Israël vit ces jours-ci ses pires défis et ses épreuves les plus difficiles. Au moment où il affirme sa position de superpuissance régionale au Moyen-Orient et qu’il clame devoir maintenir sa suprématie, se posant comme la plus grande force régionale, il se trouve totalement incapable de se défendre sans la protection américaine. Ce n’est probablement pas la première fois qu’il se trouve dans une telle situation. Tel-Aviv vit une véritable crise avec l’Administration du président américain, Joe Biden, à cause de la décision de réintégrer l’accord nucléaire signé en 2015, dont Donald Trump s’était retiré en 2018. Les dirigeants israéliens se sont trouvés incapables de réitérer leur capacité à saper les forces nucléaires iraniennes individuellement sans une participation américaine. Il est également possible qu’Israël ne puisse plus convaincre les Etats-Unis de persister dans leur désengagement vis-à-vis de l’accord nucléaire.
Tel-Aviv se trouve dans une épreuve difficile : est-il capable, seul, de stopper les ambitions nucléaires iraniennes? Ou bien est-il obligé d’accepter la politique dictée par l’Administration américaine et ses alliés européens et qui consiste tout de même aussi à barrer la route à l’Iran pour ne pas devenir une force nucléaire militaire ?
L’essence du problème d’Israël est d’ordre sécuritaire. Il n’accepte pas la possession par l’Iran ou n’importe quel autre pays de la région de capacités nucléaires militaires ou même pacifiques. D’autant qu’il réalise parfaitement bien que l’usage pacifique du nucléaire peut conduire à un développement des capacités nucléaires militaires. Et c’est ce qu’Israël rejette totalement, parce qu’il estime qu’il doit rester le seul pays de la région à détenir l’arme nucléaire, une garantie pour sa survie et sa suprématie.
C’est cette question, je pense, qui était au centre des discussions de l’appel téléphonique entre le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, et le président américain, Joe Biden, le 17 février dernier. Suite à cet appel, Netanyahu s’est réuni avec des responsables israéliens de haut niveau, le 22 février, pour les informer du contenu de cet appel. L’objectif de la réunion était alors de faire des estimations stratégiques sur la politique israélienne adéquate pour contrer le « danger » nucléaire iranien. Netanyahu n’a tenu cette réunion qu’après avoir été convaincu que « le train des négociations avec l’Iran était relancé et qu’il ne s’arrêtera pas à Israël ».
Pour la majorité des responsables israéliens, que l’Iran détienne « l’arme nucléaire est une menace existentialiste qu’Israël ne devrait jamais admettre ». Cependant, ce segment manifeste une certaine appréhension de l’éventualité qu’Israël se trouve obligé de faire face à ce défi individuellement. En face, d’autres responsables minoritaires estiment que le réengagement américain « au mauvais accord nucléaire de 2015 » est la meilleure option. A leurs yeux, le retrait américain de cet accord équivalait à la possession par Téhéran de la capacité nucléaire.
Cette division affirme l’incapacité israélienne à maintenir les allégations selon lesquelles Tel-Aviv détient, à titre individuel, la capacité à saper le potentiel nucléaire iranien. Une incapacité qui avait été exprimée par Netanyahu au lendemain de cette rencontre importante sur son compte Twitter le 23 février 2021. On pouvait percevoir des déclarations où le sentiment de désespoir et de dépression ont pris le dessus à tel point que l’on s’attendait à ce qu’il demande à Dieu d’anéantir l’Iran. Dans une série de tweets, ce jour-là, Netanyahu a totalement renoncé à tous les principes de la pensée stratégique, s’est directement adressé au peuple iranien et lui a rappelé la gloire ancienne de l’histoire juive avec les persans tyrans.
Il est d’ailleurs très important de faire une relecture de ce nouveau discours d’un Etat qui se considère comme la plus grande puissance du Moyen-Orient. Dans ces tweets, Netanyahu s’est adressé aux Iraniens par ces termes: « Je dis à ceux qui veulent nous anéantir, et je veux dire l’Iran et ses adeptes au Moyen-Orient, nous n’accepterons pas que votre régime extrémiste et agressif détienne l’arme nucléaire. Nous n’avons pas traversé un long itinéraire pendant des milliers d’années avant de revenir à la terre promise qu’est Israël pour permettre au régime des mollahs d’anéantir le récit de la renaissance du peuple juif ». Et d'ajouter : « Qu’il y ait ou non accord, nous déployons tout notre effort pour barrer la route à ce que vous déteniez l’arme nucléaire ». Le guide iranien suprême Ali Khamenei a répliqué sur ces tweets en disant : « Ce joker sioniste fait des déclarations tout le temps selon lesquelles il ne permettra pas à l’Iran de posséder l’arme nucléaire. Il doit bien savoir que si l’Iran le décide, ni lui ni quiconque ne l’empêchera ».
La réplique iranienne a incité Netanyahu à mettre l’Administration américaine dans l’embarras de nouveau en lançant la menace de l’usage de l’option militaire contre Téhéran. Deux jours après ces tweets désespérants, le premier ministre israélien a dévoilé le 25 février qu’il avait informé le président américain Joe Biden de son intention d’interdire la possession par l’Iran de l’arme nucléaire. Il a déclaré lors d’une interview à la chaîne 13: « J’ai informé Biden que j’interdirais à l’Iran de posséder l’arme nucléaire en vertu ou non d’un accord. La sécurité d’Israël ne sera jamais entre les mains de qui que ce soit ». De telles déclarations signifient que si Israël se sent en danger, il ripostera seul, sans le soutien américain. En même temps, Netanyahu a mis de l’eau dans son vin en affirmant que « deux choses vont ralentir le rythme de l’Iran dans sa course au nucléaire: une menace militaire avérée et des sanctions intransigeantes », relançant en quelque sorte la balle dans le camp américain.
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