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Discours du prix Nobel à Dubaï

Dimanche, 17 février 2019

Je viens de rentrer au Caire en provenance des Emirats arabes unis, où j’ai été invité à animer une conférence sur notre grand écrivain Naguib Mahfouz, au Musée Nobel de Dubaï. C’est d’une manifestation culturelle annuelle co-organisée par la Fondation Mohamed bin Rached Al Maktoum pour la connaissance et la Fondation suédoise Nobel. Il s’agit de faire connaître l’histoire de ce prix international et les lauréats qui l’ont obtenu dans les diverses disciplines. C’était la neuvième édition de cette grande manifestation, qui consacre chaque édition à une discipline différente du prix. Un lauréat du prix est invité pour donner une conférence et animer un atelier de travail avec de jeunes étudiants et lycéens. Ces ateliers ont pour objectif de relier au quotidien la discipline en question.

Discours du prix Nobel à Dubaï

Cette année, c’était le tour de la littérature, et j’ai eu l’honneur d’être invité pour parler des circonstances de la remise de ce prix à notre grand écrivain Naguib Mahfouz. J’ai expliqué comment le choix de ce dernier avait renforcé la crédibilité de ce prix, qu’on avait commencé à questionner à cause de son désintérêt de la littérature arabe depuis sa création en 1901, alors que la littérature arabe, dont l’existence précède l’islam, est l’une des littératures les plus anciennes au monde.

Parmi les participants se trouvaient Gustav Källstrand, historien de la culture, qui a donné une conférence sur l’histoire du prix Nobel de littérature, ainsi qu’Ebba Holmberg du Musée Nobel de Stockholm, et Kristian Fredén, de la Bibliothèque Nobel à Stockholm. Mme Holmberg a animé un atelier de travail autour des oeuvres de certains lauréats, dont Le Passage des miracles de Mahfouz et d’autres romans, de Gabriel Garcia Marquez, William Golding, Toni Morrison, Albert Camus, entre autres. M. Fredén, lui, a animé un atelier intitulé « Ecris comme les lauréats du prix Nobel », auquel ont participé les jeunes qui souhaitaient développer leur talent littéraire.

J’ai été heureusement surpris par l’excellent niveau du Musée Nobel de Dubaï ainsi que par le grand nombre de visiteurs arabes et étrangers, outre les jeunes étudiants et lycéens. Je me suis longuement attardé à la bibliothèque de ce musée, qui renferme un grand nombre d’oeuvres des prix Nobel de littérature, certaines dans leur langue originale et d’autres traduites en arabe. Parmi les livres qui ont attiré mon attention, il y avait l’édition arabe des discours Nobel de tous les écrivains ayant obtenu le prix, publiée par l’Institution Nobel.

A ce jour, le prix Nobel de littérature a été décerné 110 fois à 114 lauréats, étant donné que dans les années 1904, 1917, 1966 et 1974, le prix a été attribué à deux écrivains. En 1964, Jean-Paul Sartre a refusé le prix pour ne pas « s’institutionnaliser », et en 1958, l’écrivain russe Boris Pasternak fut contraint de le refuser sous la menace soviétique. De même, quatre scientifiques ont refusé le prix.

Dans son testament qu’il rédigea en 1895, Alfred Nobel, industriel suédois et inventeur de la dynamite, a fait un legs à certains de ses proches et consacré la grande partie de sa fortune à la création du prix qui porte son nom. Dans ce document, dont je conserve une copie, il écrit : « De tout le restant de ma fortune réalisable, il sera disposé comme suivant : le capital réalisé en valeurs sûres par les liquidateurs constituera un fonds dont la rente sera annuellement distribuée à ceux qui, pendant l’année écoulée, auront rendu les plus éminents services à l’humanité ».

Alfred Nobel précise ensuite l’attribution de cette rente, divisée en cinq parts égales. Les trois premières concernent les domaines de la physique, de la chimie et de la physiologie ou de la médecine. La quatrième est à remettre « à celui qui, dans le domaine des lettres, aura produit l’oeuvre la plus haute dans le sens idéal » et la cinquième « à celui qui aura agi le plus ou le mieux pour la fraternité des peuples, pour la suppression ou la diminution des armées permanentes et pour la constitution ou la propagation des Congrès de la paix ».

Le donateur indique également les institutions chargées de la remise du prix: l’Académie des sciences de Suède (physique et chimie), l’institut Carolin de Stockholm (travaux physiologiques ou médicaux), l’Académie suédoise (prix littéraire) et « une commission de cinq membres, élus par le parlement norvégien » pour le Nobel de la paix. Mais il veut « qu’on ne s’inspire, pour l’attribution de ces prix, d’aucune considération de nationalité, afin que le plus digne reçoive la récompense, qu’il soit Scandinave ou non ».

Curieusement, lors de la première cérémonie de remise du prix en 1910 à Stockholm, le roi Oscar II, refusant de décerner un prix suédois à des étrangers non loyaux à la Suède, n’a pas remis les prix en personne. L’année suivante, il changea d’avis après avoir réalisé combien ce prix faisait une bonne publicité à son pays.

Autant je suis content de ce que j’ai vu dans ce musée saisonnier à Dubaï, autant je suis triste de constater l’enlisement du projet de la création du musée Naguib Mahfouz en Egypte. Dans la foulée de la disparition de l’écrivain en 2006, ce projet a été annoncé et un comité, dont j’ai eu l’honneur de faire partie, a été formé pour choisir l’emplacement idéal du futur musée dans le quartier natal de Mahfouz, au Vieux Caire. Le cinéaste Tewfiq Saleh, qui fut un ami proche de l’écrivain, a même été choisi directeur dudit musée. Au cours d’une série de réunions, le comité a élaboré un plan d’activités pour faire de ce projet un centre de rayonnement culturel tout au long de l’année. Mais 12 années sont passées depuis, sans que ce musée voie le jour. Quelle honte ! .

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