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La visite de Macron et la situation en Egypte

Mercredi, 30 janvier 2019

Le président emmanuel macron est le bienvenu en Egypte. Nous lui savons gré d’avoir fait cette visite malgré les imprévus de la situation politique en France. Nous aurions souhaité que le président Macron invite les différents centres de prise de décision et les instituts de politique étrangère à un grand débat sur la politique étrangère de la France envers l’Egypte.

On fera ici semblant que ce débat a lieu et qu’il nous est demandé une contribution. Au sud de la Méditerranée, nous avons l’impression que la France n’arrive pas à se débarrasser d’une sorte de pathologie, qui la pousse à vouloir changer le monde à son image. Tout ce qui n’est pas français n’est pas encore mûr pour être postmoderne. C’est ce mal, incurable semble-til, qu’aurait déjà détecté à son heure Léopold- Senghor du Sénégal, le poussant pudiquement à dire dans un contexte proche : « L’avenir réclame de chaque homme qu’il fasse l’effort d’écouter l’autre sans renoncer à ce qui fonde son identité ».

Les deux civilisations fondatrices de l’Europe moderne, à savoir l’hellénisme et la civilisation romaine sont des sous-produits de la civilisation égyptienne. Celle-ci reste pérenne aujourd’hui. Au cas où l’on en douterait, il est bon de rappeler que la cosmogonie gréco-romaine est calquée sur l’égyptienne, ou presque. Chaque dieu, demi-dieu, est un répondant d’un dieu égyptien. Référons-nous aux grands égyptologues, de Jean-François Champollion à Christianne Desroches Noblecourt.

Pour mieux élucider ce propos, disons que les Français regardent l’Egypte comme un musée dont les gardiens actuels sont les Egyptiens d’aujourd’hui qui n’appartiennent que vaguement à ceux d’autrefois. Aussi, pour un bon Français, l’égyptologie est une science française. Les hiéroglyphes ont été déchiffrés par Jean-François Champollion qui se considérait Egyptien, par sa mère naturelle. Jean Lacouture l’a bien explicité dans son grand ouvrage Une Vie de lumière. Nous n’irons pas jusqu’à disputer à la France la citoyenneté de Jean-François, ni sa contribution à l’égyptologie. Nous lui demandons seulement d’admettre, ne serait-ce que du bout des lèvres, que les égyptologues peuvent avoir d’autres nationalités, même égyptienne. Ce qui précède se résumerait ainsi. Les Egyptiens sont amoureux de la France, mais les Français ne voient les Egyptiens qu’à travers le prisme des idées reçues.

L’image que reflètent les médias français nous pousse à nous demander s’il existe une autre Egypte sur notre planète. Prenons l’exemple d’un grand journal français, naguère une référence mondiale en matière de politique internationale, et qui est le porte-parole d’une minorité qui veut « toiser » l’Egypte. Ce grand journal a représenté sur des pages entières le leader de notre pays avec les dictateurs de l’histoire ancienne et moderne. Nous ne reprochons rien à ceux qui déforment la réalité, alors qu’ils doivent s’en tenir à l’objectivité. Le journal a eu recours dernièrement à ce même jeu de photos avec le président Macron. N’empêche que le mal est fait et qu’une image reste ancrée dans les souvenirs.

Ce même brûlot, naguère grand journal, ne manque aucune occasion pour se lamenter sur le sort de la démocratie « naissante (!) » en Egypte. Son rédacteur en chef ne sait-il pas que la démocratie représentative est née en Egypte en 1879 ?

La démocratie n’est pas seulement obtenir la majorité des voix aux élections, c’est un ensemble d’institutions qui régulent l’exercice du pouvoir grâce aux lois et à la séparation des pouvoirs. Ces notions sont ancrées dans la mentalité collective égyptienne. L’Etat égyptien a toujours été attaché aux libertés et au droit depuis les pharaons comme en témoigne le très célèbre papyrus « le paysan éloquent » qui relate les tribulations d’un paysan spolié qui suit les étapes inscrites dans la loi, passe par tous les échelons jusqu’au pharaon et obtient finalement gain de cause.

Les médias en France ont repris dernièrement une information selon laquelle l’Egypte vient en dernière position sur la liste des pays qui respectent les droits de la femme. On se demande vraiment si l’Egypte dont on parle est celle qui est sur la planète Terre. Ces désinformations ont été certainement la raison pour laquelle un diplomate de haut rang d’une grande nation européenne a cru bon de commencer sa mission au Caire en faisant la promotion d’une association créée pour défendre la femme égyptienne, surtout contre le harcèlement. Le tapage médiatique a été immédiat partout en Europe.

Le harcèlement est un terme nouveau qui remplace ce qu’on appelait dans les années 1960 la drague. Rien n’a changé en France depuis sauf que les esprits chagrins ont pris le dessus pour défendre les « minorités ». Chez nous, rien n’a changé dans nos comportements. La gifle raisonnera celui qui dépasse les limites. La femme en Egypte a toujours eu un rôle de premier plan dans la vie politique, économique, sociale, administrative et familiale. Elle fut pharaon plusieurs fois jusqu’à Cléopâtre. Aux temps modernes, elle a été pilote d’avion en 1933. En France, la baronne Raymonde de Laroche n’a fait qu’un vol de quelques minutes, avant d’obtenir son brevet. En politique, Dorriya Chafiq, écrivaine, poètesse et éditrice, a obtenu en 1951, du roi Farouq, la promesse d’accorder le droit de vote aux femmes. Elle a fait irruption à l’hémicycle en pleine session, à la tête d’une grande manifestation.

La Révolution nassérienne de 1952 a inclus le droit de vote des femmes dans la Constitution de 1956. En France, ce droit a été accordé en 1944. En Suisse, sur le plan fédéral, en 1976. Tous les parlements égyptiens ont compté, depuis, une importante présence féminine. L’actuel compte 30 % de sièges féminins. La première femme ministre était Mme Hikmat Abou-Zeid en 1962. Elles sont 8 femmes dans le cabinet actuel sur 25 ministres.

Sur le plan scientifique, il suffit de dire que 40 % des professeurs de la seule Université du Caire sont des femmes. Samira Moussa, éminente femme de sciences, spécialisée dans le nucléaire, est morte aux Etats-Unis à l’âge de 37 ans dans des conditions mystérieuses semblables à celles de la mort du Dr Moustapha Mocharrafa, dont Einstein disait qu’il avait appris beaucoup de lui et l’appelait son ami.

La désinformation nous la connaissons bien, puisque la tradition populaire attribue à Bonaparte le crime d’avoir défiguré le Sphinx de Guiza en lui cassant le nez d’un coup de canon, ne pouvant pas supporter son énigmatique sourire et son regard défiant. Ce n’est bien sûr qu’une blague, dont nous sommes très friands en Egypte. Soyez les bienvenus chez nous Monsieur le président et Mme Macron.

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