Les dernières attaques contre les installations pétrolières saoudiennes d’Aramco ont eu de graves répercussions régionales et mondiales. D’abord, celles, directes, sur le conflit entre l’Iran et certains pays arabes. Ensuite, priver le marché mondial de quelque 6 millions de barils par jour pour une durée indéterminée a accru l’intérêt mondial pour ce qui se passe dans la région, notamment pour le conflit au Yémen, surtout que ces attaques peuvent se répéter tant que la question ne sera pas réglée. D’aucuns s’acharnent à accuser l’Iran ou ses forces affiliées en Iraq d’être à l’origine de ces attaques après que les Houthis, qui ont des antécédents dans ce domaine, mais d’une moindre ampleur destructive, les ont revendiquées. Cette revendication houthie signifie inéluctablement que l’Iran est impliquée dans l’affaire vu leur loyauté pour l’Iran et l’augmentation du soutien politique qu’il leur accorde. Un soutien qui s’est clairement révélé dans l’accueil accordé par le guide de la Révolution au porte-parole des Houthis le mois dernier. Nombreux se sont déclarés vivement heureux de cette dernière évolution, vu qu’elle entraînera une plus grande implication des forces mondiales, surtout des Etats-Unis, dans le conflit. Je ne partage nullement cet avis, car les politiques des forces mondiales sont dans la plupart des cas à l’origine des escalades non étudiées, dont les forces régionales payent cher le prix. La preuve la plus évidente en est l’invasion américaine de l’Iraq en 2003 avec ses séquelles catastrophiques, en plus de l’augmentation de l’influence iranienne en Iraq et le début du recul de l’hégémonie américaine unilatérale sur le régime mondial à cause de la résistance iraqienne. Il ne faut pas aussi oublier que la crise actuelle dans le Golfe a commencé avec le retrait de Trump de l’accord nucléaire iranien et l’augmentation des sanctions contre l’Iran.
Dans ce contexte, il est grand temps que les grands pays arabes prennent les rênes de la gestion du conflit actuel dans la région en général et non seulement au Yémen. En effet, ce conflit a été polarisé dans un conflit régional plus vaste entre l’Iran et les pays arabes victimes de ses politiques. Raison pour laquelle les tentatives de résoudre le conflit yéménite loin du règlement de l’ensemble des conjonctures régionales semblent inefficaces, sans oublier la tentative de le diviser, comme dans l’accord de Stockholm qui n’a abouti à aucune avancée.
Vu que la gestion militaire du conflit a mené jusqu’à présent à un état de gel dernièrement consolidé par l’escalade des attaques des Houthis, la seule solution est que les pays arabes impliqués dans le conflit tentent une autre voie, celle du dialogue avec l’Iran. D’habitude, de telles idées effrayent beaucoup de personnes. Mais cette idée est tout à fait logique et ne soulève aucune crainte. Tout d’abord, nous ne devons pas oublier que l’Iran a demandé à plusieurs reprises d’engager un dialogue. Par ailleurs, le dialogue se révèle une nécessité à cause de l’état de gel militaire du conflit, c’est-à-dire l’incapacité des deux parties de trancher le conflit militairement. La force était indispensable pour arrêter l’expansion houthie au Yémen, et elle y a réussi sans pour autant réussir à liquider leur présence au nord, et la force demeurera effective même si le dialogue commence. Dans les années 1960, les Etats-Unis avaient engagé des négociations avec le Viet Cong au Vietnam sans que les combats ne s’interrompent. Aujourd’hui, Trump tente aussi de dialoguer avec l’Iran, mais celui-ci refuse ses conditions. Par conséquent, le dialogue n’est pas l’alternative de la force, mais il représente une autre voie de la gestion du conflit qui a prouvé son succès dans de nombreux cas. Les Arabes ont eu même recours dans l’une des étapes de l’évolution du conflit arabo-israélien à la méthode du règlement, dont l’Egypte a pris l’initiative et qui lui a valu bien des critiques à l’époque. Puis, les Arabes en sont arrivés à adopter le règlement pacifique comme méthode générale dans la gestion du conflit avec Israël, bien que le conflit avec l’Etat hébreu ne puisse être comparé avec le conflit avec l’Iran. Cependant, il faut remarquer que le règlement pacifique n’a réussi qu’après la victoire de la force dans la guerre d’Octobre 1973. Par contre, il n’a pas porté ses fruits quand la résistance s’est interrompue comme dans le cas palestinien actuel. Ce qui confirme qu’il ne peut y avoir de dialogue réussi sans une force qui le soutient.
La conjoncture actuelle en Iran, malgré l’influence des éléments rigoristes, anticipe l’acceptation du dialogue pour de nombreuses raisons. Tout d’abord, parce que les pays arabes du Golfe, avec le soutien militaire égyptien apporté à leur sécurité, ne représentent plus une proie facile pour l’Iran, et parce que les conjonctures économiques en Iran représentent inéluctablement une source de pression. Au cas où le principe du dialogue avec l’Iran serait accepté, comment serait-il possible de l’appliquer de manière pratique ? La première condition est qu’il jouisse d’une certaine unanimité au sein de la Ligue arabe, par exemple comme a essayé de le faire l’ancien secrétaire de la Ligue, Amr Moussa, dans le cadre de l’initiative de l’association des pays du voisinage, qui a été avortée selon le mécanisme habituel de l’avortement des initiatives du développement de la Ligue arabe. S’il devient impossible d’obtenir une unanimité arabe, il faut au moins que le dialogue regroupe toutes les parties impliquées dans le conflit actuel, en plus de l’Egypte, en tant que pays possédant un poids important dans l’équation de la sécurité du Golfe.
La seconde condition est que les pays arabes se mettent d’accord sur une vision claire de l’objectif du dialogue avant même de l’entamer. Cette vision doit tout d’abord se baser sur l’équilibre des intérêts légitimes des deux parties, la non-ingérence dans les affaires internes et le règlement pacifique des conflits. La politique étrangère égyptienne, avec ses orientations équilibrées et son expérience diplomatique, est à même de jouer un rôle effectif dans ce contexte .
Lien court: