Nul doute que l’Administration sortante de M. Donald Trump a rompu avec la ligne maintenue par ses prédécesseurs quant au conflit israélo-palestinien. Ce faisant, elle a créé des faits accomplis sur le terrain et rendu plus difficile la tâche de son successeur. En effet, pour la partie israélienne, le sort de Jérusalem est déjà scellé depuis décembre 2017 lorsque Trump a signé le décret reconnaissant la ville capitale indivisible de l’Etat d’Israël. Un acte qui a été suivi par le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem. En prenant cette décision, Trump s’appuyait sur l’adoption, en 1995, par le Congrès américain du « Jerusalem Embassy Act », un texte établissant que « Jérusalem devrait être reconnue capitale de l’Etat d’Israël », et que l’ambassade américaine devrait y être transférée au plus tard le 31 mai 1999. Bien que la promesse d’unité de Jérusalem ait apparu pendant les campagnes électorales de Bill Clinton, George W. Bush et Barack Obama, aucun d’eux n’est passé à l’acte. Ils avaient régulièrement recours à une clause dérogatoire mentionnée dans le texte accordant au président des Etats-Unis, tous les six mois, la possibilité d’en différer l’application. Pendant la première année de son mandat, Trump a fait la même chose, pour autant il ne cachait pas sa détermination de réaliser cette promesse. En décembre 2017, il a fini par franchir le pas. Il se vantait alors d’être réaliste et d’avoir plus de courage que ses prédécesseurs.
Pour sa part, le président Biden a affiché son intention de retourner à une politique équilibrée sur le dossier israélo-palestinien. Cependant, selon les déclarations faites par le candidat au poste de secrétaire d’Etat, Antony Blinken, devant le Congrès, Washington ne reviendra pas sur cette décision et va maintenir son ambassade à Jérusalem. « Le président pense comme moi que la meilleure manière, peut-être la seule manière d’assurer à Israël son avenir en tant qu’Etat juif démocratique, et de donner aux Palestiniens l’Etat auquel ils ont droit, c’est la solution dite à deux Etats ». Toutefois, il a pris soin de reconnaître qu’une telle solution n’était pas « réaliste à court terme ». Dans ce contexte, il s’est contenté d’appeler Israéliens et Palestiniens à « éviter des mesures unilatérales qui rendent cela encore plus complexe ».
A part cette déclaration, ainsi que les informations indiquant que la nouvelle Administration allait autoriser la réouverture du bureau de l’OLP à Washington et reprendre le financement de l’Unrwa, aucun signe n’indique que le nouveau président possède une stratégie claire sur ce dossier, qui ne constituerait pas, pour l’heure, l’une de ses priorités en comparaison avec sa recherche d’une nouvelle formule pour conclure un accord avec Téhéran sur son dossier nucléaire et les missiles balistiques.
En fait, la nouvelle Administration semble fragilisée par la politique de son prédécesseur. Cette donne intervient à un moment où des développements importants sont en cours. Tout d’abord, le gouvernement israélien a lancé une vaste compagne de colonisation dans les Territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est. Ce faisant, il s’appuie sur le plan de paix annoncé par Trump en janvier 2019. Ensuite, les campagnes électorales pour les législatives anticipées en Israël auraient pour sujet principal la colonisation, voire l’annexion, au moins, d’une partie des Territoires palestiniens occupés. Enfin, il y a le décret du président palestinien, Mahmoud Abbas, annonçant la tenue d’élections législatives et présidentielle palestiniennes en mai et juillet 2021.
Dans ce contexte, Washington aurait un mot à dire étant donné qu’il cherche à retrouver sa place sur la scène internationale. Partant, il incombe aux parties concernées à manoeuvrer pour pousser la nouvelle Administration américaine à changer le cap en ce qui concerne le dossier palestinien. Dans ce sens, il serait opportun de dynamiser les mécanismes déjà existants.
Tout d’abord, on devrait valoriser les concertations réunissant les ministres des Affaires étrangères de l’Egypte, de Jordanie, de France et d’Allemagne qui visent à trouver une issue au conflit. En effet, ces quatre pays pourraient redonner vie à la résolution 2334 adoptée par le Conseil de sécurité le 23 décembre 2016 avec 14 voix pour et une abstention, celle des Etats-Unis, sous la direction de l’ancien président, Barack Obama, et Joe Biden, alors vice-président. Cette résolution exigeait de nouveau d’Israël qu’il arrête immédiatement et complètement toutes ses activités de colonisation, et réaffirmait que les colonies constituaient une violation flagrante du droit international ainsi qu’un obstacle majeur à la réalisation des deux Etats et l’instauration d’une paix globale, juste et durable.
Ensuite, il y a également l’appel lancé par le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, le 25 septembre 2020, lors de son intervention par vidéo à l’Assemblée générale de l’Onu, à la tenue d’une conférence internationale sur le conflit israélo-palestinien juste après l’élection présidentielle aux Etats-Unis. Selon lui, cette conférence devrait avoir toute l’autorité nécessaire pour lancer un processus de paix sincère sur la base du droit international, en vue de mettre fin à l’occupation israélienne et garantir au peuple palestinien son indépendance et sa liberté dans son propre Etat. Un soutien à cet appel par l’Europe, la Russie et la Chine pourrait déclencher le revirement désiré de la part de Washington, ou, du moins, l’amener à reformuler sa position.
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