La génération Z est la dernière génération à faire son entrée dans l’espace public, avec une mentalité qui lui est propre et la rend radicalement différente des générations précédentes. En Egypte comme ailleurs, le « droit de choisir » représente une valeur chère aux nouvelles générations, un fait qui devrait nous aider à comprendre la mentalité et le comportement des plus jeunes. La génération Z s’attache plus au droit de choisir qu’au choix lui-même, rejetant du coup toute contrainte sociale susceptible de contester ce droit.
Le suicide de l’activiste Sara Hégazi et le flottement du drapeau arc-en-ciel lors d’un concert au Caire ont fait beaucoup de bruit sur les réseaux sociaux, avec des personnes plus âgées, qui ne font donc pas partie de la génération en question, ni ne partagent ses choix, défendant le droit des jeunes à choisir leur vie, quitte à ce que certains de ces choix ne soient compatibles aux valeurs ancrées dans notre société. D’ailleurs, de nombreuses études occidentales ont constaté chez la génération Z une grande ouverture sur les questions relatives à l’identité sexuelle, de quoi heurter les sociétés les plus traditionnelles.
Choisir son identité
Alors que les générations plus vieilles considèrent l’identité comme un héritage qu’elles défendent à tout prix et se révoltent à la moindre violation du système de valeurs de leur société, les jeunes de la génération Z considèrent, eux, que l’identité est un choix, une acquisition plutôt qu’un don hérité ou imposé par la société. Ce qui signifie, pour les plus jeunes, que l’identité peut changer au gré des expériences et de la réflexion, et que cette évolution ne justifie aucune désapprobation ou tutelle de la part de la société. Il en découle que chacun est tout aussi libre de ses propres valeurs et convictions.
Imposer un code de valeurs sociales est insensé, voire même inacceptable, pour les jeunes de la génération Z. Ces derniers refusent tout jugement partant du principe que les systèmes de valeurs d’où émanent ces jugements diffèrent d’un endroit à l’autre et d’une époque à l’autre.
L’influence de la mondialisation
En effet, la génération Z se prête mal aux classifications traditionnelles de couleur, d’ethnie ou de niveau social. C’est une génération Z est née dans un monde globalisé qui a mis en avant la « citoyenneté mondiale » et où les grandes idéologies prônant l’humanisme, le pragmatisme et l’adaptation sociale ont beaucoup perdu de leur importance. La nouvelle génération s’émerveille plus face aux accomplissements et aux valeurs de la mondialisation, des valeurs qui font office de Constitution, que certains respectent par conviction et d’autres par peur d’être stigmatisés.
Naguère considérées comme une référence et une marque de distinction, les valeurs socioreligieuses sont considérées par les plus jeunes comme étant des contraintes qui entravent leur liberté de choisir. Ils préfèrent se référer à des « valeurs humaines et universelles » garantissant les mêmes droits à chaque individu. La religion dans ce cas est reléguée au domaine des convictions personnelles. Alors que les institutions éducatives ont aidé à inculquer un ensemble de valeurs collectives chez les générations précédentes, la génération Z compte davantage sur la technologie pour acquérir ses propres valeurs, notamment à travers Internet et les réseaux sociaux, produits et moteurs de la mondialisation. La relation avec les institutions éducatives se limite désormais à l’enseignement et à l’acquisition de diplômes.
Dans ce contexte, il ne convient pas de sous-estimer l’influence du modèle « réussi » de l’Occident, de sa culture et de son mode de vie véhiculés par le cinéma. Ce qui a attribué un caractère normatif à des idées et des comportements étrangers à notre société, mais qu’il convient d’accepter. On peut appeler ce phénomène « l’influence de l’expansion ». En effet, la propagation d’une idée la rend acceptable auprès de la majorité, sans que forcément celle-ci se l’approprie. Par ailleurs, la mondialisation et l’ouverture sur d’autres cultures ont permis à la génération Z d’être plus ouverte et plus tolérante vis-à-vis de ceux qui sont différents. Les jeunes sont plus capables de reconnaître le droit de chacun à vivre ses choix et de respecter la diversité.
Vive la rébellion
Sans forcément partager les valeurs défendues, les jeunes de la génération Z soutiennent le droit de leurs défenseurs à se rebeller contre les valeurs établies. La rébellion en soi est un trait caractéristique des jeunes, qui cherchent à s’émanciper de la tutelle de la société. L’enthousiasme des jeunes et leur engouement face à tout acte rebelle qui brise les tabous et les valeurs établies sont très perceptibles sur les réseaux sociaux. En effet, cette génération refuse que le gouvernement ou toute autre autorité adopte une position discriminatoire ou pénale contre ceux qui bravent les valeurs, les idées et les normes établies par la société.
Certains chercheurs estiment que le discours extrémiste de certains hommes de religion et les leçons de morale dispensées par les gardiens autoproclamés de la vertu expliquent en partie cette tendance rebelle chez les plus jeunes. De plus, la génération Z se rebelle contre les tentatives de la famille, et des générations plus vieilles de manière générale, d’imposer l’ensemble des valeurs dans lesquelles elles ont grandi, à leurs enfants et aux jeunes générations. La génération Z refuse l’autorité des parents avec toutes les idées et les valeurs qu’elle impose.
Avec la rébellion, l’indépendance est l’autre trait marquant chez les jeunes issus des générations Y et Z, qu’il s’agisse de quitter le foyer familial, d’assurer très vite un statut financier ou de penser librement et indépendamment de tout. Cependant, ceci ne signifie pas que la génération Z égyptienne représente un groupe uniforme et monolithique. Ce qui n’empêche pas de noter des caractéristiques partagées comme le goût pour la rébellion et la défense des libertés individuelles. Cette distinction nous aide à comprendre la personnalité et les comportements de la nouvelle génération, tout en prenant en considération les autres facteurs et influences qui laissent leurs marques sur les membres d’une même génération.
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