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Biden et le processus de paix

Mercredi, 03 février 2021

Nul doute que l’Administration sortante de M. Donald Trump a rompu avec la ligne mainte­nue par ses prédécesseurs quant au conflit israélo-palestinien. Ce faisant, elle a créé des faits accom­plis sur le terrain et rendu plus difficile la tâche de son successeur. En effet, pour la partie israélienne, le sort de Jérusalem est déjà scellé depuis décembre 2017 lorsque Trump a signé le décret reconnaissant la ville capitale indivisible de l’Etat d’Israël. Un acte qui a été suivi par le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem. En prenant cette décision, Trump s’appuyait sur l’adoption, en 1995, par le Congrès américain du « Jerusalem Embassy Act », un texte établissant que « Jérusalem devrait être reconnue capitale de l’Etat d’Israël », et que l’ambassade américaine devrait y être transférée au plus tard le 31 mai 1999. Bien que la promesse d’unité de Jérusalem ait apparu pendant les cam­pagnes électorales de Bill Clinton, George W. Bush et Barack Obama, aucun d’eux n’est passé à l’acte. Ils avaient régulièrement recours à une clause déro­gatoire mentionnée dans le texte accordant au pré­sident des Etats-Unis, tous les six mois, la possibi­lité d’en différer l’application. Pendant la première année de son mandat, Trump a fait la même chose, pour autant il ne cachait pas sa détermination de réaliser cette promesse. En décembre 2017, il a fini par franchir le pas. Il se vantait alors d’être réaliste et d’avoir plus de courage que ses prédécesseurs.

Pour sa part, le président Biden a affiché son intention de retourner à une politique équilibrée sur le dossier israélo-palestinien. Cependant, selon les déclarations faites par le candidat au poste de secrétaire d’Etat, Antony Blinken, devant le Congrès, Washington ne reviendra pas sur cette décision et va maintenir son ambassade à Jérusalem. « Le président pense comme moi que la meilleure manière, peut-être la seule manière d’assurer à Israël son avenir en tant qu’Etat juif démocratique, et de donner aux Palestiniens l’Etat auquel ils ont droit, c’est la solution dite à deux Etats ». Toutefois, il a pris soin de recon­naître qu’une telle solution n’était pas « réaliste à court terme ». Dans ce contexte, il s’est contenté d’appeler Israéliens et Palestiniens à « éviter des mesures unilatérales qui rendent cela encore plus complexe ».

A part cette déclaration, ainsi que les informa­tions indiquant que la nouvelle Administration allait autoriser la réouverture du bureau de l’OLP à Washington et reprendre le financement de l’Unrwa, aucun signe n’indique que le nouveau président possède une stratégie claire sur ce dos­sier, qui ne constituerait pas, pour l’heure, l’une de ses priorités en comparaison avec sa recherche d’une nouvelle formule pour conclure un accord avec Téhéran sur son dossier nucléaire et les mis­siles balistiques.

En fait, la nouvelle Administration semble fragi­lisée par la politique de son prédécesseur. Cette donne intervient à un moment où des développe­ments importants sont en cours. Tout d’abord, le gouvernement israélien a lancé une vaste com­pagne de colonisation dans les Territoires palesti­niens occupés, y compris Jérusalem-Est. Ce fai­sant, il s’appuie sur le plan de paix annoncé par Trump en janvier 2019. Ensuite, les campagnes électorales pour les législatives anticipées en Israël auraient pour sujet principal la colonisation, voire l’annexion, au moins, d’une partie des Territoires palestiniens occupés. Enfin, il y a le décret du pré­sident palestinien, Mahmoud Abbas, annonçant la tenue d’élections législatives et présidentielle palestiniennes en mai et juillet 2021.

Dans ce contexte, Washington aurait un mot à dire étant donné qu’il cherche à retrouver sa place sur la scène internationale. Partant, il incombe aux parties concernées à manoeuvrer pour pousser la nouvelle Administration américaine à changer le cap en ce qui concerne le dossier palestinien. Dans ce sens, il serait opportun de dynamiser les méca­nismes déjà existants.

Tout d’abord, on devrait valoriser les concerta­tions réunissant les ministres des Affaires étran­gères de l’Egypte, de Jordanie, de France et d’Alle­magne qui visent à trouver une issue au conflit. En effet, ces quatre pays pourraient redonner vie à la résolution 2334 adoptée par le Conseil de sécurité le 23 décembre 2016 avec 14 voix pour et une abstention, celle des Etats-Unis, sous la direction de l’ancien président, Barack Obama, et Joe Biden, alors vice-président. Cette résolution exigeait de nouveau d’Israël qu’il arrête immédiatement et complètement toutes ses activités de colonisation, et réaffirmait que les colonies constituaient une violation flagrante du droit international ainsi qu’un obstacle majeur à la réalisation des deux Etats et l’instauration d’une paix globale, juste et durable.

Ensuite, il y a également l’appel lancé par le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, le 25 septembre 2020, lors de son interven­tion par vidéo à l’Assemblée générale de l’Onu, à la tenue d’une conférence internationale sur le conflit israélo-palestinien juste après l’élection présidentielle aux Etats-Unis. Selon lui, cette conférence devrait avoir toute l’autorité nécessaire pour lancer un processus de paix sincère sur la base du droit international, en vue de mettre fin à l’occu­pation israélienne et garantir au peuple palestinien son indépendance et sa liberté dans son propre Etat. Un soutien à cet appel par l’Europe, la Russie et la Chine pourrait déclencher le revirement désiré de la part de Washington, ou, du moins, l’amener à reformuler sa position.

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