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Les correspondances personnelles de Nasser

Mohamed Salmawy , Mercredi, 06 octobre 2021

A l’occasion de la 51e commémoration du décès de Gamal Abdel-Nasser, mon camarade de classe jordanien au Victoria College, l’ingénieur Abdel-Fattah Toukan, m’a envoyé une lettre qui, selon lui, lui est chère au coeur, accompagnée de ces mots : « Je vous envoie la lettre que m’a envoyée le président Nasser. Le président qui m’a profondément influencé. Je vous prie de bien vouloir publier cette lettre que j’ai eu l’honneur de recevoir pendant mes années d’études au Victoria College en Egypte, pour que tout le monde sache combien l’Egypte est grandiose, et son zaïm — qui tenait à lire toutes les lettres qui lui parvenaient même s’il s’agissait d’une lettre d’un écolier étranger —, éternel ».

Mohamed Salmawy

La lettre, dont voici les mots, portait le sceau officiel de la présidence de la République : « J’ai reçu votre aimable lettre qui déborde de patriotisme et de foi. Combien je suis content de voir cette sincère loyauté qui me confère la force et m’aide à travailler pour le bien de la nation arabe éternelle. Que Dieu nous soutienne tous pour accomplir le devoir et rehausser la nation pour laquelle nous travaillons tous et sommes prêts à mourir. Dieu est grand. La dignité pour les Arabes ». La lettre était signée Gamal Abdel-Nasser et datée du 29-10-1961.

Quant à Abdel-Fattah Toukan, qui vit maintenant à Toronto au Canada, il a suivi ses études à la faculté d’ingénierie de l’Université d’Alexandrie puis a obtenu un master de l’Université de Liverpool et un doctorat de l’Université d’Alabama en droit international. Il est le PDG d’Al-Mohandessine Al-Arab (les ingénieurs arabes) et supervise actuellement la construction de la plus grande station au monde d’épuration de l’eau au Japon avec une capacité de 400 millions de m3 par jour.

La lettre adressée par Toukan à Nasser portait les mots suivants : « Je suis le fils de l’arabisme. Mon père et ma mère sont arabes. Ils ont tous les deux une profonde foi en l’arabisme et l’islam. Ils oeuvrent ensemble à me faire parvenir les réalités que j’ignore sur la Palestine usurpée, sur la manière dont ils en sont sortis et sur la manière dont elle a été occupée par les Britanniques qui l’ont livrée aux juifs. Je n’arrive pas à croire ce qu’ils disent. Je leur demande alors : Comment ça ? Où est Nasser, le grand révolutionnaire ? Celui qui a combattu l’occupation, qui a nationalisé le Canal de Suez et construit le barrage grandiose. Ils répondent : Nasser et ses frères libres étaient avec nous sur le champ de bataille. Ils ont témoigné la trahison de 1948. Je réplique alors : Pourquoi ne travaillerions-nous pas sous le leadership de Nasser le fidèle, le libre, pour avancer vers Jérusalem, pour restituer la nation usurpée ? Mon père répond : L’avancée vers Jérusalem est proche. Nous n’avons maintenant qu’à nous préparer pour ce jour. Notre devoir est de nous dresser en un seul rang derrière Nasser, le vainqueur de l’occupation qui suscite l’espoir en l’entité palestinienne pour revenir au pays. Dieu est grand, nous retournerons au pays. Dieu est grand, vive Nasser ».

Je me suis longuement arrêté face à cette lettre qui exprime les larges espoirs nationalistes que représentait Nasser pour tous les peuples arabes, qui montre combien ils ressentaient qu’il était proche d’eux et qu’il leur répondrait même s’ils lui envoyaient leurs lettres par la poste ordinaire comme c’était le cas pour celle-ci. Je me suis aussi arrêté face à l’insistance du zaïm, malgré ses occupations, à répondre, même à un courrier lui parvenant d’un garçon de moins de 10 ans.

Le directeur du bureau de Nasser, Sami Charaf, m’a raconté que Nasser accordait un intérêt particulier à toutes les lettres qui lui parvenaient, que ce soit de l’intérieur du pays ou de l’étranger. J’ai eu la chance d’en voir quelques-unes en possession de Dr Hoda Abdel-Nasser, sa fille. Les correspondances officieuses du président de la République avec son peuple sont un véritable trésor qui dévoile le côté humain de la personnalité de Nasser, ainsi que de nombreux secrets sur les arrière-plans de certaines décisions. Dans ce contexte, j’appelle la chercheuse Dr Hoda Abdel-Nasser à publier l’ensemble de ces lettres dans un livre accessible au public car elles représentent un registre précis de la nature de la relation entre le zaïm et le peuple arabe loin des événements politiques.

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