Depuis l’annonce du retrait américain de Syrie par Donald Trump, le 19 décembre dernier, il semblerait qu’un bras de fer se soit engagé entre Israël et l’Iran. En l’espace de trois semaines, l’aviation israélienne a mené trois opérations en Syrie contre des cibles iraniennes. Selon le gouvernement israélien, un avion-cargo appartenant aux Gardiens de la révolution iraniens et « transportant des armes iraniennes » a été détruit, de même qu’un entrepôt d’armes dans la région ouest de Damas. Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a déclaré que son pays « défend sa sécurité en Syrie ». « Nous n’accepterons pas la présence iranienne en Syrie. Nous allons y faire face », a déclaré le chef du gouvernement israélien.
Israël mène depuis 2011 des frappes « préventives » contre des cibles de l’armée syrienne et du Hezbollah libanais en Syrie, mais l’annonce du retrait américain va inciter Tel-Aviv à multiplier ses interventions en Syrie. L’Etat hébreu craint en effet que le départ des Américains ne laisse les mains libres à l’Iran pour déployer ses forces en Syrie. Les Israéliens tentent d’ailleurs de convaincre leur allié américain d’annuler, ou du moins de reporter, son retrait de Syrie. Lors de sa récente visite en Israël, le conseiller à la sécurité nationale américain, John Bolton, a tenté de rassurer les Israéliens sur le fait que le retrait américain « ne se ferait pas aux dépens de la sécurité d’Israël ». D’ailleurs, Washington a donné carte blanche à Israël pour intervenir en Syrie contre des cibles iraniennes. Les frappes militaires israéliennes visent à transmettre un message selon lequel le retrait américain de Syrie « n’empêchera pas Tel-Aviv de frapper des cibles iraniennes ».
Israël craint qu’avec la victoire de Bachar Al-Assad en Syrie, son ennemi juré, le Hezbollah pro-iranien, ne soit en mesure de se rapprocher du plateau syrien du Golan, occupé par Israël depuis 1967 et considéré par ce dernier comme une zone tampon. En effet, la guerre en Syrie a permis pour la première fois au Hezbollah de sortir du cadre libanais et de devenir un acteur de premier plan dans le conflit syrien. Or, les règles, qui ont empêché, depuis 2006, le conflit entre le Hezbollah et Israël de dégénérer, ont disparu, ce qui favorise un nouveau conflit. L’axe Iran-Hezbollah pourrait ainsi réaliser un objectif stratégique important en atteignant les côtes de la Méditerranée. Toutes ces considérations ont incité Israël à multiplier ses interventions en Syrie.
Faut-il craindre un conflit généralisé ? Jusqu’à présent, les deux puissances régionales ont évité une confrontation directe, mais une escalade militaire « sérieuse » n’est pas exclue dans le contexte actuel et pourrait changer la donne en Syrie si les Américains n’intervenaient pas. Une telle escalade ne tient désormais qu’à une erreur de calcul de la part de l’une des deux puissances. Ensuite, il y a le risque d’une confrontation entre Israël et la Russie, qui opère en Syrie depuis 2015 au côté du régime de Bachar Al-Assad, même si les frictions entre Moscou et Tel-Aviv n’ont jamais dépassé le stade des critiques verbales, et même si les deux pays ont toujours évité de s’engager dans une telle confrontation. L’annonce d’un retrait américain de Syrie va sans doute changer les rapports de force en Syrie.
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