Annoncé le 20 septembre 2017 lors d’une réunion de haut niveau organisée en marge de l’Assemblée générale des Nations-Unies, le plan onusien pour la Libye est en faillite. Ce plan prévoyait des modifications limitées de l’accord de Skhirat du 17 décembre 2015, ainsi que la tenue d’une conférence nationale et d’élections présidentielle et législatives pour mettre fin à la période de transition avant la fin de 2018. Jusqu’à présent, aucune des étapes du plan, décrit comme trop ambitieux, n’a réussi. Plus d’un an plus tard, les Nations-Unies espèrent toujours pouvoir organiser une conférence nationale au début de l’année prochaine afin de résoudre les problèmes en suspens avant les élections générales prévues au mois de juin 2019. Mais cette ambition est toujours confrontée aux mêmes défis.
En 2018, il était clair que la France et l’Italie se disputaient l’influence en Libye. Chacun de ces deux pays a organisé sa conférence internationale avec la participation de représentants internationaux de haut niveau afin de persuader les parties libyennes de faire avancer le processus politique et de tenir des élections générales pour rétablir la légitimité des institutions nationales disputées. Mais aucun d’eux n’a atteint son objectif, bien au contraire, la France et l’Italie ont contribué à saper le plan des Nations-Unies, mettant à jour les divergences internationales et régionales sur la nature des arrangements politiques et sécuritaires souhaités en Libye. Une situation qui rend difficile toute avancée sur la voie du règlement, étant donné que les acteurs de la crise libyenne, qui dépendent du soutien de leurs partenaires internationaux et régionaux respectifs, ne se sentent pas obligés de faire des concessions pour sortir de l’impasse politique qui perdure depuis 2014.
Ainsi, les affrontements meurtriers, qui ont éclaté le 26 août dans la ville de Tripoli et qui ont duré un mois, ont été une conséquence logique de cette tension persistante, de la perte de confiance entre les parties libyennes et de la domination des institutions étatiques par les groupes armés. Ces affrontements se sont soldés par des dizaines de morts, des centaines de blessés, des milliers de familles déplacées outre les dommages matériels en termes de biens publics et de propriétés privées, de quoi aggraver une situation humanitaire déjà détériorée.
Ces affrontements sanglants, malgré leur horreur, ont aidé à placer le dossier sécuritaire en tête des priorités de la mission de soutien des Nations-Unies en Libye. Celle-ci a parrainé un dialogue entre groupes armés pour élaborer de nouveaux arrangements sécuritaires dans la ville de Tripoli avec pour objectif le retrait des milices loin des institutions souveraines et leur remplacement par les forces régulières. Ces arrangements s’inscrivent dans le cadre d’un ensemble de mesures ambitieuses comprenant également des dispositions économiques comme l’ajustement du taux de change, des subventions et allocations, ainsi que le renforcement du secteur privé.
D’après l’émissaire onusien, Ghassan Salamé, ces réformes visent à éliminer les distorsions de l’économie nationale et à priver les groupes armés de leurs sources de financement. Ces milices avaient réussi à contrôler les institutions économiques et financières sous prétexte de garantir leur sécurité.
Lors de son dernier briefing devant le Conseil de sécurité des Nations-Unies le 8 novembre, M. Salamé a annoncé son intention d’organiser une conférence nationale inclusive en janvier prochain. Il s’agit de réunir tous les représentants des forces politiques, sociales et sécuritaires dans une sorte d’assemblée constitutive. Celle-ci aura pour mission de légitimer le gouvernement de Fayez Al-Sarraj et de faire pression sur les institutions législatives pour organiser des élections législatives et présidentielle afin de clore la phase de transition.
Mais malgré le consensus international sur le maintien de l’accord de Skhirat en tant que document de base du processus politique en Libye jusqu’à la fin de la période de transition, les récents développements en matière de sécurité dans la capitale et l’incapacité de la Chambre des représentants à Tobrouk de mettre en oeuvre ses engagements contenus dans l’accord politique, ainsi que les ingérences extérieures ont vidé cet accord de son contenu.
C’est face à cette situation que l’émissaire onusien parle de la nécessité d’un nouvel accord politique accepté par toutes les parties libyennes. Or, ces mêmes parties sont toujours incapables de présenter une solution consensuelle, et encore moins de se mettre d’accord sur le projet de Constitution voté en juillet 2017. Les conclusions qui sortiront de la conférence nationale, prévue en janvier prochain, constitueraient un programme de travail pour le pouvoir exécutif jusqu’à la tenue des élections générales. Cette conférence fournira donc en quelque sorte une alternative à l’accord de Skhirat.
De leur côté, les Nations-Unies devront convaincre les acteurs internationaux de se mettre d’accord sur la crise libyenne tout en prenant des mesures plus strictes à l’égard de ceux qui tentent de contrecarrer le processus politique. De même, l’Onu devra veiller à ce que les Libyens respectent les conclusions de cette conférence, sinon celle-ci risque de trouver le même sort que les initiatives précédentes.
Il convient de noter que les légitimités dans la Libye de ces quatre dernières années sont des légitimités du fait accompli, consacrées par la force des armes. Changer cette réalité ne sera pas une tâche facile, surtout avec la disponibilité des armes et la faiblesse du pouvoir central.
Ce dont la Libye a besoin c’est d’instaurer la confiance entre les différents protagonistes de la crise, lesquels doivent accepter des concessions pénibles pour relancer le processus politique et la réconciliation nationale.
Envisager un changement des personnes au pouvoir ne fera que compliquer davantage la situation. Ce qu’il faut faire avant les élections c’est consolider les institutions nationales, remplacer le dialogue des armes par un dialogue politique et améliorer les conditions de vie de la population.
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