Tous les observateurs s’attendent à ce que les combats en cours dans la région de Baghouz en Syrie scellent le sort de Daech et mettent définitivement fin à sa présence sur le sol syrien. Mais si la fin de Daech n’est plus qu’une affaire de quelques jours, va-t-elle favoriser un règlement de la crise syrienne? Tout porte à croire que non. Car le groupe extrémiste n’est que l’un des ingrédients du conflit en Syrie. Et si aujourd’hui la guerre entre le régime de Damas et la rébellion semble tranchée en faveur du premier, les raisons du conflit n’ont jamais été réglées. L’on ne peut que constater l’échec des deux processus de règlement politique, Genève et Astana, parrainés respectivement par les Occidentaux et la Russie.
Aujourd’hui, 8 ans après le début de la guerre, le conflit a pris plus que jamais une allure régionale et internationale et la scène est plus que jamais complexe. L’annonce du retrait américain de Syrie en décembre dernier a aiguisé l’appétit des autres puissances présentes sur le sol syrien, notamment la Russie et l’Iran. Les Russes, qui sont intervenus dans le conflit en 2015 au côté du régime de Bachar Al-Assad, ne sont pas prêts à lâcher la Syrie, qui constitue pour eux la dernière zone d’influence au Proche-Orient. Idem pour l’Iran. Pour Téhéran, la Syrie est vitale pour préserver l’axe chiite Iran-Iraq-Hezbollah face à l’axe sunnite formé des pays du Golfe. La présence en Syrie permet également à Téhéran de se rapprocher des frontières israéliennes et de générer des menaces potentielles contre Israël. Les frictions entre les deux pays ont été d’ailleurs récurrentes ces derniers mois. Téhéran et Moscou ont des intérêts communs en Syrie, mais ils sont en même temps rivaux. Les deux pays affichent clairement leur intention de prendre part aux efforts de reconstruction.
Outre la Russie et l’Iran, il y a aussi la Turquie qui craint que les Kurdes du nord de la Syrie n’obtiennent une certaine autonomie, ce qui permettrait à leurs homologues turcs d’utiliser cette région comme base arrière. D’où les interventions répétitives de l’armée turque au nord de la Syrie. Réprimés pendant des décennies, les Kurdes ont profité du retrait de l’armée syrienne pour installer sur les territoires qu’ils contrôlent au nord de la Syrie une administration semi-autonome. Leur principale milice armée, les YPG (Unités de protection du peuple), forme le noyau des Forces Démocratiques Syriennes (FDS), composées également de combattants arabes et soutenues par la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis. Ils ont été un élément essentiel de la lutte contre Daech. Avec le retrait américain annoncé, ils craignent de se retrouver seuls face à la Turquie qui s’est déjà emparée de l’enclave d’Afrine, au nord-ouest, et menace de continuer son avancée vers d’autres territoires à l’est. Ils cherchent désormais à négocier avec le régime syrien.
Autre acteur influent: les Etats-Unis. Opposés à la présence iranienne en Syrie et soutenant les Kurdes, les Américains sont toujours présents sur le sol syrien malgré l’annonce de leur retrait, et il n’est absolument pas clair quelle stratégie ils vont suivre pour juguler l’influence iranienne. Enfin, il y a la rébellion et le régime de Bachar Al-Assad. Au début du conflit, les rebelles étaient regroupés sous la bannière de l’Armée Syrienne Libre (ASL), laissant progressivement place à une myriade de factions, allant des rebelles sans affiliation religieuse aux groupes islamistes. Leur poids s’est largement réduit à mesure des défaites infligées par le régime. Les djihadistes sont toujours présents avec Hayët Tahrir Al-Cham (l’organisation de libération du Levant), organisation contrôlée par l’ex-branche syrienne d’Al-Qaëda et implantée dans la province d’Idleb. Quant au régime syrien soutenu par l’Iran, la Russie et le Hezbollah libanais, il cherche à achever la récupération des territoires qu’il a reconquis.
Le conflit syrien, qui a pris une allure régionale et internationale, ne semble pas prendre fin. Il sera désormais politique plus que militaire.
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