Malgré les progrès réalisés par les 9 parties réunies récemment à Addis-Abeba, parmi lesquels l’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie, il n’en demeure pas moins que l’inquiétude persiste dans les rangs de l’opinion publique égyptienne. Cette dernière attend de voir quel sera son quota dans les eaux du Nil. La part actuelle de l’Egypte couvre à peine la moitié des besoins effectifs de l’Egypte en eau. Et ce, bien que Le Caire ait rationalisé, à plusieurs reprises, sa consommation d’eau.
L’inquiétude de l’opinion publique revient au fait que l’Ethiopie n’a pas encore approuvé le rapport des bureaux techniques chargés d’évaluer l’impact du barrage. Il a été déclaré, par contre, que les trois pays enverraient leurs remarques de manière périodique aux deux bureaux de consultation.
En somme, les réunions se sont soldées par la signature d’un document considéré comme complémentaire à l’accord de principe adopté par les trois pays. Les ministres, de leur côté, ont affirmé que les trois Etats se sont engagés à accepter la déclaration de principe signée à Khartoum en mars 2015. Il a été convenu premièrement de tenir un sommet tripartite périodique regroupant les chefs d’Etat de l’Egypte, de l’Ethiopie et du Soudan et qui se tiendrait par alternance dans chacune des capitales. Deuxièmement, les trois parties ont décidé de créer un fond destiné aux projets de coopération mutuelle. Ce fonds aura pour mission de faire des propositions en matière de coopération et de développement. En ce qui concerne le rapport du bureau de consultation, le président en exercice du comité technique tripartite prendra en charge, exceptionnellement, la collecte des remarques relatives au projet.
La réponse du bureau de consultation aux remarques soudanaises et éthiopiennes devra se faire dans un délai de 3 semaines. Les concertations se feront dans une deuxième étape par le bureau de consultation dans le cadre d’une réunion ministérielle technique tripartite au Caire dans un délai d’une semaine. Suite à cette réunion, une rencontre aura lieu entre les trois Etats au Caire, les 18 et 19 juin 2018, en présence du bureau de consultation, afin de réviser le rapport du comité technique tripartite.
Les trois parties se sont mises d’accord sur la formation d’un groupe scientifique indépendant, afin d’étudier les possibilités de soutenir les initiatives de coopération tripartite. Ce groupe aura la responsabilité d’examiner les multiples scénarios qui soutiennent le principe d’une répartition équitable des ressources hydriques. Il lui incombera également de barrer la route à n’importe quel préjudice. Ce groupe rassemblera 15 membres, et chacun des trois parties devra proposer 5 candidats.
Ce groupe tiendra 9 réunions sur trois jours à l’issue desquelles les résultats des discussions seront publiés dans un délai de 3 mois, le 15 août 2018 au plus, pour qu’ils soient examinés par les ministres de l’Irrigation des trois pays avant qu’il ne soit soumis à la réunion des 9 membres.
Dans ce contexte, nous remarquons que les questions de remplissage, de répartition et de stockage de l’eau, à propos desquelles il y a des divergences, ont été ajournées. Il y a eu une proposition qu’une commission nationale indépendante soit créée pour tenter de briser cet obstacle qui a entraîné l’échec de 17 séances de négociations durant les trois dernières années. Le comité proposé est un comité scientifique. L’inexistence de clauses engageant l’Ethiopie à coopérer pendant la phase de construction avec les deux bureaux de consultation, Artilia et BRL qui sont chargés de transmettre les interrogations de l’Egypte et du Soudan, est un grand échec. En effet, l’Egypte est l’un des pays les plus préjudiciés par le barrage de la Renaissance.
L’Egypte a adopté une politique qui repose sur la coopération avec l’Ethiopie depuis le début de la crise, pour contrer les rumeurs selon lesquelles Le Caire s’oppose aux tentatives éthiopiennes de développement. Tout porte à croire que cette politique reste prédominante. Le Caire tente en effet d’établir des investissements dans le domaine des infrastructures avec les deux autres pays à travers le fonds réservé à cette fin. Le Caire a également promis de mettre en place une zone industrielle au cours de la visite au Caire de l’ex-premier ministre éthiopien, Hailemariam Desalegn. Mais, selon toute vraisemblance, cette tactique égyptienne ne suffit pas pour apaiser l’avidité éthiopienne, surtout à la lumière des bonnes relations entre l’Ethiopie et les capitales occidentales et Israël, lui assurant un flux d’investissement dans les domaines de l’agriculture et de l’infrastructure.
En tout cas, la poursuite des tergiversations éthiopiennes et le fait que Le Caire, gouvernement et peuple, est conscient que l’objectif est de l’entraîner vers plus d’escalade expliquent la prudence de l’Egypte dans ce dossier épineux. Les Egyptiens, eux, doivent continuer à faire preuve de patience, comme ils l’ont fait tout au long de leur longue civilisation .
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