Mais que veut au juste l’Ethiopie ? Tandis que les négociations sur le barrage de la Renaissance se poursuivent sous l’égide de l’Union africaine, les responsables éthiopiens nous ont une fois de plus surpris par des déclarations pour le moins étonnantes. Ainsi, le porte-parole du ministère éthiopien des Affaires étrangères, Dina Mufti, a déclaré que son pays « refusait un accord contraignant avec l’Egypte sur la question du barrage » ! A quoi bon négocier si le résultat est un accord dont l’application n’est pas garantie ? Addis-Abeba veut, semble-t-il, un document dont l’application peut être renégociée avec le temps, une sorte d’arrangement et non pas un véritable accord. Une option que l’Egypte ne peut pas accepter. D’abord, parce qu’elle ne garantit pas ses droits dans les eaux du Nil. Le Caire ne peut pas accepter un accord bancal dans un dossier aussi sensible et aussi crucial que celui du barrage. Un arrangement, contrairement à un accord en bonne et due forme, peut changer au gré des évolutions. Ainsi, si un nouveau pouvoir s’installait à Addis-Abeba, celui-ci pourrait revenir sur l’arrangement sans risquer la moindre sanction. Un scénario hautement dangereux pour l’Egypte, car il ouvre la porte à toutes sortes de chantages.
L’expérience a montré que de tels arrangements ne fonctionnent pas. L’exemple tout récent de la Turquie et de l’Iraq en est la preuve. L’Iraq a fait l’objet en 2018 de la pire sécheresse qu’il n’ait jamais connue. La raison : un partage inéquitable des ressources hydriques dans la région et la construction par la Turquie du barrage d’Ilisu, sur le Tigre à quelque 70 km de la frontière iraqienne. Un arrangement avait été conclu entre Ankara et Bagdad pour que le remplissage de cet édifice soit réalisé de manière progressive. Or, cela n’a jamais été le cas.
Les conséquences ont été dramatiques pour la population iraqienne et pour l’environnement. La culture de certaines denrées comme le riz, le maïs et autres céréales a dû être arrêtée. Vu le manque d’eau au sud de l’Iraq, la richesse bovine a régressé cette année de 30 % par rapport à l’année passée. On a même vu des émeutes de la soif à Bassorah.
Un autre exemple est celui du barrage construit par l’Ethiopie sur le fleuve Omo, qui alimente le lac de Turkana au Kenya. Le barrage a bloqué la partie sud-ouest du fleuve qui s’étend sur 760 kilomètres. La baisse du niveau des eaux dans le fleuve a entraîné un assèchement du lac donnant ainsi lieu à une baisse des richesses piscicoles et à une pénurie alimentaire pour les habitants indigènes du Kenya. Tous ces exemples incitent l’Egypte à la prudence. Il n’est pas question pour Le Caire d’accepter les demi-solutions. Que l’Ethiopie mette donc fin à ses illusions.
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