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Course à la reconstruction de la Libye

Dimanche, 04 avril 2021

Alors que le processus de réconciliation avance en Libye, les pays voi­sins et les grandes puis­sances se précipitent pour partici­per à la reconstruction du pays. C’est ainsi que les ministres des Affaires étrangères de la France, de l’Allemagne et de l’Italie se sont rendus le 26 mars à Tripoli pour soutenir le nouveau gouvernement d’union nationale et explorer les opportunités d’investissement et de redressement d’une économie exsangue par dix ans de guerre civile. Le chef de la diplomatie italienne, Luigi Di Maio, n’y est pas allé par quatre chemins, lorsqu’il a déclaré sur Facebook que son pays devait participer à la reconstruction de la Libye. Jusqu’à présent, aucune estimation fiable n’a été avancée sur le coût de reconstruction de la Libye, mais certains spécialistes estiment qu’il devrait dépasser les 100 milliards de dollars. Le directeur de l’Union des entrepreneurs de Libye, Abdel-Majid Kosher, considère, pour sa part, que son pays aura besoin de 450 milliards de dollars pour sa reconstruction au cours des 5 pro­chaines années.

L’Egypte, pays voisin de la Libye, serait bien placée pour se tailler une place de choix dans la reconstruc­tion, notamment au niveau de la main-d’oeuvre. Kosher a estimé que la reconstruction ne nécessiterait pas moins de 3 millions de tra­vailleurs qualifiés, notant que les travailleurs égyptiens sont les mieux placés pour aider dans cette tâche. L’Union des travailleurs libyens a pour sa part annoncé, le 15 mars, que les travailleurs égyp­tiens auront la priorité dans le pro­cessus de reconstruction. L’Egypte a une longue histoire de fournir à la Libye la main-d’oeuvre nécessaire à la construction, et maintenant que le pays avance vers la stabilité, de nouvelles opportunités dans les infrastructures, les chemins de fer, les ponts, les routes, le logement, le drainage sanitaire et l’industrie pétrolière se présentent aux entre­prises égyptiennes qui bénéficient de la proximité géographique, donc de moindre coût de transport, et d’une main-d’oeuvre qui parle la même langue et partage diverses valeurs avec la population libyenne.

Des démarches sont déjà entre­prises dans cette direction. Le 15 mars, les ministères égyptien de la Main-d’oeuvre et libyen du Travail se sont entendus sur les mécanismes d’engager les travailleurs égyptiens dans le processus de reconstruction. Cette réunion a fait suite à une ren­contre entre les deux parties pour relancer le mémorandum de coopé­ration bilatérale signé en 2013 sur l’utilisation de la main-d’oeuvre égyptienne en Libye. Il a été égale­ment convenu de former un comité conjoint permanent pour superviser la mise en oeuvre de l’accord et mettre en place un système électro­nique entre les deux ministères pour déterminer les besoins libyens. Une délégation égyptienne se ren­dra bientôt en Libye pour finaliser les dispositions techniques néces­saires à la participation de la main-d’oeuvre égyptienne aux projets de reconstruction. Le 3 mars, la Fédération des chambres de com­merce égyptiennes a annoncé la création d’une unité chargée de gérer l’inventaire des projets de reconstruction en Libye et de four­nir les informations nécessaires aux entreprises égyptiennes.

L’Union des travailleurs libyens a, pour sa part, annoncé la création d’un centre d’information égypto-libyen chargé d’échanger et de documenter les informations rela­tives à la main-d’oeuvre, alors que la Chambre économique égypto-libyenne a entamé des discussions avec des entreprises privées égyp­tiennes pour discuter des moyens d’exploiter la main-d’oeuvre égyp­tienne dans les projets libyens. Elle estime que « La Libye a besoin de plus de 2 millions de travailleurs égyptiens pour reconstruire ses villes touchées ». « Nous recher­chons le retour (en Libye) des tra­vailleurs égyptiens dans toutes les disciplines », a-t-elle ajouté.

Les démarches entreprises par l’Egypte entrent en concurrence avec les tentatives intenses de la Turquie pour s’approprier la part du lion des projets de reconstruction de la Libye. Ankara n’a pas hésité à faire des déclarations publiques indiquant sa volonté de participer aux efforts de reconstruction et aux forages pétroliers. Il veut capitali­ser sur son investissement diploma­tique et militaire en Libye depuis 2019, pour les traduire en opportu­nités commerciales et en influence politique. Le mémorandum d’en­tente signé en novembre 2019 avec l’ancien Gouvernement d’union nationale (GNA) de Fayez Al-Sarraj permet aux constructeurs turcs d’achever leurs projets interrompus par la guerre civile. La valeur totale de ces projets s’élève à 19 milliards de dollars, tandis que les créances échues non recouvrées s’élèvent à 1 milliard, le montant des garanties à 1,7 milliard et les autres pertes à environ 1,3 milliard. Le nouveau premier ministre libyen, Abdel-Hamid Dbeibah, a indiqué que les accords économiques que le GNA avait conclus avec la Turquie seront maintenus et que son gouvernement s’emploierait à élargir la coopéra­tion commerciale avec Ankara.

Plusieurs hommes d’affaires turcs ont récemment intensifié leurs visites à la ville de Misrata (ouest), afin d’examiner les moyens de par­ticiper à la reconstruction de la Libye. La ville, l’un des fiefs de l’ancien GNA, est considérée comme le principal centre de la communauté d’origine turque en Libye. Au total, les membres de cette communauté forment environ les deux tiers— 270000 en 2019— des 400000 habitants de la ville. C’est ainsi que le président du Conseil des affaires Turquie-Libye, Murtaza Karanfil, a annoncé, le 30 mars, le début de construction d’une base logistique de 30000m2 à Misrata. De son côté, la société turque Karanfil Group a inauguré, le 22 février, la plus grande usine de production de béton en Libye, qui devrait participer aux projets de reconstruction. La Libye a été en 1972 le premier marché étranger des entrepreneurs turcs. Aujourd’hui, elle est le troisième plus grand marché pour le secteur de la construction turc.

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