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L'Afrique, berceau de l'humanité

Dimanche, 02 décembre 2018

J’écris depuis l’Algérie où une très grande découverte scientifique a été annoncée jeudi 29 novembre. Il s’agit de traces de présence humaine de 2,4 millions d’années trouvées dans ce pays. Une découverte d’autant plus intéressante que d’après les scientifiques, les premiers peuplements humains préhistoriques se trouvent à Kouna en Ethiopie (2,6 millions d’années). Cette découverte, qui appartient à des chercheurs de différents pays, a été révélée par la célèbre revue américaine Science, considérée avec Nature, comme l’une des revues scientifiques les plus sérieuses au monde.

Dès la publication de la nouvelle, elle a été reprise par les agences de presse, les chaînes de télévision et les médias internationaux. Le lendemain, je l’ai trouvée dans Le Figaro (France), The Atlantic (Etats-Unis), The Guardian (Grande-Bretagne), El Pais (Espagne), La Stampa (Italie), et sûrement dans des dizaines d’autres journaux que je n’ai pas eu l’occasion de parcourir. J’ai cherché sur Internet pour voir ce que nos journaux ont publié sur cette découverte scientifique qui a eu des retentissements dans le monde entier, mais je n’ai rien trouvé, parce qu’apparemment, les médias égyptiens étaient plus préoccupés par la légitimité religieuse du partage égalitaire de l’héritage entre les hommes et les femmes.

Le ministre algérien de la Culture, Azzedine Mihoubi, qui est également un ami cher, m’avait invité à assisté à la célébration organisée au ministère pour honorer les chercheurs impliqués dans cette découverte. Une soirée à laquelle a également assisté le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Tahar Hadjar, (frère du diplomate Abdelkader Hadjar, ancien ambassadeur d’Algérie au Caire). La cérémonie était limitée aux discours officiels saluant le travail des scientifiques, après quoi le ministre m’a invité pour participer à la remise des certificats de distinction aux chercheurs. Enfin, on a tous écouté la conférence du professeur Mohamed Sahnouni, qui a dirigé l’équipe de recherche, avant de rencontrer les chercheurs français, australiens et espagnols qui ont travaillé avec leurs collègues algériens au Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques.

Le professeur Sahnouni a exposé des clichés des fossiles trouvés, il s’agit d’outils en pierre, taillés avec une précision qui ne peut être qu’humaine, et des ossements animaux présentant des traces de découpes. Ces outils étaient sûrement utilisés dans la chasse, l’égorgement et la découpe des animaux, comme le montrent les traces sur les os découverts sur le site de Ain Boucherit, à Sétif, dans le nord-est d’Algérie.

Mohamed Sahnouni m’a expliqué que cette importante découverte scientifique était le fruit de 20 ans de travail, les fouilles ayant commencé en 1998. Mais d’après lui, le plus difficile n’était pas les fouilles archéologiques, mais les recherches associées menées sur les outils et les ossements découverts pour déterminer leur âge. Les recherches effectuées en Espagne, en Australie et en France ont estimé leur âge à 2,4 millions d’années. Ce site est donc le deuxième plus ancien au monde, après celui de Kouna en Ethiopie, lequel remonte à 2,6 millions d’années et qui est considéré comme le berceau de l’humanité.

La théorie scientifique prédominante à ce jour indique que l’espèce humaine est apparue en Afrique de l’Est et s’est ensuite étendue sur le continent noir et de là au reste du monde. Or, la différence relativement petite entre l’âge des fossiles découverts en Ethiopie et ceux récemment découverts en Algérie favorise l’hypothèse d’origine multiple, à la fois en Afrique de l’Est et du Nord. D’où l’importance de cette découverte qui concerne non seulement l’Algérie, mais l’ensemble de l’humanité. D’après la revue Science, cette découverte est susceptible de modifier les théories dominantes concernant l’origine et l’évolution humaines.

Aujourd’hui, après ces découvertes, on a plus tendance à croire que l’espèce humaine est apparue sur plus d’un site en Afrique, avant de peupler progressivement l’Asie et l’Europe, il y a 600000 ou 700000 ans. Ainsi, une mâchoire humaine a été découverte, il y a quelques années dans les territoires palestiniens datant entre 177000 et 194000 ans.

J’ai demandé au professeur Sahnouni : Ne serait-il pas possible que les humains préhistoriques d’Ethiopie aient émigré vers l’Algérie? Il m’a répondu qu’en théorie oui, mais qu’il ne fallait pas oublier que l’homme à cet âge ne se déplaçait pas facilement. Il craignait les bêtes sauvages et la nature, en plus, il n’avait d’autres moyens de transport que ses jambes, pour traverser les fleuves et escalader les montagnes dans la chaleur de l’été et le froid de l’hiver. L’Afrique de l’Est n’est donc pas le berceau exclusif de la civilisation humaine comme nous l’avions imaginé. Les découvertes se sont étendues sur plus d’un lieu de ce continent mère, ce qui assure que les découvertes de Ain Boucherit prouvent que la civilisation humaine a commencé bel et bien en Afrique, mais sur plus d’un endroit en parallèle .

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