Une fois que les résultats de la présidentielle américaine avaient été tranchés en novembre, ont été entamées les discussions sur l’avenir des Etats-Unis.
Ces discussions se sont lancées à partir d’un constat qui n’est guère négligeable, selon lequel les Etats-Unis souffrent d’une crise structurelle qui doit être réglée. L’hégémonie de l’Oncle Sam qui était évidente après 1945, d’après le politiste français Bertrand Badie, ne l’est plus. L’unique suprématie de l’Amérique sur les plans économiques, militaires et culturels, invincible depuis le plan Marshall— qui, selon Huntington, consistait à la reconstruction de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale et jusqu’à la dislocation de l’Union Soviétique — a perduré jusqu’à la fin du XXe siècle.
Mais cette force a commencé à s’éroder vers la moitié de la première décennie du 3e millénaire, tant sur le plan interne qu’externe.
Sur le plan interne, les déséquilibres sociaux et culturels ont davantage creusé le fossé entre les classes sociales. Ceci s’est accompagné d’une faiblesse de la classe moyenne et la formation d’un bloc de jeunes « hors normes » qui appelaient à la réforme de la vision portée à l’ethnie et la couleur de la peau. Outre cela, ont émergé des crises réelles dans la performance des systèmes économiques et monétaires ayant entraîné la pire crise économique de l’histoire de l’Amérique.
Sur le plan externe, les Etats-Unis commençaient à ne plus pouvoir exercer leur hégémonie, comme c’était le cas durant la seconde moitié du XXe siècle. Ce qui s’est traduit par plusieurs échecs.
Même en brandissant le slogan, tantôt de la guerre juste, tantôt de la diffusion des valeurs de démocratie, ils n’ont pas pu préserver leur place de leadership du monde, surtout avec un nombre d’alliés qui les ont délaissés et la montée de nouvelles forces.
La crise s’est ensuite aggravée sous le mandat de Trump, et le contraste fondamental de sa politique: la volonté d’imposer son hégémonie et le désengagement américain de n’importe quelle responsabilité internationale. Mais préserver cette hégémonie sans s’investir? Tout en brandissant le slogan « l’Amérique d’abord » ?
Une équation unique en son genre d’autant qu’elle était caractérisée par un opportunisme flagrant.
Washington utilisait la mondialisation à son profit et la rejetait lorsqu’elle n’était pas en sa faveur. Un pari à double risque: d’une part, il l’isole, et d’autre part, il estime qu’elle est capable de formuler un ordre mondial selon sa propre vision. Ce qui est impossible, surtout avec le retrait américain de plusieurs instances et accords internationaux.
Cette contradiction fondamentale, qui avait été exercée sous Trump, a dévoilé ce que les Administrations américaines successives ont essayé de cacher depuis Bush père et même avant, à savoir une certaine fragilité qui a atteint le corps américain, doublée de l’émergence d’un nouveau monde.
Reconstruire l’Amérique, pour reprendre le jargon utilisé par les chercheurs, est alors une nécessité. Selon eux, la reconstruction dépasse les deux partis historiques (un système qui a perdu sa validité) et les élites capitalistes. Le slogan de la reconstruction de l’Amérique s’est répété ces derniers mois dans de nombreuses sphères. Dernièrement, la revue Foreign Affairs s’est longuement interrogée sur la question comment l’Amérique pourrait-elle se rétablir? Il est également possible de consulter le livre de l’économiste de renom et ex-ministre Robert Reich sur la réforme du régime.
Il serait impossible de mener à bien la mission de la réforme sans comprendre les raisons de la détérioration des institutions de l’Etat, qu’elles soient économiques, politiques ou fédérales. Il faut au même titre étudier les nouveautés qui ont intervenu sur les couches sociales et au sein des différentes générations. Le régime américain doit être examiné de fond en comble parce que, selon les analystes, il n’est plus le modèle rêvé de la prospérité.
Cet état de fait a causé le recul de l’égalité économique et culturelle des citoyens, mais aussi celui de la démocratie, tout en impactant négativement les intérêts publics.
Le besoin est devenu urgent, conformément aux discussions intenses qui sont en cours, à une reconstruction de l’Amérique. Une chose qui ne verra pas le jour sans une redéfinition, même du terme reconstruction.
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