khalifa, où le géant chinois du transport maritime Cosco exploite un terminal à conteneurs commercial, avait révélé des travaux de construction suspects. Les preuves comprenaient d’importants travaux de creusement souterrain apparemment pour un bâtiment à plusieurs étages et le fait que le chantier était couvert dans une tentative apparente de cacher ce que s’y construisait.
La Chine est l’un des partenaires commerciaux les plus importants des Emirats et les responsables américains ont de plus en plus exprimé leurs inquiétudes face à des signes d’une coopération sécuritaire naissante entre les deux pays. Washington a en conséquence averti Abu-Dhabi qu’une présence militaire chinoise aux EAU pourrait menacer les relations entre les deux pays. Cette mise en garde n’est pas exclusive aux EAU et s’inscrit dans le cadre plus large d’une vigoureuse campagne lancée par l’Administration Biden pour persuader ses alliés de ne pas s’engager dans une coopération étroite avec la Chine dans les secteurs militaire et de sécurité.
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