Au terme du 8e Forum sur la coopération sino-africaine (Focac), tenu au Sénégal les 29 et 30 novembre, Pékin a fait plusieurs promesses d’aide, notamment un don d’un milliard de doses de vaccins anti-Covid-19.
Le président Xi Jinping, qui est intervenu par visioconférence à cette conférence ministérielle, a également promis la production en Afrique de 400 millions de doses supplémentaires. La réaction rapide de la Chine à la propagation du coronavirus en Afrique a renforcé son image dans un continent qui paraissait abandonné par l’Occident.
Jinping s’est également engagé à augmenter les investissements en Afrique, notamment sur les énergies renouvelables. La réalité est que la Chine projette de réduire d’un tiers les fonds qu’elle fournit à l’Afrique au cours des trois prochaines années. Cela représente une réduction de 20 milliards de dollars sur les 60 milliards promis lors des deux précédentes éditions du Focac.
Signe de prudence face à l’endettement croissant du continent, la baisse prévue en investissements, crédits et droits de tirage spéciaux, signale une inquiétude quant à la capacité des pays africains à rembourser leurs dettes. Le FMI estime que 20 pays africains sont exposés à un haut risque de surendettement ou déjà surendettés.
Malgré sa récente prudence, la Chine reste le plus grand créditeur bilatéral aux pays les plus pauvres du monde, dont beaucoup en Afrique subsaharienne, où elle représente environ 20 % de tous les crédits. La Chine a également été le plus grand participant bilatéral à l’initiative de suspension du service de la dette du G20, lancée l’année dernière pour aider les pays les plus pauvres à financer leur réponse à la pandémie.
Les investissements et les lignes de crédit faciles accordés à l’Afrique au cours des deux dernières décennies ont valu à la Chine d’être accusée de pratiquer la diplomatie du piège de la dette. Les tenants de cette thèse avancent que Pékin cherche à endetter les gouvernements pour augmenter son influence sur eux. La stratégie chinoise, connue sous le nom de « mode angolais » et consistant à financer des projets d’infrastructure contre un contrôle accru des ressources naturelles, a entraîné des problèmes financiers pour de nombreux pays africains.
L’Angola, l’un des principaux fournisseurs de pétrole à Pékin, est le plus grand emprunteur africain de la Chine avec 42,6 milliards de dollars. Vu les difficultés croissantes de remboursement de cette dette, Pékin a dû convenir en janvier dernier d’un allègement de 20 milliards de dollars.
La Commission économique de l’Onu pour l’Afrique a indiqué que l’Angola, ainsi que la République du Congo risquent d’être en défaut de paiement sur des crédits chinois. Entre 2000 et 2019, la Chine aurait prêté à l’Afrique 173 milliards de dollars. L’Angola, à lui seul, cumule 30% de cette dette. Au moins 18 pays africains renégocient actuellement leurs dettes avec différents créditeurs chinois. 12 autres pays tentent de rééchelonner 12 milliards de dollars de prêts.
Le problème majeur réside dans le manque de transparence dans la contraction des crédits. La moitié de la dette chinoise en Afrique est composée de ce qu’on appelle la « dette cachée ». Celle-ci signifie que les dispositions contractuelles, les conditions de remboursement et l’état de remboursement sont inconnus. « China Africa Research Initiative » de l’Université John Hopkins a révélé que la dette de la Zambie envers les prêteurs publics et privés chinois est de 6,6 milliards de dollars, soit près du double du montant annoncé auparavant par Lusaka.
L’Afrique importe de Chine des produits manufacturés alors que Pékin s’intéresse à l’acquisition de matières premières. La faiblesse des prix de ces derniers a créé un énorme déséquilibre commercial entre les deux parties. En 2019, le déficit commercial de l’Afrique avec la Chine a dépassé les 17 milliards de dollars. Ce déficit devrait se creuser à l’avenir, à moins que les pays africains parviennent à freiner cette tendance par une série de mesures, en tête desquelles la mise en place de mécanismes de transparence— dont l’informatisation des démarches administratives pour éliminer les intermédiaires— qui assureraient une meilleure rationalité économique.
La réduction de l’opacité diminuera les risques de mauvaise gestion et de corruption, source de gaspillage des ressources nationales. Selon un rapport publié en novembre par l’équipe d’investigation de The Sentry, basée à Washington, qui traque « l’argent sale » en Afrique, le cercle restreint de l’ancien président congolais Joseph Kabila a empoché 65 millions de dollars de pots-de-vin de la part de sociétés chinoises pour approuver un contrat visant à améliorer les conditions de vie des pauvres.
L’Afrique pourra également, collectivement et individuellement, jouer la compétition entre la Chine et les puissances occidentales autour des ressources naturelles du continent pour obtenir un meilleur transfert de technologie. Sur ce chapitre, l’intégration économique régionale à travers la zone de libre-échange continentale, mise en place en janvier 2021, est de nature à accroître le pouvoir de négociation de l’Afrique avec la Chine et les autres puissances.
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