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Le sujet non évoqué avec Mahmoud Abbas

Lundi, 07 janvier 2019

J’ai eu le plaisir de rencontrer le président palestinien, Mahmoud Abbas, à son arrivée au Caire la semaine dernière, même si je n’ai pas eu autant de plaisir à écouter son exposé réaliste et détaillé de la réalité palestinienne actuelle. Le président Abbas a présenté les faits sans édulcoration, dénombrant les obstacles qu’il a situés au niveau des Etats-Unis, d’Israël et du Hamas. Un tableau qui a semblé obscur et sans lueur d’espoir.

J’ai constaté que le président n’avait pas évoqué un quatrième niveau, celui du monde arabe où la cause palestinienne témoigne d’une régression sans précédent avec de hauts responsables israéliens effectuant des visites publiques inédites à des pays arabes qui leur étaient inaccessibles auparavant. Au cours de ces visites, l’hymne national israélien, l’Hatikva, est joué avec ses mots évoquant cet « espoir vieux de deux mille ans » sur la « terre de Sion et de Jérusalem », qui n’est rien d’autre que la terre arabe occupée. Ces évolutions incompréhensibles sont très loin de renforcer la position palestinienne.

Le sujet non évoqué avec Mahmoud Abbas
Mahmoud Abbas

Mais en réponse à mon interrogation, le président a affirmé qu’il ne souhaitait pas commenter la politique des pays arabes frères conformément au principe de non-ingérence, un principe qu’il observe également quand il s’agit des affaires palestiniennes internes. Je lui ai expliqué que ma question était pour savoir si de telles visites s’inscrivaient dans le cadre d’une médiation pour le règlement tant souhaité de la cause palestinienne. C’est en tout cas ce qu’ont dit certains dirigeants arabes. De manière directe, je lui ai demandé si l’un de ces dirigeants l’avait contacté pour lui proposer sa médiation. Le président a fermement répondu par la négative, ajoutant qu’il n’avait pas besoin d’une médiation à ce sujet du fait qu’il est en contact permanent avec les Israéliens qui représentent l’autorité d’occupation.

Quant à l’instauration de la paix, Mahmoud Abbas a affirmé qu’Israël ne cherchait pas la paix, sinon il l’aurait fait sans attendre de médiation. Il a ajouté que les Israéliens répétaient qu’ils étaient prêts à faire la paix, mais qu’en réalité, la paix serait destructrice pour Israël. « Il en est de même pour les Etats-Unis qui ne cherchent pas la paix non plus. Or, pour se concrétiser, la paix a besoin de la volonté de toutes les parties concernées », a-t-il poursuivi.

Au cours de cette rencontre qui a rassemblé un cercle restreint de journalistes et d’écrivains et à laquelle a assisté son conseiller Mahmoud El-Habach, le président Abbas a raconté que lors de sa dernière rencontre avec le président américain, Donald Trump, celui-ci avait reconnu être prêt à accepter autant la solution de deux Etats que celle d’un Etat unique. Le président Abbas lui a expliqué que cette dernière solution était impossible parce qu’il s’agirait d’un Etat de ségrégation raciale, inacceptable pour les Palestiniens, ou d’un Etat démocratique suivant le principe « un citoyen un vote », inacceptable pour Israël. C’est pourquoi il faut s’en tenir à la solution des deux Etats, et que l’Etat palestinien soit créé dans les frontières de 1967 (avec des modifications convenues) et qu’il ait pour capitale Jérusalem-Est. Le président Trump avait alors exprimé son acquiescement, sauf que moins de deux semaines plus tard, il annonçait la reconnaissance officielle de Jérusalem comme capitale d’Israël, invitant les autres pays à y transférer leurs ambassades. Ensuite, en décidant la suspension de la contribution américaine à l’Unrwa, Trump a considéré la cause palestinienne comme une affaire classée.

Le président palestinien dit avoir réalisé que les Etats-Unis, avec leur flagrant parti pris en faveur d’Israël, ne sauraient être un médiateur crédible. Sur ce, il a décidé de couper les ponts avec Washington.

Abbas a aussi longuement parlé de l’intransigeance d’Israël qui barre la route à toutes les tentatives de règlement, et du Hamas, une émanation des Frères musulmans, qui porte préjudice à la cause palestinienne. Il a affirmé que l’Autorité palestinienne verse au Hamas une somme mensuelle de 96 millions de dollars, sans rien obtenir en échange. Il a dit devoir reconsidérer cette situation. Concernant les prochaines élections législatives, le président a affirmé qu’elles devraient inclure Jérusalem, sinon elles n’auraient pas lieu.

En réponse à une question sur le prétendu « deal du siècle », le président palestinien s’est étonné de ceux qui continuent de parler d’un deal : « La Cisjordanie témoigne d’une activité de colonisation sans précédent depuis le début de l’occupation et la ville de Jérusalem-Est devenue, pour Israël et pour les Etats-Unis, la capitale éternelle d’Israël, peut-on toujours parler de deal ? »

Cela dit, le président palestinien a terminé la réunion sur une note positive qui nous a réconfortés. Il a parlé des progrès qui se réalisent au niveau de l’opinion publique internationale et israélienne. Il a raconté comment il a convaincu un jeune Israélien, membre du Likoud, de la justice de la cause palestinienne et comment ce jeune homme a été banni de son parti. Mahmoud Abbas a souligné la campagne de boycott qui vise Israël et qui gagne du terrain en Europe et jusqu’aux Etats-Unis. Il a rappelé que la guerre du Vietnam ne s’était pas terminée par la victoire des Vietnamiens, mais parce que l’opinion publique américaine avait réclamé d’y mettre fin. Il a également donné l’exemple du régime d’apartheid en Afrique du Sud, qui a chuté sous la pression de l’opinion publique mondiale et au sein même du pays. Selon Abbas, c’est là le domaine qui reste ouvert aux Palestiniens et où ils réalisent des progrès tous les jours.

Après cette rencontre, j’ai eu l’idée que tous les obstacles que le président Abbas a évoqués sont provisoires: ni Trump ni Netanyahu ne sont éternels; après leur départ, le Hamas sera affaibli et les rencontres amicales entre les dirigeants arabes et les responsables israéliens cesseront… Ou c’est du moins ce que je souhaite .

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