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Le Printemps arabe, 10 ans après

Abdel-Méguid Aboul-Ela, Dimanche, 24 janvier 2021

10 ans après les vastes protesta­tions qui ont secoué la région, la polémique sur le Printemps arabe est toujours là. Assurément, le Printemps arabe a eu des effets pro­fonds et indéniables sur la région arabe.

Une large polémique s’est instal­lée sur ce qui s’est passé en 2011. Il y a ceux qui voient que ce sont des révolutions et ceux qui voient que ce sont des protestations, et aussi ceux qui voient que ce sont des pro­testations légitimes provoquées par des facteurs logiques, mais qui ont été exploitées par des parties exté­rieures. Et il y a également ceux qui refusent catégoriquement ce qui s’est passé et parlent « d’automne » au lieu de « printemps ». Dans les pays où les révolutions ont réussi, celles-ci ont été glorifiées, ainsi que le sang de leurs martyrs. Dans ces pays aussi, il y a eu des tentatives de réaliser les objectifs des révolu­tions, comme ce fut le cas dans les Constitutions de l’Egypte et de la Tunisie. Ce qui signifie que la Révolution de janvier et celle du Jasmin constituaient les bases et les racines légitimes des régimes au pouvoir et qui se sont succédé, poli­tiquement et constitutionnellement parlant. Elles constituent également la référence qui gère les interactions politiques.

Bien que les révolutions du Printemps arabe aient suivi des axes différents, il y a une certaine ressem­blance dans les circonstances qui ont mené à leur déclenchement. Cette ressemblance écarte le caractère de complot au profit de l’analyse et des interactions politiques et sociétales. Tous les pays du Printemps arabe ont souffert de la longévité des régimes au pouvoir. Ces régimes ont vieilli. Ils ont alors perdu toute capacité de progresser et d’assimiler les trans­formations qui se produisaient au sein de la société et l’apparition de nouvelles générations dans un nou­veau monde.

Il y avait aussi des motifs écono­miques, comme la hausse des taux de pauvreté et les inégalités dans la distribution des richesses. Ce qui a donné naissance à des couches sociales incapables de subvenir à leurs besoins et qui étaient en colère en raison de la détérioration de leurs conditions économiques. Les pra­tiques sécuritaires étaient aussi l’un des facteurs qui ont causé l’explo­sion de la situation à cause des viola­tions commises par les appareils sécuritaires. Et ceci, sans parler des restrictions politiques et de la dété­rioration des conditions démocra­tiques.

Tandis que l’Egypte et la Tunisie ont suivi une voie pacifique, la Syrie, la Libye et le Yémen ont glissé vers la violence et les guerres civiles. Ces pays se sont même transformés en arènes d’ingérence internationale.

Cette différence revient à des fac­teurs objectifs comme le degré d’évolution politique et sociétale, le statut de l’Etat et de la société et la structure institutionnelle dans ces pays. Alors que Moubarak, en Egypte, et Ben Ali, en Tunisie, ont compris qu’ils seraient incapables de résister aux vents violents du changement, la réaction en Syrie et en Libye n’a pas été la même, pre­nant une dimension sécuritaire et militaire. L’axe dans lequel la Libye, la Syrie et le Yémen se sont engagés prouve l’importance de reconstruire l’Etat national et l’Etat des institutions.

Les révolutions du Printemps arabe ont causé un choc énorme aux gouvernements arabes et au monde entier. Elles ont fait basculer de longues décennies d’inertie, mettant la lumière sur la force de la rue, et éliminant l’hypothèse selon laquelle les populations arabes ne s’intéres­sent pas à la démocratie et aux libertés politiques. Ce qui a égale­ment causé un choc, c’est la capa­cité des populations arabes à se mobiliser et à renverser les régimes au pouvoir.

Cependant, les jeunes du Printemps arabe ont eux aussi reçu un choc énorme. L’échec du Printemps arabe jusqu’à aujourd’hui à réaliser les objectifs et les rêves des révolutionnaires a mené à l’ef­fondrement de l’image imaginaire qu’ils voyaient à l’horizon au moment du flux populaire.

Certains révolutionnaires vivent actuellement ce qu’on appelle « le choc de l’après-révolution » en plus de l’état de mécontentement envers les années de l’après-révolution. Ce mécontentement trouve ses racines dans le désordre et les guerres civiles. De plus, dans certains pays, les citoyens n’ont ressenti aucune amélioration palpable dans leur vie quotidienne.

10 ans après le Printemps arabe, il semble clair que l’axe de la Révolution du Jasmin est celui qui a le plus réussi malgré ses quelques trébuchements. Ce succès se trouve surtout au niveau de la transition démocratique.

Ceci revient à la nature de la société tunisienne, ses forces poli­tiques et syndicales et sa société civile. Il est dû aussi au fait que le rôle extérieur est limité. Cependant, l’épanouissement n’a pas été le même au niveau économique. Malgré l’existence de différends politiques clairs en Tunisie, le pays a tout de même adopté des bases claires pour la gestion des diffé­rends politiques et du transfert du pouvoir.

Les gouvernements arabes ont pris en considération le rôle des réseaux sociaux et les ont inclus dans le sys­tème législatif et dans les espaces de contrôle politique. Les gouverne­ments ont alors cherché à exploiter ces nouvelles plateformes qui ont joué un rôle axial dans le Printemps arabe, et ce, dans l’orientation et la propagande politiques, pour ne pas les laisser à l’opposition seulement.

L’un des effets les plus importants du Printemps arabe est qu’il a mis fin à des décennies de pouvoir. Ceci ne signifie pas nécessairement qu’une mutation démocratique va se produire dans la région, mais plutôt que les gouvernements et les acteurs politiques sont devenus conscients que les peuples arabes sont mainte­nant des acteurs influents et que les politiques générales ne doivent pas négliger les opinions publiques. Ce qui affirme aussi le besoin d’un nouveau contrat social.

Il est impossible de négliger les effets du Printemps arabe dans la région. Les protestations au Liban et en Iraq et les révolutions au Soudan et en Algérie ont leurs racines dans le Printemps arabe.

Il en est de même pour les poli­tiques de réforme et de renouvelle­ment de l’élite que certains pays ont adoptées afin d’éviter d’être conta­minés par les protestations .

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