La décision de Donald Trump, le 25 mars, de reconnaître la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan syrien confirme, s’il en était encore nécessaire, qu’il est le président américain le plus favorable aux intérêts de l’Etat juif dans l’histoire des Etats-Unis. Aucun locataire de la Maison Blanche n’avait osé, avant lui, de se montrer aussi biaisé en faveur de Tel-Aviv et contre les intérêts des pays arabes. Sa démarche, à l’instar de sa reconnaissance le 6 décembre 2017 de Jérusalem unifiée comme capitale d’Israël, n’a aucune valeur juridique et a été dénoncée et rejetée par le monde arabe et les principaux acteurs sur la scène internationale: la Russie, la Chine et l’Union européenne. Son impact est principalement politique.
Il est clair que la décision de Trump, compte tenu du moment choisi pour son annonce, vise à soutenir la réélection du premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, confronté à une opposition grandissante lors des prochaines législatives prévues le 9 avril. C’est un cadeau politique offert à Netanyahu, un ami personnel de Trump et de son gendre Jared Kushner, pour augmenter ses chances face à son principal rival, Benny Gantz, au moment où pèsent sur lui des accusations de corruption et d’abus de pouvoir. Netanyahu avait approché le président américain au sujet du Golan l’année dernière, peu après que Trump eut annoncé qu’il déplacerait l’ambassade américaine en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem. Mais sa quête n’a vraiment commencé à gagner du terrain que lorsque John Bolton, un faucon archi-hostile à l’Iran, est arrivé à la Maison Blanche le printemps dernier, comme conseiller présidentiel à la sécurité nationale.
(Photo:Reuters)
Avant l’annonce de la décision de Trump, la perspective de reconnaître la souveraineté israélienne sur le Golan avait été largement approuvée par plusieurs législateurs américains partisans d’Israël.
Les sénateurs républicains, Ted Cruz et Tom Cotton, ainsi que le représentant républicain Mike Gallagher, ont présenté, en février, un projet de loi en ce sens aux deux Chambres du Congrès. Au début de mars, l’influent sénateur républicain et président de la commission judiciaire au Sénat, Lindsey Graham, fervent partisan d’Israël, s’est rendu en Israël où il a visité le Golan en compagnie de Netanyahu, qui a plaidé à l’occasion pour le maintien du plateau sous contrôle israélien. Graham a exprimé son soutien et s’est engagé à insister auprès de Trump sur la question dès qu’il rentre aux Etats-Unis.
Outre le soutien électoral à Netanyahu, la décision de Trump vise à accroître ses propres chances de réélection à la présidentielle de novembre 2020, en ciblant l’électorat juif et celui des chrétiens évangéliques, ardents défenseurs d’Israël. La majorité de ces derniers avait voté pour lui à la présidentielle de 2016. L’Administration Trump a intégré en son sein plusieurs représentants de cette communauté, dont le vice-président Mike Pence et le secrétaire d’Etat Mike Pompeo.
Les évangéliques, qui représentent la majorité des protestants américains, sont des inconditionnels de l’Etat d’Israël. Ils sont parmi les premiers soutiens au sionisme, en tant qu’idéologie et mouvement politique, soutenant l’établissement d’un Etat souverain pour le peuple juif en Terre sainte, avec Jérusalem unifiée comme capitale. Ils ne sont pas étrangers à la décision de Trump en mai dernier de déplacer l’ambassade américaine vers la Ville sainte. Ils soutiennent la colonisation israélienne de la totalité de la Palestine, car ils croient que la domination juive de la Terre sainte est une condition préalable à l’accomplissement des prophéties bibliques et au retour du Christ.
C’est pour cela qu’ils apportent des dons et diverses formes d’assistance à l’émigration de juifs américains en Israël et à l’acquisition de terres et de maisons palestiniennes. Ici, l’objectif de la décision de Trump de reconnaître la souveraineté israélienne sur le Golan syrien est d’apparaître comme le meilleur ami de l’Etat hébreu et de dénigrer le parti démocrate rival, qu’il ne cesse de dénoncer comme « anti-israélien » et « anti-juif ».
L’Administration Trump a justifié sa décision par sa volonté de défendre la sécurité de son allié israélien qui serait menacée par la présence militaire de l’Iran, et de son allié le Hezbollah libanais, en Syrie. C’est un moyen de montrer à ses alliés régionaux que les Etats-Unis restent un acteur majeur sur la scène du conflit en Syrie, malgré leur récente décision de retirer les troupes américaines du nord de ce pays.
Mais concrètement, la décision de Trump apporte un soutien politique à Israël, qui occupe les deux tiers du plateau du Golan depuis la Guerre de juin 1967. Ces hauteurs ont été annexées par Tel-Aviv sous le gouvernement de Menahem Begin en 1981. Une décision qui n’a jamais été reconnue par aucun pays.
En réalité, le contrôle du Golan assure à Israël un avantage militaire et stratégique sur son voisin syrien, car il lui permet de surveiller les mouvements de l’armée syrienne ainsi que la capitale Damas, distance d’à peine 60 km. Le plateau est également riche en terres fertiles, où quelque 20000 colons juifs se sont installés depuis 1967, et une précieuse source d’eau douce du lac Tibériade.
En reconnaissant et en légitimant l’annexion illégale du Golan par Israël, Washington crée un dangereux précédent. Par son acte, il invite et encourage virtuellement tous les Etats agresseurs à conserver les territoires qu’ils avaient illégalement occupés le plus longtemps possible, afin de créer un fait accompli et exiger ensuite la reconnaissance internationale de cette « réalité ». L’attitude de Washington revient à battre en brèche la justice et le droit internationaux, à légitimer l’agression et à récompenser l’agresseur.
A commencer par Israël qui, outre le Golan, ne cache pas son désir d’annexer la totalité ou une partie de la Cisjordanie, également occupée depuis juin 1967.
La droite nationaliste et les partis religieux israéliens, qui forment la coalition gouvernementale, se sentent encouragés par la décision de Trump et seraient tentés d’intensifier leurs pressions en faveur de l’annexion de tout ou d’une partie de la Cisjordanie, en y incluant l’ensemble des colonies de peuplement juif. Maintenant que le président Trump a montré le chemin à emprunter, ce n’est qu’une question de temps avant qu’Israël, avec la bienveillance d’un Trump réélu en 2020, n’annexe formellement la vallée du Jourdain sous prétexte, comme c’était le cas avec le Golan, de protéger la sécurité de l’Etat juif. Mais ce sera aussi la fin de toute perspective de paix entre Palestiniens et Israéliens, et l’enterrement de la solution de deux Etats vivant côte à côte en paix.
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