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La Turquie et l’offensive sur Idleb

Dimanche, 25 août 2019

La guerre en Syrie a pris un nouveau tournant avec l’offensive du régime syrien sur Idleb, dernier bastion rebelle au nord du pays, un fait qui pourrait modifier les rapports entre les acteurs sur le terrain. La Turquie, qui a tou­jours soutenu la rébellion, a tout à perdre d’une victoire des forces loya­listes en Syrie. La prise cette semaine, par le régime syrien, de la ville straté­gique de Khan Cheikhoun a été mal ressentie par Ankara qui apportait un appui militaire et logistique aux forces rebelles dans cette ville. La reprise de Khan Cheikhoun facilite l’offensive du régime sur Idleb.

Un convoi de véhicules blindés turc a essuyé les tirs de l’aviation syrienne. Le convoi était en route vers la ville de Morek où la Turquie dispose de plu­sieurs postes d’observation.Ces postes, installés en vertu de l’accord de Sotchi en 2018 entre les présidents turc, Recep Tayyip Erdogan, et russe, Vladimir Poutine, sont censés contrô­ler le cessez-le-feu entre le régime syrien et les rebelles. Ils ont permis à la Turquie de s’installer militairement au nord de la Syrie. Or, l’offensive du régime dans cette région risque de bou­leverser les calculs d’Ankara qui veut conserver sa présence au nord pour contrer toute présence kurde. Le régime syrien a affirmé que le convoi turc apportait « un soutien militaire aux combattants de Jabhet Fath Al-Cham (Front de conquête de la Syrie), un groupe djihadiste encerclé à Khan Cheikhoun ».

L’offensive du régime sur la ville d’Idleb fait craindre à la Turquie un afflux de réfugiés syriens sur son terri­toire. Selon les Nations-Unies, plus de 500 000 Syriens ont déjà quitté Idleb et se sont dirigés vers la frontière nord. La Turquie accueille déjà plusieurs millions de réfugiés syriens.

Outre les frictions avec le régime syrien, l’offensive loyaliste au nord a donné lieu à des différends entre la Turquie et son allié russe. Les Turcs voient d’un mauvais oeil le soutien russe à l’offensive sur Idleb. Ils accusent la Russie de violer l’accord de Sotchi en soutenant l’offensive du régime au nord de la Syrie. Ils soupçonnent que la Russie était au courant des tirs syriens sur le convoi turc. Mais Moscou rejette les accusations turques et accuse à son tour Ankara de n’avoir rien fait pour freiner les ardeurs des djihadistes de Hayët Tahrir Al-Cham (l’Organisation de libération de la Syrie) opérant au nord de la Syrie. Le ministre des Affaires étrangères russe, Sergeï Lavrov, a décla­ré lors d’une conférence de presse le 20 août que « la Turquie a été avisée que les militants de Hayët Tahrir Al-Cham seraient anéantis au nord de la Syrie », rappelant que ce groupe n’était pas inclus dans l’accord de Sotchi et qu’il demeure une cible légitime.

Les évolutions en Syrie ont mis à mal l’alliance russo-turque. Les deux pays s’étaient rapprochés en 2016 après la tentative de coup d’Etat contre Erdogan. Critiqué pour ses dérives autoritaires et isolé, le président turc avait essayé de trouver un nouvel appui auprès de la Russie. Mais les intérêts opposés des deux pays en Syrie pour­raient mettre fin à la lune de miel entre eux, s’ils ne réglaient pas rapidement leurs différends. Une chose est sûre, les dernières évolutions en Syrie sont loin de faire le jeu de la Turquie.

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