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Le barrage de la Renaissance entre tergiversations et bonnes volontés

Mardi, 15 octobre 2019

J’espère que l’obtention par le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, du prix Nobel de la paix sera une motivation forte pour réaliser la stabilité sur le continent noir et le respect des accords internationaux sur les eaux fluviales. J’espère qu’il mettra fin à l’état de tergiversations continues sur les règles de remplissage et de fonctionnement du barrage de la Renaissance de manière à ne pas nuire aux pays en aval du Nil, l’Egypte et le Soudan.

De prime abord, je dis qu’il faut respecter les accords-cadre signés entre l’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie qui définissent le Nil comme une source vitale, nécessaire à la vie et au développement. Les 10 principes de l’accord-cadre stipulent qu’aucune nuisance ne doit toucher les trois partenaires, surtout les deux pays en aval du Nil. Ils parlent « d’engagement inaliénable » aux besoins hydriques.

Malheureusement, depuis la signature de la Déclaration de principe, les marchandages et les tergiversations ont été le mot d’ordre du côté éthiopien, qui a délibérément ralenti le travail des comités chargés d’examiner la question du barrage. Les négociations sont restées au même point sans progrès palpable jusqu’à l’arrivée du premier ministre, Abiy Ahmed, qui était pour nous tous de bon augure, depuis qu’il a tendu la main à ses voisins en Erythrée et en Somalie. Il avait rendu visite à l’Egypte pendant le mois du Ramadan en 2018 et avait soutenu catégoriquement et au grand jour que l’Ethiopie respecte les quotas de l’Egypte dans les eaux du Nil. Il avait également parlé d’une nécessaire augmentation de ce quota. Les discours du prix Nobel de la paix rejetaient les conflits et les litiges entre les peuples, ce qui correspond à la politique adoptée par le président Sissi depuis son investiture. Le dirigeant égyptien a ouvert les perspectives du dialogue avec Addis-Abeba qui se sont traduites par la signature de l’accord de principe de Khartoum, qui était une initiative de regain de confiance entre les trois belligérants du conflit et un prolongement des accords internationaux sur ce point. Khartoum a mis l’accent sur la nécessité que les trois pays se mettent d’accord sur les règles de remplissage et de fonctionnement du barrage. Plus encore, l’accord a stipulé que la partie éthiopienne informe les pays en aval du cadre temporel de l’exécution des travaux du barrage et de n’importe quelle circonstance exceptionnelle qui entraînerait un réajustement du fonctionnement du barrage.

Même après les propos d’Abiy Ahmed au Caire qui auraient dû se concrétiser immédiatement, la politique de tergiversation, contraire aux accords-cadre internationaux qui régissent les eaux fluviales et à la Déclaration de principe, a persisté. La Déclaration de principe parle d’indemnisation en cas de dommages. L’Egypte est le pays qui a subi les dommages de la politique du fait accompli adoptée par l’Ethiopie. Contrairement à ce que certains véhiculent, la Déclaration de principe est considérée comme un vrai accomplissement pour l’Egypte. Car elle inclut des engagements très spécifiques que l’Ethiopie doit respecter vis-à-vis des pays en aval. Elle met néanmoins l’accent dans son article 4 sur le partage équitable des eaux du Nil, ce qui permet de préserver les intérêts de l’Egypte qui souffre d’une pénurie d’eau et dépend complètement des eaux du Nil.

Depuis la signature de la Déclaration de principe en 2015, les négociations ont pris de multiples formes, notamment des sommets tripartites (dont le dernier en date était celui d’Addis-Abeba en février 2019) et des sommets à neuf qui ont regroupé les ministres des Affaires étrangères, de l’Irrigation et les chefs des services de renseignements des trois pays concernés.

Le barrage de la Renaissance entre tergiversations et bonnes volontés
(Photo : Reuters)

Il y avait également le sommet à six au niveau des ministres de l’Irrigation des trois pays dont le dernier en date a eu lieu les 4 et 5 octobre courant. Mais tous ces sommets marathon n’ont rien donné de palpable et la raison essentielle était sans nul doute le côté éthiopien. Celui-ci a fait peu de cas des initiatives égyptiennes sincères pour parvenir à un accord qui garantit le droit de l’Ethiopie à générer l’électricité et en même temps préserver les droits hydriques de l’Egypte où le Nil est l’unique veine assurant la vie de 100 millions de citoyens.

Il est certes nécessaire d’activer l’article n° 10 de la Déclaration de principe, qui appelle les trois pays à régler leurs litiges par le biais des concertations ou des négociations et ce, sur des bases de bonne volonté. A l’ombre de l’intransigeance éthiopienne, la seule issue qui s’offre à l’Egypte est celle du médiateur international. Au cours de mon entretien avec le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, celui-ci a été clair à cet égard. Il a déclaré qu’après 4 ans de patience, la seule option pour l’Egypte était celle de la médiation internationale afin de parvenir à une solution équitable pour toutes les parties. Le rôle du médiateur est de faire prévaloir les critères scientifiques appliqués dans les accords internationaux et les accords de principe.

Sameh Choukri a affirmé que depuis la Déclaration de principe, le président Abdel-Fattah Al-Sissi suit personnellement ce dossier et les frais des études effectuées par les consultants internationaux sur le remplissage du barrage ont été assumés par l’Egypte. Le ministre a tenu à saluer la position du Soudan, le frère de l’Egypte. En lui demandant comment on doit agir face à l’intransigeance probable de l’Ethiopie au cours du prochain round ou en cas de refus de la médiation internationale, Choukri a déclaré : « Nous prendrons plusieurs mesures dont le recours aux organisations internationales, comme l’Union africaine, la Ligue arabe et l’Assemblée générale de l’Onu et tout ce qui pourrait garantir les droits de l’Egypte ». Au sujet de la date butoir, Choukri a déclaré qu’elle serait en févier ou mars prochain au plus tard. « Nous devons avoir une vision claire au plus vite pour assurer les droits des deux pays en aval du Nil sans s’opposer aux droits d’Ethiopie au développement », a déclaré Choukri. La balle est actuellement dans le camp de l’Ethiopie qui continue à violer le droit international et la Déclaration de principe, ce qui porte atteinte à la stabilité régionale. L’obtention du prix Nobel de la paix par le premier ministre Abiy Ahmed ne serait-elle pas un motif pour dépasser cette crise et établir une coexistence pacifique et paisible pour les partenaires du Bassin du Nil ? Ou bien l’intransigeance éthiopienne persistera, ce qui ne fera qu’empirer la situation ? Seule la partie éthiopienne détient la réponse.

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