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Le pari difficile d’Ankara

Monday 24 sept. 2018

Après plusieurs semaines de négociations, la Russie et la Turquie sont finalement parvenues à un accord au sujet de la ville syrienne d’Idleb. Cette ville de trois millions d’habitants, dernier fief rebelle en Syrie, était censée faire l’objet d’une vaste offensive du régime syrien et de son allié russe, pour chasser les rebelles. Or, la Turquie, l’un des principaux acteurs impliqués dans le conflit syrien, était opposée à l’offensive.

L’accord stipule la création d’une zone démilitarisée de 15 à 20 kilomètres de profondeur, entre les positions rebelles et celles de l’armée syrienne sur la ligne de contact. Toutes les armes lourdes devront être évacuées de cette zone dans un délai d’un mois. Celle-ci sera alors occupée par l’armée turque et la police militaire russe.

Cet accord turco-russe est venu comme une surprise. Il y a à peine quelques semaines, les présidents russe et turc, Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan, avaient étalé leurs divergences sur la Syrie, lors d’un sommet à Téhéran les ayant réunis avec le président iranien, Hassan Rohani.

En concluant cet accord, Vladimir Poutine voulait sans doute ménager son homologue turc. Durant les huit derniers mois, le président russe a bâti des relations très étroites avec Erdogan, au grand dam des alliés au sein de l’Otan et de la Turquie. Le chef du Kremlin ne veut visiblement pas que la Turquie revienne dans le camp occidental. Il en profite au passage pour se présenter dans la région comme le « partisan de la paix » et comme « l’interlocuteur crédible qui entretient de bonnes relations avec tout le monde ».

Le souci d’Erdogan de stopper l’offensive du régime sur Idleb est dû à sa crainte d’un exode massif de réfugiés syriens sur le territoire turc. Mais ce n’est pas tout. Ankara veut garder Idleb comme carte de pression sur le régime de Bachar Al-Assad. Depuis toujours, la Turquie a soutenu la rébellion djihadiste contre le régime de Damas. Le chef de l’Etat turc veut que les régions proches des frontières turques en Syrie soient contrôlées par des éléments pro-turcs. Pour Erdogan, perdre Idleb c’est perdre l’influence turque en Syrie.

Erdogan est confronté à présent à un grand dilemme. Il doit évacuer les rebelles d’Idleb avec leurs armes lourdes dans un délai d’un mois. Une tâche difficile surtout que le principal groupe djihadiste Hayat Tahrir Al-Cham (l’Organisation de libération du Levant, anciennement le Front Al-Nosra) a fait savoir qu’il s’opposait à l’accord turco-russe, et qu’il refusait de quitter la ville. Idleb compte, selon les estimations, plus de 50000 combattants, répartis entre l’Organisation de libération du Levant et d’autres groupes djhadistes et rebelles. Erdogan va-t-il réussir son pari? Rien n’est moins sûr. Une chose est sûre, la quasi-victoire du régime de Damas sur les rebelles ne fait pas le jeu d’Ankara.

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