C’était au début des années soixante du siècle dernier, au 4, rue Ahmad Hechmat, à l’île de Zamalek, au Caire. C’était l’ère de la libération nationale et de l’exercice du droit à l’autodétermination sur le continent africain.
Ce qui se passait à l’époque était un processus historique sans précédent, ayant pour objectif de rétablir l’autonomie et l’indépendance de l’Afrique après la fin de la colonisation des pays africains par les puissances européennes. Celles-ci se sont longtemps adonnées au pillage des richesses de l’Afrique et à l’esclavage de son peuple, transformant la structure politique des pays colonisés, non selon leur identité et leurs liens communautaires, mais en fonction des accords conclus en Europe.
Dans cette équation illégale, l’Egypte, qui sortait de l’occupation britannique, retrouvait ses racines africaines en soutenant les dirigeants des mouvements de libération des différents pays africains qui avaient choisi Le Caire comme lieu de rencontre. Avec ces pays, l’Egypte a participé à la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), ancêtre de l’Union Africaine actuelle (UA).
Les pays africains sont finalement devenus indépendants et la voix de l’Afrique se fait désormais entendre dans les forums internationaux, en Aise et en Amérique du Sud, et partout dans ce « Sud » qui partage un héritage colonial et qui présente des séquelles de guerre froide et de polarisation socialiste-capitaliste.
La consolidation de l’indépendance n’avait pas été moins difficile que la lutte pour l’obtenir. En dépit d’une lutte acharnée pour le développement et le progrès, les chances du continent africain sont restées limitées à cause de l’héritage colonial, du manque d’expérience et des divisions ethniques.
Les dernières décennies du XXe siècle n’ont pas été faciles pour le continent africain, à cause des conflits ethniques et des conspirations internationales, mais aussi à cause des épidémies telles que le Sida et l’Ebola.
Ainsi, les pays africains marquent parmi les plus bas sur les indicateurs de développement global, et le monde a semblé tourner le dos à l’Afrique. Mais le début du XXIe siècle a été un nouveau départ pour le continent: les pays victimes de discrimination raciale se sont débarrassés de l’apartheid, la majorité des peuples africains a accédé au pouvoir, les guerres civiles se sont progressivement apaisées, de nombreux compromis politiques ont permis au continent de retrouver une partie de sa vigueur, et il est devenu possible d’endiguer les ravages de la famine et des épidémies.
Maintenant que l’Afrique vit une phase de convalescence après les épreuves de l’histoire et les calamités contemporaines, le XXIe siècle pose de nouveaux défis à ce continent qui est loin derrière le reste du monde.
Le premier défi provient du fait que le continent a pris du retard sur la première révolution industrielle en raison de la colonisation, ainsi que sur la deuxième révolution industrielle à cause des processus laborieux de la libération et de l’indépendance.
Aujourd’hui, l’Afrique vit avec le reste du monde la troisième révolution techno-industrielle et se trouve au seuil d’une quatrième révolution, celle qui repose sur l’intégration de la technologie de l’information et de la biotechnologie.
Pour protéger ses populations et préserver son indépendance, l’Afrique doit rattraper le reste du monde cette fois-ci. Pour ce faire, l’Afrique devra cesser de se préoccuper du passé et se tourner vers l’avenir.
Le deuxième défi est celui du développement économique et socioculturel. En fait, l’Afrique est riche en ressources naturelles, et les deux dernières décennies ont été riches en expériences et en réussites, des réussites qui ont propulsé certains pays africains dans l’arène de la concurrence internationale.
La coopération africaine dans les domaines de l’énergie, de l’eau, du tourisme, de la santé, de l’éducation, entre autres, pourrait renforcer la compétitivité des Etats africains.
Le troisième défi est que le monde, et l’ordre mondial dans son ensemble, ont changé depuis le XXe siècle : le monde n’est plus gouverné par deux superpuissances qui se font concurrence dans une guerre froide, et il n’est plus le monde de la « globalisation » menée par les Etats-Unis. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde multipolaire où plusieurs puissances cherchent à occuper des espaces de coopération, d’entente, de concurrence, même si les Etats-Unis, la Russie et la Chine demeurent des poids lourds. Ces trois pays, ainsi que d’autres puissances comme l’Europe, le Japon et les pays émergents d’Asie et d’Amérique du Sud, sont en concurrence avec l’Afrique, et les pays africains doivent utiliser cette compétition au profit de l’Afrique et de l’humanité dans son ensemble.
Pour que l’Afrique puisse relever les défis du XXIe siècle, elle devra mettre fin aux conflits qui étaient à l’origine de son retard. L’Union africaine peut y contribuer à travers des modalités de règlement de conflits, mais aussi à travers le développement des ressources des pays concernés.
Face à ces défis, l’Egypte, grâce à son histoire et sa géographie, est un partenaire-clé de l’Afrique.
Naguère acteur important au sein des mouvements de libération nationale, aujourd’hui l’Egypte passe par les mêmes processus de réforme économique et sociale au même titre que les autres pays africains. Ce que Le Caire cherche, c’est un partenariat complet avec ses voisins africains pour relever les défis susmentionnés.
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