Les réactions se suivent à mon article publié au numéro 1387 d’Al-Ahram Hebdo sur la bataille qui fait rage actuellement au sein de l’Académie de la langue arabe et la mainmise des adeptes de l’idéologie des Frères sur son destin. Une pensée que le peuple égyptien a renversée le 30 juin 2013. Dr Saïd Tawfiq, professeur de philosophie à l’Université du Caire et ancien secrétaire général du Conseil suprême de la culture, a écrit ces mots dans le quotidien Al-Akhbar : « La crise de l’Académie de la langue arabe face à la confrérie ».
Dans cet article, il dit qu’il s’agit d’un sujet de grande importance. « L’académie est actuellement divisée, un segment scientifique progressiste et un groupuscule traditionnel et arriéré. Il n’est pas un secret pour les intellectuels que l’ancienne académie souffre voilà des décennies des membres qui appartiennent aux Frères musulmans qui ont toujours tendance à sympathiser avec leurs adeptes, abstraction faite de la performance et de l’expertise scientifique. C’est ce qui justifie le genre de membres qui contrôlent l’académie voilà quelque temps, bien qu’il y ait de grands noms connus pour leur niveau académique et qui ne font jamais l’objet de sa candidature ». Dr Saïd Tawfiq insiste sur la nécessité de nommer un nombre d’intellectuels illuminés pour contrecarrer la majorité caractérisée par l’obscurantisme. Et ce, pour éviter leur contrôle des destinées de toute prochaine élection. Nous voulons, a-t-il déclaré, rejouer l’histoire et nous rappeler du décret royal de 1940 qui avait nommé les grands noms, qui ont ensemble fait la gloire et l’âge d’or de l’académie, tels Taha Hussein, Mohamad Hussein Heikal, Abbas Mahmoud Al-Aqqad, Tawfiq Al-Hakim, Mohamad Abdel-Qader et Al-Mazeni. Il assure néanmoins que l’académie, à l’ombre de sa composition actuelle, est incapable d’assumer son rôle et que l’on s’attend à ce que le leadership politique lui donne un élan fort. « Il faut que les spécialistes soient impliqués dans sa restructuration et la détermination des critères de ses membres », explique-t-il.
D’ailleurs, le grand chercheur Ossama Al-Ghazali Harb a exprimé dans sa colonne intitulée « Mots libres » son inquiétude vis-à-vis de l’académie d’autant qu’il suit de près sa situation les derniers mois. Dr Mona Makram Ebeid, Dr Abdel-Moneim Taha Al-Mohandes, ainsi que l’académicien Dr Mohamad Madkour, fils du Dr Ibrahim Bayoumi Madkour, ancien président de l’Académie de la langue arabe, m’ont aussi exprimé leur inquiétude et ont appelé le ministre de l’Enseignement supérieur à réformer son statut interne actuel. Ils ont fait allusion à l’exemple du ministre du Transport qui a amendé certaines lois et certains statuts désuets. Ce qui lui a permis, dans le courant de quelques semaines, de mettre un terme à la corruption qui sévissait dans les rangs des fonctionnaires publics. Et d’ajouter : « Ce qui m’a également attiré dans votre article est l’absence de membres coptes ou femmes au sein de l’académie ». Il m’a alors rappelé les tentatives répétées de son père, lorsqu’il était à la tête de l’académie, d’intégrer Dr Soheir Al-Qalamawy ou l’écrivain Bent Al-Chatie, en vain.
Dr Ahmad Magdi Hégazi, professeur de la sociologie politique à l’Université du Caire et membre du Conseil suprême de la culture a, quant à lui, déclaré : « L’éradication de cette idéologie est un devoir national et l’ancrage de l’identité nationale est un honneur. Ce qui nécessite un consensus pluraliste et populaire. Le fait de sauver la société de ces groupuscules est une justice constitutionnelle sur la voie du progrès. Que Dieu nous protège de cette pensée perverse ». L’ami et ancien leader wafdiste Mounir Fakhri Abdel-Nour m’a écrit : « Merci pour le choix d’un thème délicat et j’espère qu’il n’engendrera pas de confrontation avec Al-Azhar ». Il estime qu’Al-Azhar est responsable de sauvegarder la langue arabe et sa diffusion à travers le monde. Une mission qu’il a accomplie en bonne et due forme tout au long de son histoire.
Depuis sa création, l’Académie de la langue arabe a pu former une élite égyptienne et internationale, mais cette élite s’écroule à l’ombre de l’état de polarisation que nous vivons. Dr Saïd Tawfiq parle d’un « mensonge dont on a toujours fait la propagande et selon lequel les gardiens de la langue arabe sont les diplômés de la faculté de Dar Al-Oloum », tout en notant son respect à Al-Azhar et à Dar Al-Oloum, ainsi qu’à toutes les institutions concernées par la langue arabe et sa littérature et en rappelant qu’en vertu de la Constitution, l’Académie de la langue arabe a pour mission de sauvegarder notre langue. Or, selon les clauses de la Constitution, notre langue arabe est bien plus globale et elle ne relève pas uniquement d’une seule institution. La multiplicité des institutions la protégeant l’enrichit et ne l’affaiblit pas. Mais ce qui l’affaiblit est le fait de la cantonner à une pensée terroriste et fanatique que nous aspirons à éradiquer avec une nouvelle loi pour l’académie. Et ce, pour aller de pair avec les changements que la société a témoignés après la Révolution du 30 Juin.
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