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Edito : Retour sur le 30 juin

Lundi, 08 juillet 2013

Deux ans et demi après la révolution du 25 janvier, le premier président élu de l’après-Moubarak, Mohamad Morsi, est évincé du pouvoir par l’armée au terme d’une vague de contestation populaire sans précédent. Coup d’Etat ou volonté popu­laire ? L’éviction de Morsi soulève bien des interrogations. Comment un président démocratiquement élu peut-il être évincé du pouvoir un an seulement après son investiture ? La volonté populaire y était sûrement pour quelque chose. Des millions d’Egyptiens sont descendus dans les rues pour exprimer leur rejet du président isla­miste. Les raisons de ce mécontentement sont multiples. Et on peut certes évoquer le manque de compétence de l’ex-président et la mauvaise gestion des affaires de l’Egypte.

Dès sa prise de fonction, Morsi s’est attelé à consolider son pouvoir à travers une « frérisation » soutenue des institutions, suivant un agenda établi par la confrérie des Frères musulmans, mais il a oublié au pas­sage que les Egyptiens attendaient la justice sociale et l’amélioration de leurs conditions de vie. Et à ce niveau, aucune décision majeure n’a été prise durant l’année de pouvoir du président islamiste. L’économie a continué à se détériorer et la justice sociale est restée un rêve lointain.

Mais un autre facteur central a précipité la chute du président islamiste : son entrée en collision avec les institutions de l’Etat, dominées par l’ancien régime, comme la justice et la police, qui lui opposent dès son arrivée au pouvoir une résistance farouche, et qui font tout pour le faire échouer. Morsi est aux prises avec les magistrats dès le mois de novembre 2012. Pour contrer ces derniers il promulgue une déclaration constitutionnelle controversée et doit faire face à des manifestations massives dont il sortira affaibli.

L’ex-chef de l’Etat a dû également faire face à l’hostilité de la police.

Les policiers, bourreaux des islamistes sous Moubarak, l’accusaient notamment de vouloir les « sacrifier » face aux manifes­tants descendus en masse dans les rues. Toutes les tentatives du président islamiste pour se rapprocher de la police se sont soldées par un échec. Au point que ces derniers ont pris part aux manifestations du 30 juin.

L’armée est l’autre grande institution avec laquelle l’ex-chef de l’Etat est entré en collision. Malgré les privilèges exorbitants accordés aux militaires dans la nouvelle Constitution, suspendue par l’armée, les relations entre le président islamiste et l’armée sont restées tendues. Cette tension s’est traduite notamment par des rumeurs de limogeage du chef de l’armée le général Abdel-Fattah Al-Sissi et des contre-rumeurs sur un éventuel coup d’Etat mené par ce dernier contre le président en place.

Ainsi, le courant n’est jamais passé entre la présidence et l’armée. Les militaires voyaient d’un mauvais oeil les « dérives auto­ritaires » du président islamiste. Ils voyaient également d’un mauvais oeil le rapproche­ment entre le régime de Morsi et les mili­tants du Hamas.

De plus, les appels de certains cadres de la confrérie à traduire en justice les anciens dirigeants de l’armée ont exaspéré l’armée. Et l’annonce tout récemment par Morsi de sa disposition d’envoyer en Syrie des jeunes pour combattre aux côtés des rebelles syriens contre le régime de Bachar Al-Assad n’a certainement pas été du goût de l’ar­mée.

Lorsque les jeunes activistes du mouve­ment Tamarrod ont lancé leur campagne de collecte de signatures contre l’ex-prési­dent, la scène était déjà préparée à sa des­titution.

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