Les tensions entre la Russie et Israël, qui ont perduré pendant une semaine, semblent s’apaiser sans événements majeurs, mais en réalité, le feu couve sous les cendres. Ce feu sert à mijoter de nouvelles alliances plus solides que celles qui ont existé jusquelà. Ceci est aussi bien vrai pour l’alliance entre la Russie et l’Iran, qui s’est fragilisée au cours des trois dernières années, que pour l’alliance américaine avec certains pays arabes.
Israël a refusé de reconnaître la responsabilité de ses quatre F16 accusés par Moscou d’avoir abattu le 18 septembre un avion Illiouchine-20 russe près de Lattaquié. Au lieu de chercher à apaiser la Russie, Israël a manifesté son embarras des décisions que celle-ci a prises en réaction à cet incident.
Israël a voulu montrer, ne serait-ce qu’en théorie, qu’il était capable de tenir sur le terrain face à la réaction de la Russie et que les déclarations de son commandant de l’armée de l’air en réponse aux menaces de la Russie sont à prendre au sérieux. Ces déclarations ont été faites lors de la rencontre à Moscou du responsable israélien avec son homologue russe quelques jours après cet incident.
Interviewé par la chaîne américaine CBC le dimanche 30 septembre, le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, a déclaré que l’aviation israélienne continuerait à bombarder la Syrie indépendamment de la volonté de la Russie, et qu’elle détruirait les avions russes qui lui feraient obstacle. « Si la Russie dispose d’une base aérienne forte de 80 avions en Syrie, Israël dispose de 63 bases aériennes et d’un millier d’avions de chasse des plus modernes. Les pilotes israéliens sont plus performants que leurs homologues syriens, français, anglais ou russes », a-t-il ajouté. Et de poursuivre : « C’est Israël qui a la suprématie aérienne grâce à son équipement moderne et ses pilotes d’élite, et pas les Russes dont l’expérience se limite au bombardement des camps terroristes ».
Une heure après, la réponse est arrivée sur la télévision russe. Au journal du soir, le ministre russe de la Défense est intervenu avec le commandant de l’armée de l’air. Pendant 12 minutes, ils ont expliqué qu’ils avaient les meilleurs pilotes et que la Russie, avec son aviation, ses missiles balistiques et ses sous-marins nucléaires, était capable de détruire Israël complètement en l’espace de trois heures.
Une escalade verbale sans précédent et qui augure de la fin inévitable des ententes entre la Russie, les Etats-Unis et Israël sur la Syrie. Ces ententes conclues au fil des visites à Moscou du chef du gouvernement israélien, ainsi que lors de la rencontre l’été dernier à Helsinki des présidents Donald Trump et Vladimir Poutin et dont les deux principes guides étaient la sécurité d’Israël et le retrait iranien de la Syrie. Israël avait donc le feu vert pour mener des frappes contre des cibles iraniennes et du Hezbollah à l’intérieur de la Syrie, à condition de prévenir la Russie pour éviter une trop grande proximité avec les avions russes. De son côté, la Russie s’est engagée à éloigner les Iraniens à 100 km de la frontière israélienne avec la Syrie. La fin de ces ententes est s u s c e p t i b l e d’empêcher Israël d’effectuer de nouveaux raids aériens en Syrie, ce qui représenterait une victoire pour les Iraniens. Plus important encore, la Russie serait plus encline à renforcer la coordination avec l’Iran et ses alliés en Syrie, notamment après les déclarations de John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale du président américain, selon lesquelles les Etats-Unis resteront en Syrie tant que Téhéran y gardera une présence. En d’autres termes, les Américains sont déterminés à saboter le projet russe en Syrie. Face à cette situation, la Russie n’aura pas d’autre choix que de se rapprocher de l’Iran et des tentacules iraniens en Iraq et en Syrie. Parallèlement, les Etats- Unis sont en passe de former une alliance, voire une coalition pour « contrer les menaces iraniennes », surtout après les menaces proférées par la Garde révolutionnaire contre « Washington et ses alliés » en réaction à l’attaque terroriste perpétrée lors du défilé militaire en Iran.
En marge des travaux de l’Assemblée générale de l’Onu, le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, s’est réuni à New York avec les chefs de la diplomatie de l’Egypte, de la Jordanie et des pays du Conseil de coopération du Golfe. D’après le communiqué publié à l’issue de la réunion, les participants étaient d’accord sur l’importance de faire face aux « menaces iraniennes » qui visent la région et les Etats-Unis. Il s’agit là de deux trajectoires opposées qui s’imposent et qui sont susceptibles de reproduire la polarisation internationale sur les territoires arabes. Or, historiquement, ce sont les peuples arabes qui ont payé le prix onéreux de cette polarisation .
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