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La Libye de l’après-Skhirat

Dimanche, 25 novembre 2018

Annoncé le 20 septembre 2017 lors d’une réunion de haut niveau organisée en marge de l’As­semblée générale des Nations-Unies, le plan onusien pour la Libye est en faillite. Ce plan pré­voyait des modifications limitées de l’accord de Skhirat du 17 décembre 2015, ainsi que la tenue d’une conférence nationale et d’élections présidentielle et législa­tives pour mettre fin à la période de transition avant la fin de 2018. Jusqu’à présent, aucune des étapes du plan, décrit comme trop ambi­tieux, n’a réussi. Plus d’un an plus tard, les Nations-Unies espèrent toujours pouvoir organiser une conférence nationale au début de l’année prochaine afin de résoudre les problèmes en suspens avant les élections générales prévues au mois de juin 2019. Mais cette ambition est toujours confrontée aux mêmes défis.

En 2018, il était clair que la France et l’Italie se disputaient l’influence en Libye. Chacun de ces deux pays a organisé sa confé­rence internationale avec la partici­pation de représentants internatio­naux de haut niveau afin de persua­der les parties libyennes de faire avancer le processus politique et de tenir des élections générales pour rétablir la légitimité des institutions nationales disputées. Mais aucun d’eux n’a atteint son objectif, bien au contraire, la France et l’Italie ont contribué à saper le plan des Nations-Unies, mettant à jour les divergences internationales et régionales sur la nature des arran­gements politiques et sécuritaires souhaités en Libye. Une situation qui rend difficile toute avancée sur la voie du règlement, étant donné que les acteurs de la crise libyenne, qui dépendent du soutien de leurs partenaires internationaux et régio­naux respectifs, ne se sentent pas obligés de faire des concessions pour sortir de l’impasse politique qui perdure depuis 2014.

Ainsi, les affrontements meur­triers, qui ont éclaté le 26 août dans la ville de Tripoli et qui ont duré un mois, ont été une conséquence logique de cette tension persistante, de la perte de confiance entre les parties libyennes et de la domina­tion des institutions étatiques par les groupes armés. Ces affronte­ments se sont soldés par des dizaines de morts, des centaines de blessés, des milliers de familles déplacées outre les dommages matériels en termes de biens publics et de propriétés privées, de quoi aggraver une situation huma­nitaire déjà détériorée.

Ces affrontements sanglants, malgré leur horreur, ont aidé à pla­cer le dossier sécuritaire en tête des priorités de la mission de soutien des Nations-Unies en Libye. Celle-ci a parrainé un dialogue entre groupes armés pour élaborer de nouveaux arrangements sécuri­taires dans la ville de Tripoli avec pour objectif le retrait des milices loin des institu­tions souveraines et leur remplace­ment par les forces régulières. Ces arrangements s’inscrivent dans le cadre d’un ensemble de mesures ambi­tieuses comprenant également des dispositions économiques comme l’ajustement du taux de change, des subventions et allocations, ainsi que le renforcement du secteur privé.

D’après l’émissaire onusien, Ghassan Salamé, ces réformes visent à éliminer les distorsions de l’économie nationale et à priver les groupes armés de leurs sources de financement. Ces milices avaient réussi à contrôler les institutions économiques et financières sous prétexte de garantir leur sécurité.

Lors de son dernier briefing devant le Conseil de sécurité des Nations-Unies le 8 novembre, M. Salamé a annoncé son intention d’organiser une conférence natio­nale inclusive en janvier prochain. Il s’agit de réunir tous les représen­tants des forces politiques, sociales et sécuritaires dans une sorte d’as­semblée constitutive. Celle-ci aura pour mission de légitimer le gou­vernement de Fayez Al-Sarraj et de faire pression sur les institutions législatives pour organiser des élections législatives et présidentielle afin de clore la phase de transi­tion.

Mais malgré le consensus international sur le maintien de l’ac­cord de Skhirat en tant que document de base du processus politique en Libye jusqu’à la fin de la période de transi­tion, les récents déve­loppements en matière de sécurité dans la capitale et l’in­capacité de la Chambre des repré­sentants à Tobrouk de mettre en oeuvre ses engagements contenus dans l’accord politique, ainsi que les ingérences extérieures ont vidé cet accord de son contenu.

C’est face à cette situation que l’émissaire onusien parle de la nécessité d’un nouvel accord poli­tique accepté par toutes les parties libyennes. Or, ces mêmes parties sont toujours incapables de présen­ter une solution consensuelle, et encore moins de se mettre d’accord sur le projet de Constitution voté en juillet 2017. Les conclusions qui sortiront de la conférence natio­nale, prévue en janvier prochain, constitueraient un programme de travail pour le pouvoir exécutif jusqu’à la tenue des élections géné­rales. Cette conférence fournira donc en quelque sorte une alterna­tive à l’accord de Skhirat.

De leur côté, les Nations-Unies devront convaincre les acteurs internationaux de se mettre d’ac­cord sur la crise libyenne tout en prenant des mesures plus strictes à l’égard de ceux qui tentent de contrecarrer le processus politique. De même, l’Onu devra veiller à ce que les Libyens respectent les conclusions de cette conférence, sinon celle-ci risque de trouver le même sort que les initiatives précé­dentes.

Il convient de noter que les légi­timités dans la Libye de ces quatre dernières années sont des légitimi­tés du fait accompli, consacrées par la force des armes. Changer cette réalité ne sera pas une tâche facile, surtout avec la disponibilité des armes et la faiblesse du pouvoir central.

Ce dont la Libye a besoin c’est d’instaurer la confiance entre les différents protagonistes de la crise, lesquels doivent accepter des concessions pénibles pour relancer le processus politique et la réconci­liation nationale.

Envisager un changement des personnes au pouvoir ne fera que compliquer davantage la situation. Ce qu’il faut faire avant les élec­tions c’est consolider les institu­tions nationales, remplacer le dia­logue des armes par un dialogue politique et améliorer les condi­tions de vie de la population.

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