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De la normalisation entre le Maroc et Israël

Dimanche, 13 décembre 2020

Sous l’impulsion des Etats-Unis, le Maroc a convenu jeudi 10 décembre de normaliser ses relations avec Israël, devenant le quatrième pays arabe à le faire au cours des quatre derniers mois. Il se joint ainsi aux Emirats Arabes Unis (EAU), à Bahreïn et au Soudan. En contrepartie, le prési­dent sortant, Donald Trump, en rup­ture avec la politique américaine de longue date, a accepté, dans le cadre de l’accord, de reconnaître la souverai­neté du Maroc sur le Sahara occiden­tal, une région désertique où un diffé­rend territorial vieux de plusieurs décennies oppose Rabat au Front Polisario, un mouvement séparatiste, soutenu par l’Algérie, qui cherche à y établir un Etat indépendant.

En vertu de l’accord, le Maroc éta­blira des relations diplomatiques com­plètes avec Israël. Les deux pays rou­vriront leurs bureaux de liaison à Rabat et à Tel-Aviv avec l’objectif d’ouvrir des ambassades. Et « ils vont promouvoir la coopération écono­mique entre les entreprises israé­liennes et marocaines », a déclaré Jared Kushner, envoyé américain au Moyen-Orient et conseiller principal de Trump. La cour royale marocaine a de son côté indiqué que Rabat facilite­rait les vols directs pour les touristes israéliens à destination et en prove­nance du Maroc. Selon le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, son pays a accueilli 70000 touristes israéliens l’an dernier.

L’annonce de l’accord n’a pas sur­pris. Beaucoup d’observateurs s’atten­daient à une normalisation entre Rabat et Tel-Aviv, étant donné l’existence de relations anciennes entre les deux pays qui remontent à l’accord de paix d’Os­lo entre Palestiniens et Israéliens. Après la signature dudit accord en septembre 1993, le Maroc et Israël ont commencé à normaliser leurs relations et ont établi des bureaux de liaison. Cependant, le Maroc a gelé ses rela­tions avec Israël en 2000 après le déclenchement de la deuxième Intifada palestinienne. Depuis lors, il entretient des liens informels avec Tel-Aviv qui se justifient principalement par l’exis­tence dans l’Etat hébreu d’une impor­tante communauté juive d’origine marocaine de près d’un million de personnes, qui y représentent le deu­xième groupe ethnique après les Russes. Quelque 3000 juifs vivent également au Maroc. Ils représentent la plus grande communauté juive du monde arabe. En février dernier, un rapport « exclusif » du média améri­cain Axios a affirmé qu’Israël poussait l’Administration Trump à reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. En échange, le Maroc éta­blirait des relations diplomatiques avec Israël. Mais le premier ministre marocain, Saad Eddine El-Othmani, chef du parti islamiste modéré PJD (Parti de la Justice et du Développement), a démenti ces infor­mations. En août dernier, il a déclaré qu’il était opposé à un accord de nor­malisation avec Israël, invoquant les droits des Palestiniens usurpés par Israël. Il a cependant indiqué plus tard au site d’information marocain Le360 qu’il s’était exprimé en sa qualité de président du PJD et non au nom du gouvernement.

Pour qu’il franchisse le pas, le Maroc avait besoin d’une forte incita­tion que le président Trump a offert : la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, avec l’ouverture d’un consulat améri­cain dans ce territoire. Justifiant sa nouvelle position, la Maison Blanche a déclaré qu’un Etat sahraoui indépen­dant n’est « pas une option réaliste pour résoudre le conflit et qu’une véri­table autonomie sous souveraineté marocaine est la seule solution pos­sible ». Comme dans les cas des EAU, de Bahreïn et du Soudan, Trump vou­lait encourager la normalisation entre les pays arabes et Israël et former un front commun contre l’Iran au Moyen-Orient.

Ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental a été annexé en 1975 par le Maroc, qui le considère avoir toujours fait partie de son terri­toire. Depuis, il fait l’objet d’un conflit territorial entre Rabat et le Front Polisario qui représente la population autochtone, estimée à environ 500000 personnes. L’Onu a négocié une trêve entre les belligérants en 1991 avec une promesse de la tenue d’un référendum sur l’indépendance l’année suivante. Mais ce référendum n’a jamais eu lieu en raison de fortes divergences entre Rabat et le Front Polisario, principale­ment sur ceux qui auront droit à y participer. En avril 2007, le gouverne­ment marocain a proposé un plan d’autonomie pour le Sahara occidental qui ferait de ce territoire de 266000km2 une région semi-auto­nome sous la souveraineté du Maroc. Mais le Front Polisario a rejeté la pro­position, insistant sur le droit à l’auto­détermination du peuple sahraoui à travers le référendum sur l’indépen­dance.

L’Administration Trump a offert un autre encouragement au Maroc: elle a accepté de lui vendre des armes avan­cées composées de drones et d’armes à guidage de précision. Vendredi, la Maison Blanche a envoyé un avis au Congrès sur cet accord potentiel d’une valeur de 1 milliard de dollars qui comprend quatre drones MQ-9B SeaGuardian fabriqués par la société General Atomics, et des munitions à guidage de précision Hellfire, Paveway et JDAM fabriquées par Lockheed Martin, Raytheon et Boeing. En vertu de la loi américaine sur l’exportation d’armes, le Congrès est notifié des principaux accords internationaux de vente d’armes et a la prérogative de les examiner avant l’adoption. Il peut les bloquer en proposant des résolutions de désapprobation, mais cette éventua­lité n’est pas à l’ordre du jour dans ce cas de vente d’armes au Maroc .

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