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Le scandale de l’opération « Source de paix »

Dimanche, 20 octobre 2019

L’opération « Source de paix » est le dernier épisode de la longue série de violations turques au Moyen-Orient. La Turquie a prétexté ses craintes sécuritaires et elle peut avoir partiellement raison, mais le problème de la sécurité turque ne sera réglé que si la question kurde est réglée à l’intérieur même de la Turquie et non pas en s’ingérant dans les affaires syriennes. Un fait qui a affaibli davantage le régime syrien et qui a encouragé les Kurdes à chercher à réaliser leur rêve dont la Turquie a tellement peur. La Turquie est donc à l’origine de la menace qu’elle essaye d’éviter en commettant encore plus d’erreurs. Mais il semblerait que ce soit l’une des caractéristiques de la politique turque au Moyen-Orient. La Turquie est le seul pays au monde ne reconnaissant pas les principes du droit international ayant trait à la répartition des eaux des fleuves dans ses relations avec la Syrie et l’Iraq, ni les principes du droit des mers dans ses relations avec Chypre en insistant sur les droits de la République turque du nord de Chypre, que personne ne reconnaît à part Ankara, d’effectuer des explorations dans la zone économique relative à Chypre. N’oublions pas non plus le soutien d’Ankara aux terroristes à Tripoli et les facilités louches qu’elle a accordées au régime d’Al-Béchir à Suakin sous prétexte de restaurer ce port et de le protéger de l’ingérence militaire directe du régime qatari et de ses politiques destructrices.

La politique turque actuelle dans le conflit en Syrie est inéluctablement la pire que l’on ait jamais vue à cause de ses conséquences dévastatrices. L’opération « Source de paix » est hautement dangereuse. Tandis que le régime syrien commence à restaurer son emprise sur le territoire syrien, et que l’on assiste pour la première fois aux prémices d’un règlement en Syrie après la formation d’une commission constitutionnelle, Erdogan crée un nouveau conflit en attaquant les Kurdes syriens sous prétexte de vouloir établir une zone de sécurité. L’offensive turque pourrait éveiller le spectre de Daech, car des centaines de prisonniers de l’organisation extrémiste se sont enfuis des prisons sous le couvert de cette attaque. Par ailleurs, l’offensive turque a causé le déplacement de plus de 130000 personnes qui ont dû quitter la zone des combats, selon les estimations de l’Onu. Pour toutes ces considérations, l’offensive turque a été unanimement dénoncée par le monde arabe et la communauté internationale, à l’exception du Qatar, de la Somalie et de la Russie. En effet, Moscou a entravé l’adoption par le Conseil de sécurité d’une résolution en faveur de l’arrêt de l’attaque turque. Cependant, les dénonciations ne suffisent pas. Il est vrai que le conseil ministériel de la Ligue arabe a publié, au terme de sa réunion samedi, un communiqué clair et ferme dans lequel il dénonce l’offensive turque, mais il faut traduire cette position en mesures pratiques. Et là, le communiqué laisse présager une certaine lenteur. En effet, le communiqué affirme que la Ligue ensivage l’adoption de mesures urgentes pour faire face à l’agression turque, y compris la réduction des relations diplomatiques, la suspension de la coopération militaire et la révision des relations économiques, culturelles et touristiques avec la Turquie.

D’autre part, les positions européennes étaient claires. Au niveau diplomatique, la dénonciation de l’attaque était tranchante et certains pays ont même adopté des mesures pratiques en arrêtant l’exportation des armes à la Turquie. Quant à la position américaine, elle demeure incertaine. D’une part, il y a des menaces de détruire l’économie turque et, d’autre part, aucune mesure pratique n’a été prise si ce n’est le retrait des forces américaines qui représentaient la seule garantie de sécurité pour les Kurdes.

Il est tout à fait probable que cette opération réduise la popularité d’Erdogan et contribue encore plus à la détérioration de son économie, car il est entré dans ce marécage dont il ne pourra pas sortir facilement.

Quelles que soient les évolutions, il est devenu impératif de mettre un terme à la politique agressive de la Turquie. Les critiques ne suffisent pas. Les pays arabes doivent resserrer les rangs pour faire face à ces problèmes et aplanir tous les obstacles qui empêchent les Kurdes d’exercer leurs droits légitimes dans le cadre d’un Etat national arabe. Ils ont essayé toutes les autres alternatives depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. D’autre part, n’est-il pas temps que la Syrie réintègre la Ligue arabe afin de mettre fin au conflit qui y sévit alors que nous avons vu comment il ouvre grande la porte aux ingérences étrangères ? N’est-il pas temps de redonner naissance aux idées mortes-nées malgré leur importance, comme la proposition égyptienne de créer une force conjointe arabe? Enfin, la position somalienne envers l’attaque turque ne doit-elle pas nous pousser à consolider les régions fragiles à travers lesquelles la Turquie parvient à s’infiltrer dans l’ordre arabe ? .

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