Gamal abdel-nasser était parfaitement conscient de tous les éléments de l’identité égyptienne, y compris ses racines africaines. C’est peut-être ce qui le caractérise de ses deux successeurs Sadate et Moubarak. Dans son livre La Philosophie de la révolution, qui constitue le plan de route de la Révolution de Juillet 1952, Nasser a donné à l’Afrique son poids réel. C’est peut-être l’implication du président Nasser dans le mouvement national égyptien avant la révolution qui a partiellement contribué à la formation de cette conscience. Et il est évident que le reste revient à son arrière-plan militaire.
Les documents des services secrets militaires égyptiens dévoilent que Nasser a demandé à voir le dossier du Soudan le 5 août 1952, c’est-à-dire 2 semaines après ce qu’on appelle le « mouvement béni ». De plus, Nasser avait demandé à rencontrer Mohamad Salaheddine, ministre égyptien des Affaires étrangères à l’époque du roi, qui était chargé des négociations de l’indépendance de l’Egypte et de la position envers le Soudan sous les gouvernements du Wafd.
Juste après la révolution, le pouvoir ne s’était pas encore renforcé et Nasser n’était pas au-devant de la scène révolutionnaire. C’était plutôt Mohamad Naguib dont les origines étaient soudanaises, tandis que Nasser détenait l’action. La conscience de Nasser envers l’Afrique explique que le continent était un des cercles d’intérêt de l’Egypte et qui ont été déterminés dans « la Première idéologie de juillet » en 1953.
Dans La Philosophie de la révolution, Nasser considère que l’Egypte se situe dans une position entre 3 cercles : le monde arabe, le monde islamique et le continent africain. En ce qui concerne le continent africain, il a écrit : « Dans n’importe quel cas, on ne pourra, même si on le veut, rester loin du conflit sanglant qui se déroule aujourd’hui au fin fond de l’Afrique entre 5 millions de Blancs et 200 millions d’Africains. On ne peut pas pour une raison simple et évidente: c’est que nous sommes en Afrique. Les peuples du continent continueront à compter sur nous, nous qui gardons la porte nord du continent, et qui sommes considérés comme leur lien avec le monde extérieur en entier. On ne peut pas renoncer à notre responsabilité de diffuser la conscience et la civilisation jusqu’aux profondeurs de la jungle vierge ».
Et comme l’Egypte est un Etat de l’aval du Nil tandis que les sources du fleuve sont à l’extérieur du pays, Nasser, armé de sa conscience politique et militaire, a tenu à renforcer le rôle extérieur de l’Egypte, surtout que son combat avec l’occupation nécessitait de construire des blocs arabes et africains. Il a alors détecté les idées du penseur syrien Sati Al-Husri autour du nationalisme arabe et les a transformées grâce à une volonté politique active en efforts réels qui luttent contre l’occupation partout où elle se trouve. Le Caire s’est alors transformé en centre de lutte contre l’occupation, et le bloc du tiers-monde a été créé à la Conférence de Bandung. En outre, la première tentative de construire le bloc africain de lutte contre l’occupation a été faite à travers la réunion d’Accra au Ghana en 1958. Ce sont les Etats indépendants à cette époque qui ont assisté à la réunion dont l’Egypte, l’Ethiopie, la Libye, le Maroc, la Tunisie, le Soudan et le Liberia. L’objectif de la conférence était de se mettre d’accord sur une politique commune concernant les affaires étrangères, culturelles et économiques africaines.
Le régime de Nasser s’est lancé dans 2 luttes. Premièrement, la lutte contre les écrits occidentaux qui ont divisé le continent en 2 parties, Nord et Sud, séparées par le Grand Sahara. Dans tous ses discours, Nasser mettait l’accent sur l’unité de l’Afrique. Et deuxièmement, il s’est lancé dans le soutien des mouvements africains d’indépendance qui ont explosé avec force après la Seconde Guerre mondiale. Le Caire a accueilli les leaders des mouvements de libération, leur a fourni les armes, les fonds et le soutien politique et diplomatique. L’association africaine siégeant au Caire était comme un incubateur donnant naissance aux directions africaines.
L’Egypte de la révolution a assumé la charge de soutenir et de guider ces directions jusqu’à ce qu’elles soient capables d’assumer la responsabilité de la lutte politique ou armée dans leurs pays africains. La capitale égyptienne était devenue un refuge et un siège des activités africaines contre l’occupation. De même, les universités égyptiennes ont accueilli des centaines d’étudiants africains. C’est ainsi que graduellement, l’Egypte a réussi à sortir de l’impasse de son appartenance à la profondeur arabe plus que la profondeur africaine. L’Egypte est devenue le plus grand pays du Nord de l’Afrique défendant le concept de la Ligue africaine.
L’année 1960 était l’année de la libération africaine. 71 Etats africains y ont obtenu leur indépendance. En analysant le courant de la libération dans le continent africain, nous trouvons qu’il s’est dirigé du Nord vers le Sud pour plusieurs raisons. Il est évident que la première est l’influence du soutien égyptien révolutionnaire fourni aux Etats du voisinage dans le Nord de l’Afrique. La Révolution égyptienne a soutenu la Révolution algérienne et aussi la lutte des peuples tunisien, marocain, libyen et soudanais. Les mouvements de libération se sont prolongés jusqu’à l’est de l’Afrique là où se trouvent la Somalie, le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie.
Le soutien égyptien s’est étendu aux profondeurs du continent à l’ouest, au milieu et au sud. De plus, l’Egypte a lutté contre les mouvements de séparation qui sont apparus après l’indépendance, en particulier au Nigeria dans la région de Biafra là où se trouve le pétrole, et le Congo (le Zaïre) où se trouvent des richesses minérales énormes. Sans oublier que l’Egypte s’était opposée aux tentatives britanniques de séparer le Sud du Soudan.
Nasser avait également réussi à concrétiser des outils effectifs d’interaction avec l’Afrique de l’après-indépendance. 52 bureaux de 3 compagnies du secteur des affaires oeuvrant dans le commerce extérieur avaient joué un rôle essentiel dans la commercialisation des produits égyptiens et le renforcement de l’échange commercial égyptien avec l’Afrique. Ils ont joué aussi le rôle d’intermédiaires commerciaux avec l’étranger au profit des Etats africains.
L’Egypte de Nasser a également lutté contre les tentatives d’apostolat faites par l’Occident en Afrique, à travers le rôle positif joué par l’institution d’Al-Azhar Al-Charif, selon les directions du président Nasser qui suivait personnellement ce dossier. En plus de la présence des missions religieuses et éducatives égyptiennes dans de nombreux pays africains, qui a aidé à lutter contre l’invasion culturelle française.
Grâce aux politiques de Nasser en Afrique, l’image de l’homme arabe en Afrique s’est radicalement transformée de celle du commerçant d’esclaves que l’occupation et Israël ont alimentée en celle de partenaire de la libération. Partant des considérations humaines et historiques, cette transformation aurait été impossible, mais grâce à Nasser et ses politiques en Afrique, cette transformation s’est réalisée.
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