J’ai récemment été en visite en Mauritanie pour assister à la Conférence des oulémas d’Afrique contre l’extrémisme et le terrorisme, organisée par le Forum de consolidation de la paix dans les sociétés musulmanes, présidé par l’érudit cheikh Abdallah Ould Boyé, président du Haut conseil d’Al-Iftaa (l’interprétation religieuse) aux Emirats arabes unis. En Mauritanie, le président Mohamed Ould Ghazouani doit faire face à un moment difficile avec un terrorisme qui se répand dans les pays voisins, au Mali notamment. Le pays vient de découvrir des richesses gazières non négligeables. Mais parfois les nouvelles se rapportant à l’énergie ne sont pas de bon augure et peuvent se transformer en sources d’inquiétudes et de turbulences politiques comme cela s’est passé en Iraq et en Libye. La Mauritanie se situe sur l’Atlantique. Le long des frontières mauritaniennes avec le Sénégal, on retrouve les richesses naturelles comme l’eau et le gaz, alors qu’au large des frontières avec le Mali, longues de 5 000 km, les mots d’ordre sont le crime et le terrorisme, entraînant des risques imminents. J’ai eu la chance de rencontrer le président mauritanien lors de sa visite à Dubaï et je lui ai offert une copie de mon livre Une Nation en danger ... la religion et la politique dans le monde arabe. Le président mauritanien voue une grande estime au président Abdel-Fattah Al-Sissi et aux relations égypto-mauritaniennes. Mohamed Ould Ghazouani détient surtout des habilités d’analyse qui l’amènent à voir la souffrance dans les pays du Sahel et du Sahara qui connaissent des difficultés de développement. Selon Ould Ghazouani, les actions menées au niveau de la sécurité et du développement doivent être inséparables. J’ai dit au président qu’un sentiment de colère s’élevait dans la région qui est en proie au désespoir. Pour lui, cela est dû à la situation économique et aux conditions de vie difficiles, ainsi qu’au mauvais état de l’enseignement et de la santé. La persistance de ces conditions ne fait qu’engendrer davantage de tensions et d’instabilité dans la région et surtout au Sahel et dans le Sahara, a-t-il commenté. D’autant que la situation en Libye a des répercussions en direction du Sud et de l’Ouest et amplifie la tension existante au Sahel et dans le Sahara.
L’avis apporté par Ould Ghazouani est en conformité avec d’autres recherches qui estiment que cette région géopolitique fragile sera exposée à un effondrement total si la situation en Libye n’est pas résolue. Et ce, à l’heure où la France, à la demande du gouvernement malien, a injecté durant 7 ans environ 5 milliards d’euros sans pouvoir parvenir à une solution définitive. La recherche de réponses pourrait devenir plus difficile sur un territoire d’une superficie 70 fois plus grande que la Belgique. Le scénario d’un nouvel Afghanistan se profile alors à l’horizon.
Le président mauritanien a commenté en disant qu’il était question de terrorisme assimilé au crime organisé, avec trafic des drogues, d’armes et d’êtres humains. Le trafic d’armes a surtout prospéré grâce à l’arsenal qui a été légué par feu Kadhafi ainsi que par le transfert d’armes illégales assuré via la Méditerranée.
Le président Ould Ghazouani aspire à changer la vision mauritanienne et est satisfait de l’entente avec le Sénégal concernant le partage du gisement de gaz au large des frontières qui les séparent. Les grandes compagnies travaillent actuellement activement dans les champs gaziers. De plus, sa visite aux Emirats et le prêt d’Abu-Dhabi de 2 milliards de dollars qui a été accordé à la Mauritanie pour la mise en place de projets d’investissement ont renforcé l’espoir d’un meilleur avenir pour la Mauritanie. Pendant sa campagne électorale, Ould Ghazouani avait mis en avant le projet du creusement du canal du Sénégal, long de 50 km, qui donnerait un élan à l’investissement agricole. A propos de sa vision, le président a déclaré qu’il fallait commencer par changer les croyances culturelles du peuple. Nous sommes des habitants du Sahara et les anciennes générations n’accordaient pas beaucoup d’intérêt à la mer. Mais ce constat a radicalement changé. J’ai évoqué avec M. le président les villages touristiques qui se sont nouvellement établis sur la côte atlantique.
« On avait un problème auparavant. Les Mauritaniens ne favorisaient pas le travail artisanal ainsi qu’un certain nombre de professions. Mais les nouvelles générations sont motivées par d’autres conceptions et tendances. Nous avons maintenant ceux qui optent pour les restaurants et d’autres qui s’orientent vers la construction et l’architecture », a déclaré, non sans fierté, Ould Ghazouani. Il y a encore un long chemin à parcourir, à l’heure où d’aucuns attendent avec beaucoup d’enthousiasme la richesse de l’Atlantique. Mais le vrai atout de la Mauritanie sont les Mauritaniens eux-mêmes.
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