Un an après la fameuse explosion qui a frappé le 4 août 2020 le port de Beyrouth, le Liban n’est toujours pas au bout de ses peines. La crise libanaise est endémique et comprend de multiples facettes. Elle est politique tout d’abord avec les échecs répétitifs de former un gouvernement. Après la démission de Hassan Diab, quelques jours après l’explosion, on a vu se succéder trois premiers ministres : Moustapha Adib, qui a renoncé au bout d’un mois, Saad Hariri qui a jeté l’éponge le 15 juillet dernier, et le chef du gouvernement désigné, Najib Mikati, qui a pris ses fonctions le 26 juillet, et qui peine lui aussi à former un gouvernement.
La crise est aussi économique et sociale avec l’effondrement de la lire libanaise et la flambée du dollar, la chute du PIB et l’expansion de la pauvreté. La Banque Centrale libanaise, en détresse en raison de la pénurie de dollars, n’est plus en mesure de financer les importations essentielles et se retrouve obligée de vendre ses lires à un taux très bas face au dollar. Résultat : les prix des denrées alimentaires ont triplé, voire quadruplé. Et la pénurie de carburant paralyse les transports publics et complique la fourniture de l’électricité à la population.
Où va donc le Liban ? Les révoltes de 2019 avaient fait naître l’espoir d’un changement. Mais en dépit des pressions internationales, le Liban est resté englué dans sa crise. Avec un système politique désuet où le pouvoir est réparti entre les différentes communautés (sunnites, chiites, druzes, maronites, etc.), le pays ne semble pas prêt de voir le bout du tunnel. Cette répartition du pouvoir fait que chaque communauté possède « un bout de pouvoir », mais jamais le pouvoir entier. Et dans de telles conditions, la marge de manoeuvre des gouvernements devient extrêmement serrée et leurs chances de survie minimes, car les querelles politiques sont incessantes. Ainsi, le gouvernement sortant de Moustapha Adib n’a pas pu se maintenir à cause, entre autres raisons, d’une querelle autour du portefeuille des Finances. Ce poste était tenu depuis 2014 par des ministres chiites. Dans un pays où le président doit être un chrétien maronite et le premier ministre un musulman sunnite, les partis chiites ont réclamé ce portefeuille. Il faut savoir qu’au Liban, tous les décrets sont signés par le président de la République, le premier ministre et le ministre des Finances. Face à la volonté du chef du gouvernement de mettre fin au monopole habituel sur ce ministère par les partis chiites, les deux formations chiites libanaises (ndlr : le Hezbollah pro-iranien et le mouvement Amal) n’ont jamais cédé. Résultat : un blocage complet des négociations. Un scénario identique s’était produit à l’époque de Saad Hariri lorsqu’un différend avait opposé le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, à son rival druze, Talal Arslane, chef du Parti démocrate libanais. Ce blocage de la vie politique n’est certes pas dans l’intérêt du Liban, car la formation d’un gouvernement et le lancement de réformes structurelles sont essentiels pour débloquer les milliards de dollars d’aides promises par les institutions monétaires internationales.
Depuis la fin de la guerre civile et les accords de Taëf en 1989, le Liban est prisonnier de son système politique hérité de l’ère coloniale. Un système où les partis politiques ne défendent pas d’idéologies, mais des clans. Et où chaque parti cherche avant tout les intérêts de son clan. Sans réelle volonté de changer ce système confessionnel, le Liban a peu de chances de s’en sortir. Il restera à jamais prisonnier de son système politique.
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