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Le malaise libanais

Lundi, 20 janvier 2020

Le Liban est à nouveau confronté au spectre du chaos et de l’effondrement économique. Alors que les manifestations contre le pouvoir ont repris, aucune issue ne semble pour le moment envisageable. Pour comprendre le malaise libanais, il faut remonter au début des années 1990. En 1989, l’accord de Taëf met fin à la guerre civile. Nommé premier ministre en 1992, Rafiq Hariri, milliardaire sunnite qui a fait fortune dans l’immobilier en Arabie saoudite, a recours à l’endettement et à l’aide des pays du Golfe pour financer les efforts de reconstruction. La personnalité de Hariri inspire confiance, et sous sa direction le Liban parvient à attirer des investissements importants. Le pays est alors une destination de prédilection pour les richissimes personnalités du Golfe. Les successeurs de Hariri suivent la même politique. Et la Banque du Liban offre des taux d’intérêt exorbitants aux investisseurs étrangers, pour assurer son approvisionnement en dollars, payer la facture des importations et couvrir les finances gouvernementales. Mais avec un secteur productif quasi inexistant et une faible croissance, surtout après le printemps arabe, le Liban s’enlise peu à peu dans les dettes. L’élite politique, première bénéficiaire des dépôts bancaires à intérêts élevés, ne fait rien pour changer cette situation. La situation ne tarde pas à devenir critique et le gouvernement du premier ministre démissionnaire, Saad Hariri, multiplie les contacts auprès des pays de la région et de la Banque mondiale pour tenter de remédier à la crise, mais en vain. Personne ne veut payer la facture libanaise, surtout en présence au gouvernement du Hezbollah pro-iranien, considéré comme une organisation terroriste par les Etats-Unis. D’ailleurs, la mainmise de ce dernier sur la politique libanaise a privé le Liban de l’aide précieuse des pays du Golfe. Le gouvernement pensait pouvoir régler la crise en imposant une taxe sur les communications WhatsApp. Mais cette mesure, hautement impopulaire, a déclenché le mouvement de contestation. Beaucoup de Libanais, n’ayant plus confiance en leur système bancaire, ont retiré leurs dépôts des banques. Et l’on a alors assisté à un effet « boule de neige » qui n’a fait qu’aggraver le malaise.

La classe politique libanaise assume certes la responsabilité de ce malaise. La scène politique libanaise est dominée par les politiques politiciennes et l’immobilisme des partis politiques. Ces derniers, enfermés dans leurs carcans confessionnels, n’ont jamais fait de concession pour apaiser les manifestants. Alors que la livre libanaise est en chute libre, et que le pays est au bord de la faillite, le Hezbollah s’oppose à un gouvernement de technocrates qui pourrait « renouer avec les pays du Golfe ». Le courant patriotique libre de Michel Aoun tient à son alliance avec le Hezbollah, et ne veut pas perdre un allié de poids. Le mouvement Amal est, lui, tiraillé entre sa volonté de faire plaisir à son allié du Hezbollah et son désir d’apaiser les manifestants. La mauvaise gestion économique, l’immobilisme des partis et la politique politicienne sont les trois ingrédients de la crise libanaise.

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