« La classe moyenne n’existe plus, les gens sont partagés entre une majorité de pauvres et une minorité de richissimes ». Ce genre de propos est très courant parmi les Egyptiens. Certains les répètent pour illustrer les écarts grandissants entre les classes sociales et la souffrance ressentie par la classe moyenne. Beaucoup sont convaincus que la classe moyenne a réellement disparu, alors qu’il ne s’agit que d’une mauvaise compréhension de la société égyptienne, basée sur de simples impressions personnelles.
Or, nous disposons, heureusement, de recherches scientifiques pour nous aider à une compréhension plus réaliste de la situation. Je parle notamment de la dernière édition du rapport bisannuel sur les dépenses et les revenus publié par l’Agence centrale pour la mobilisation publique et les statistiques (CAPMAS).
Il existe sûrement parmi les Egyptiens une classe excessivement riche formée d’une poignée de milliardaires qui figurent aux palmarès des personnes les plus riches au monde, et des quelques acolytes et parasites qui les entourent. En Egypte, comme partout ailleurs, cette couche de richissimes représente un problème pour les chercheurs qui étudient le partage des revenus et la stratification sociale. Ces personnes contrôlent une part importante des ressources nationales, mais leur petit nombre et l’opacité de leur vie privée font qu’elles sont absentes dans ce genre de recherches.
Les revenus immenses de ceux du sommet ne se mesurent pas en milliers de livres, unité adoptée par le rapport en question et où rien n’indique d’ailleurs l’importance de cette couche sociale. Le seul indice auquel on peut se fier concerne le logement. D’après le rapport, 0,01% des familles égyptiennes habitent dans des villas de luxe, ces maisons somptueuses que l’on voit dans les publicités des compounds et les villes nouvelles qui entourent la capitale.
La meilleure solution au problème que pose aux chercheurs cette classe hyper riche, c’est de la traiter comme une catégorie à part, comme si sa présence à l’extrême sommet de la pyramide l’excluait de la structure sociale. Ainsi, on peut diviser les 99,09% des Egyptiens restants en 5 classes distinctes: la classe supérieure, la classe moyenne supérieure, la classe moyenne intermédiaire, la classe moyenne inférieure et la classe pauvre.
Le rapport du CAPMAS distingue dix catégories représentant chacune 10% de la population. D’après ce rapport, 32,5% des familles égyptiennes vivent en dessous du seuil de la pauvreté, soit un peu plus de trois dixièmes de la population.
Et on peut considérer que la classe supérieure est celle des 10% ayant les revenus les plus élevés. Quant aux 60% restants, ils forment la classe moyenne avec ses trois composantes, qui représentent chacune 20% des foyers égyptiens. Conformément aux données du rapport, une famille appartient à la classe moyenne inférieure si ses dépenses annuelles sont de l’ordre de 41800 L.E., soit 3500 L.E. par mois. Si la famille dépense 79800 L.E. par an (environ 6650 L.E. par mois), elle appartient à la classe moyenne supérieure. Et elle fait partie de la classe moyenne intermédiaire si les dépenses mensuelles du foyer se situent entre 3700 et 4750 L.E.
Vous reconnaissez-vous dans le classement proposé par ces chiffres? Peut-être que oui, mais probablement non. Parce que ces moyennes, qui incluent les habitants des zones urbaines aussi bien que ceux des zones rurales, correspondent plus aux premiers.
Le taux de consommation de cette classe moyenne, qui représente 60% des Egyptiens, est de 59,9% de la consommation totale de la population, ce qui équivaut à son importance numérique. Et c’est justement pourquoi la classe moyenne est considérée comme le facteur de correction de la balance. Alors que la classe pauvre (30% de la population) est responsable de seulement 16,2 % de la consommation, et que la classe supérieure (10% de la population) représente 23,9 % de la consommation totale.
Le réfrigérateur et la télévision homogénéisent la société du fait que 96,5 % des foyers disposent d’un réfrigérateur, et 95,7 % d’une télévision. Alors que le climatiseur et la voiture distinguent les classes supérieure et moyenne. En fait, seuls 12,2 % des foyers égyptiens disposent d’un climatiseur (21,2% dans les zones urbaines), ce qui signifie que la plus grande partie de la classe moyenne mène une vie plutôt modeste. Une réalité que confirme le fait que seulement 7,6% des foyers égyptiens ont une voiture, un chiffre qui atteint les 12,9 % dans les zones urbaines. Si vous avez une voiture, sachez donc que c’est un privilège et que 90% des Egyptiens vous envient. Estimez-vous chanceux et respectez le code de la route .
Lien court: