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Le ciel assombri des Talibans

Mohamed Salmawy , Mardi, 28 septembre 2021

Comme prévu, les Talibans ont commencé à réappliquer les mêmes règles strictes qu’ils appliquaient lorsqu’ils étaient à la fin des années 1990. Ils ont interdit la musique partout dans le pays et ont détruit les instruments musicaux dans les lieux publics, ce qui nous rappelle une autre scène douloureuse de la démolition des deux statues géantes de Bouddha. Cette scène de la démolition des instruments musicaux, qui s’est déroulée récemment après que les Etats-Unis ont remis aux Talibans le pouvoir en Afghanistan, a choqué le monde entier et tous les médias l’ont diffusée. Le porte-parole des Talibans, Zabihullah Mujahid, a déclaré que la musique était une oeuvre de Satan et qu’il ne permettrait plus que la musique soit jouée dans les lieux publics.

Mohamed Salmawy

Les Talibans n’ont pas permis aux filles du cycle secondaire de retourner aux écoles et le retour concerne uniquement les élèves et les employés hommes. Le ministère des Affaires de la femme a été supprimé par le nouveau gouvernement des Talibans qui ont réinstauré le ministère de la Promotion de la vertu et de la prévention du vice, qui imposait au peuple des règles religieuses strictes. Et il semble qu’ils aient interdit aux femmes de travailler dans ce ministère, puisque des extraits diffusés par les réseaux sociaux montrent des employées à l’extérieur du ministère réclamant le retour à leur travail.

L’Afghanistan a un patrimoine musical exceptionnel qui remonte à plusieurs siècles. C’est un patrimoine varié qui ne se limite pas à un genre ou une seule école, mais qui reflète la variété ethnique, linguistique et géographique qui caractérise l’Afghanistan. La musique afghane la plus célèbre est la pashto, qui est un patrimoine de la musique populaire influencé par la musique indienne. Momin Khan Biltoon, également connu sous le nom de son honorifique titre Ustad Biltoon (Professeur Biltoon) et le plus célèbre chanteur afghan qui a chanté la pashto et le dari, est mort en 2015 à l’âge de 95 ans après avoir chanté pendant près de 70 ans. Fadel Ahmad Zakaria, appelé Professeur Ninwaz, était poète, compositeur et chanteur. Il a écrit des morceaux des plus importants dans le patrimoine afghan populaire et est mort en 1979 à l’âge de 44 ans.

Quant à la musique mohali, c’est le genre afghan le plus varié qui se divise en 3 tendances principales qui ont évolué dans les montagnes afghanes à travers les années sans être influencées par d’autres genres venus d’ailleurs. L’instrument appelé robab à 3 cordes, ressemblant au rabab en Egypte, est l’instrument musical le plus célèbre en Afghanistan. Il est rare de trouver une mélodie afghane où manque le ton triste de la robab.

De façon générale, le patrimoine artistique et culturel n’a aucune importance chez toutes les factions de l’islam politique comme Daech qui a égorgé les artistes yazidis en Iraq et a interdit la musique et le chant dans les cérémonies de mariage et les fêtes au Yémen, et les Frères musulmans en Egypte qui avaient fermé l’Opéra lorsqu’ils étaient au pouvoir et réclamé la couverture des statues pharaoniques avec de la cire pour cacher leurs détails. Leurs cheikhs ont même attaqué nos artistes et ont décrit le ballet d’obscénité et les chefs-d’oeuvre de notre grand écrivain Naguib Mahfouz ont été décrits de « littérature du haschisch et de la prostitution ».

Si les différentes factions de l’islam politique connaissaient bien l’histoire de la civilisation islamique, elles auraient appris à quel point cette civilisation a accumulé à travers les époques des chefs-d’oeuvre dans les domaines de la poésie, du chant et de la musique, en particulier pendant l’époque abbasside et l’époque andalouse. L’exemple le plus expressif est celui du génie en musique Aboul-Hassan Ali bin Nafie à qui on a donné le surnom de « Ziriab », c’est-à-dire le merle noir qui chante. Ce surnom a été donné à ce chanteur dont les contributions ont enrichi la musique arabe, parce qu’il avait une très belle voix et une peau foncée.

Il existe des extraits musicaux islamiques qui reviennent à l’époque du prophète Mohamad. Il avait été accueilli lors de son arrivée à Médine avec des chansons. On raconte que lors de la migration du prophète de La Mecque à Médine, les femmes et les enfants l’ont accueilli en chantant « Talaa Al-Badr Alayna » (la pleine lune est apparue dans notre ciel), devenant un chant islamique patrimonial, qui compare l’arrivée du prophète à la belle apparition de la pleine lune.

Cette chanson a ensuite inspiré beaucoup de musiciens à différentes époques. Le célèbre musicien d’origine syrienne Malek Jandali, né en Allemagne, a emprunté la musique de ce chant pour en faire une splendide symphonie de piano. Et le chanteur britannique musulman Cate Stevens en a fait une chanson moderne à sa façon et l’a appelée « Moonlight ». Les Talibans ne voient dans la musique que la débauche qui les préoccupe sans cesse. Il semble que la pleine lune qui est apparue dans le ciel de Médine il y a 1 500 ans n’est pas encore apparue en Afghanistan et n’apparaîtra pas, et leur ciel restera pour toujours assombri

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