La récente visite en Turquie du conseiller américain à la sécurité, John Bolton, était censée régler les différends entre Washington et Ankara sur la Syrie. Mais il n’en fut rien. Bolton, arrivé dans la capitale turque à la tête d’une délégation sécuritaire de haut rang, comprenant notamment le chef d’état-major interarmes, le général Joseph Stanford, et l’émissaire spécial pour la Syrie, James Geffrey, est reparti « bredouille » ayant échoué à rencontrer le président turc, Recep Tayyip Erdogan. Ce dernier s’est abstenu, en effet, de recevoir les membres de la délégation américaine, et a dépêché le porte-parole de la présidence, Ibrahim Kalin, pour les recevoir à sa place.
La visite de Bolton visait à régler quelques différends entre Ankara et Washington au sujet de la situation en Syrie après le retrait américain attendu. Le président américain, Donald Trump, avait annoncé en décembre dernier un retrait des troupes américaines stationnées en Syrie. Or, l’Administration américaine craint que les troupes kurdes, qui ont aidé Washington dans la lutte contre Daech, ne soient mises en danger par la Turquie. D’où la visite de Bolton à Ankara. Les Américains proposent une nouvelle carte du nord de la Syrie délimitant clairement les zones de pouvoir dans cette région, de manière à éviter toute confrontation turcokurde. Le conseiller à la sécurité nationale a demandé à la Turquie l’engagement de ne pas s’en prendre aux troupes kurdes stationnées en Syrie en cas de retrait américain. Mais la réponse d’Erdogan a été sans appel. « Il n’est pas possible pour nous de faire des compromis sur cette question. La Turquie fera face à ces miliciens comme elle fait face aux djihadistes » de Daech, a assuré le président turc devant les députés de l’AKP, son parti.
Les relations turco-américaines sont-elles à nouveau sur la corde raide ? Pas vraiment. Erdogan, qui ne peut pas risquer une rupture totale avec Washington, tente de jouer sur les différends au sein de l’Administration américaine. « Bien que nous ayons conclu un accord clair avec le président Trump (au sujet de la Syrie), des voix s’élèvent au sein de l’Administration américaine pour compromettre cet accord », a-t-il déclaré devant des parlementaires turcs.
L’attitude d’Erdogan et son refus d’accéder aux demandes américaines sont inséparables de l’opportunisme politique du président turc et de son aventurisme habituel. A l’approche des élections locales en Turquie, prévues au mois de mars 2019, Erdogan tente de jouer à nouveau sur la question kurde pour soulever les sentiments patriotiques de l’électorat. L’annonce d’une nouvelle campagne turque au nord de la Syrie créerait en effet l’ambiance patriotique souhaitée par Erdogan en vue des élections. Par ailleurs, il est probable qu’Ankara veuille monnayer toute concession faite aux Américains et obtenir en échange des gains politiques « importants » comme l’éventuelle extradition du prédicateur turc Fethullah Güllen, qu’Ankara accuse d’être derrière le coup d’Etat manqué de juillet 2016. Mais face à l’aventurisme d’Erdogan, il y a aussi l’imprévisibilité de Donald Trump et son caractère hautement
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