Pourquoi la présence turque sur le sol libyen constitue-t-elle un danger pour la sécurité régionale? En s’engageant en Libye aux côtés des forces du Gouvernement d’union nationale (GNA), le président turc, Recep Tayyip Erdogan, voulait sans doute éviter la chute de ce dernier, et par-là même sécuriser l’accord de délimitation des frontières conclu avec Tripoli. Accord qui vise à réaliser ses ambitions expansionnistes dans la région et à satisfaire son désir de mettre la main sur les puits de gaz dans l’Est de la Méditerranée, mais aussi sur le pétrole libyen. Une politique qui a déjà valu à Erdogan des litiges avec la plupart des pays de la région, notamment Chypre et la Grèce. Le président turc voulait visiblement aussi détenir une carte de pression sur l’Europe en ce qui concerne l’émigration.
Mais en transférant des milliers de combattants djihadistes de Syrie vers la Libye, pour épauler le GNA, le président turc a créé une véritable poudrière terroriste sur le sol libyen. Le nombre de ces djihadistes est actuellement estimé à 5000 environ. Ils viennent de différentes milices pro-turques en Syrie comme le Front du Levant et la Brigade Soliman Shah. Selon l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH) 3 000 de ces mercenaires sont actuellement formés en Turquie. Ils se seraient vu offrir la nationalité libyenne. L’ONG Syrians for Truth affirme que des mineurs se trouvent parmi eux. Or, ces djihadistes inquiètent fortement l’Egypte qui veut sécuriser ses frontières avec la Libye. Ils inquiètent aussi l’Europe. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a déclaré cette semaine devant le parlement de son pays que « la Turquie importe des combattants syriens en Libye, en grand nombre, plusieurs milliers, en soutien au GNA. On ne peut imaginer cette situation perdurer à 200 km des côtes européennes ». Le Drian craint des manipulations sur la question migratoire. « C’est une menace à la sécurité régionale et à celle de l’Europe. Il faut une solution politique en Libye », a affirmé Le Drian en insistant sur la nécessité de respecter le processus de la Conférence de Berlin, et en premier lieu le cessez-le-feu. L’Europe a déjà déboursé 250 millions d’euros pour obtenir des Libyens qu’ils retiennent chez eux des centaines de milliers d’Africains qui cherchent à rejoindre l’Europe.
Mais outre la menace qu’ils représentent pour l’Europe, ces terroristes djihadistes ont profité de leur présence en Libye pour se répandre au sud du pays et s’engager dans des organisations terroristes comme Daech. Ils constituent donc aussi un facteur de déstabilisation de l’Afrique sub-saharienne. Une fois de plus, Erdogan suit une politique à haut risque qui pourrait déstabiliser l’ensemble de la région.
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