Parallèlement à la mobilité sociale en Europe et aux Etats-Unis, tous les courants intellectuels font preuve d’une vitalité renouvelée et globale. Les jeunes sont la principale composante du mouvement social et du renouveau dans différents domaines. A ce sujet, l’hebdomadaire libéral The Economist a publié dans son numéro du 16 février un dossier intitulé: « L’essor du socialisme chez la génération du millénaire », qui souligne l’existence d’une gauche émergente dotée d’une nouvelle vision de la vie et de l’avenir. L’hebdomadaire surveille, chiffres à l’appui, la progression de cette tendance dans la sphère publique américaine, politique et civile. Alexandria Ocasio-Cortez, la plus jeune élue du Congrès, est un symbole de cette tendance.
L’hebdomadaire cite le fameux institut américain de sondages Gallup, lequel affirme que 51 % des jeunes entre 18 et 29 ans ont un avis positif sur le socialisme. Cette tranche d’âge est la base sociale qui a soutenu et voté pour le candidat « démocrate » Bernie Sanders qui se présente comme socialiste et qui considère sa candidature à la présidentielle comme le début d’une révolution sans précédent de la politique américaine.
Dans un autre contexte, selon l’économiste, près d’un tiers des électeurs français ayant voté lors de la dernière élection présidentielle de 2017 avaient moins de 24 ans. Notons ici que la « génération du millénaire » réfère à tout(e) citoyen(ne), quel que soit son âge, qui adhère aux valeurs, aux idées et aux pratiques de l’ère numérique. Ainsi, l’enquête de The Economist a tenté d’aborder le système intellectuel des « nouveaux socialistes » et leur vision de la réalité en évolution. Parmi les idées fondamentales qui préoccupent ces socialistes de l’ère numérique figure la question des inégalités et du fossé qui se creuse davantage entre les classes sociales. Cette disparité, devenue un fait accompli, est le résultat de l’incapacité des gouvernements à s’y attaquer. Les politiques économiques sont donc fallacieuses, car elles favorisent les riches aux dépens du commun des citoyens. Il serait temps, selon la perception des nouveaux socialistes, de rétablir la justice et l’équité.
Ils se préparent pour réaliser le rêve populaire d’une redistribution des revenus et d’un partage du pouvoir afin d’assurer un certain équilibre. Ces jeunes ont perdu confiance dans les structures de gouvernance économique et sociale qui prennent partie en faveur des plus riches.
Les statistiques sur les revenus aux Etats-Unis montrent que le revenu moyen de ceux au sommet de la pyramide économique et sociale, et qui ne représentent que 1% de la population, a augmenté de 242%, soit six fois plus que le revenu de la classe moyenne. Les jeunes sont devenus méfiants à l’égard de la démocratie, non en tant que système de gouvernement, mais plutôt parce que, dans son état actuel, la démocratie ne sert pas les intérêts de la majorité des citoyens. D’où la nécessité de renouveler le processus démocratique afin d’établir un partage de la responsabilité et de réaliser une réelle représentation de tous et un véritable partenariat dans la gouvernance et la prise de décision.
Suite au déclin de la gauche après la dislocation de l’Union soviétique, l’économie de marché a été acceptée par le biais de la Troisième Voie à l’époque du premier ministre britannique, Tony Blair, et du président américain Bill Clinton. Le résultat a été des inégalités toujours plus importantes. Les citoyens ont cessé de croire à l’économie de marché. Par conséquent, les socialistes du nouveau millénaire appellent les Etats à jouer un rôle régulateur, quoique décentralisé, susceptible d’établir la justice et de garantir l’égalité des opportunités.
Les nouveaux socialistes accordent également un intérêt particulier à l’environnement qui est systématiquement sacrifié sur l’autel des intérêts des plus riches avec la complicité des bureaucraties. La réforme du système fiscal est un autre sujet d’intérêt pour cette génération. A ce sujet, la jeune membre du Congrès, Alexandria Ocasio-Cortez, a conçu un nouveau système fiscal qui prenne en compte l’âge, la classe sociale et la profession des citoyens.
Bien sûr, de nombreuses autres idées des socialistes du millénaire peuvent être mentionnées, mais il convient aussi de noter quelques domaines où ils ont réalisé des réussites.
Ils ont réussi à rétablir la confiance dans le socialisme, en particulier parmi les jeunes, et de l’exercer avec un degré de flexibilité libre de l’institutionnalisme, de l’autoritarisme et de tout esprit partisan. Ils ont aussi réussi à rétablir le pouvoir aux citoyens et à s’intéresser à leur quotidien et à leur vie, parce qu’il n’est plus permis de se déconnecter des citoyens. Ils ont surtout réussi à donner envie aux citoyens de changer la réalité. Bref, ces jeunes ont pu bouleverser une réalité qui ressemblait à une fatalité immuable et faussement prometteuse, un état de choses qui n’a réalisé aucune promesse. Plus important encore, cette mobilisation citoyenne est porteuse d’une vivacité intellectuelle. Elle a permis d’amorcer des débats philosophiques partout en Europe et aux Etats-Unis sur toutes les questions qui préoccupent la droite aussi bien que la gauche.
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