Le public confond souvent entre le poste officiel qu’un artiste occupe, et son statut original d’artiste. Certains vont jusqu’à prétendre que c’est ce statut qui confère une valeur à son art. Pourtant, les apports d’un véritable artiste se poursuivent même des années après son départ du poste. C’est le cas de l’artiste Farouk Hosni, une incarnation de cette confusion. Farouk Hosni a été une célébrité pendant les 23 ans au cours desquels il avait occupé le portefeuille de la Culture. Il a même été l’un des ministres les plus influents pendant les cabinets successifs dans lesquels il avait préservé son poste. Durant toutes ces années, Hosni a réussi à s’attacher à son art et n’a pas permis à ses nombreuses responsabilités de ministre d’influencer sa vocation d’artiste. Une tâche qui n’est certes pas des plus faciles.
Bien que l’itinéraire de Farouk Hosni ait débuté bien avant qu’il ne devienne ministre — c’est un artiste renommé depuis les années 1970 qui avait organisé de nombreuses expositions en Egypte comme à l’étranger —, d’aucuns prétendaient que son statut de ministre était derrière cette célébrité. Or, 7 ans après avoir quitté son poste et son influence politique, son exposition actuelle à la salle Picasso East connaît un attrait incroyable auprès du public. Nombre d’amateurs et de collectionneurs d’art n’ont pas raté le rendez-vous. En outre, Hosni s’apprête actuellement à tenir deux autres expositions au Koweït et à Bahreïn.
Dans sa nouvelle exposition, il s’attache à son style abstrait. Un journaliste m’a demandé ce que je comprenais des tableaux devant lesquels je m’arrêtais longtemps. Je lui ai répondu que rien n’est à comprendre des tableaux, on les sent. C’est la règle à suivre dans tous les arts. Malheureusement, nous sommes toujours épris des arrière-plans littéraires, et nous considérons le tableau comme un roman littéraire en train de nous narrer une histoire. Ce n’est pas correct car certaines oeuvres littéraires ne comptent plus sur la narration, et ceci s’applique aux tableaux. Ce qui compte surtout ce sont les sentiments qu’ils suscitent chez le récepteur. L’école abstraite a justement pour objectif de peindre des tableaux qui révèlent l’aptitude à provoquer différents sentiments chez ceux qui les observent, et ce, à partir de couleurs, de traits. Souvent, je trouve dans des peintures de Farouk Hosni la mer d’Alexandrie, le ciel du Caire ou le désert qui les sépare. Le critique d’art français Michel Nuridsani avait d’ailleurs écrit dans Le Figaro que les peintures de Farouk Hosni reflètent une lumière spéciale, celle de l’Egypte.
C’est probablement cette lumière émanant de l’Egypte qui est à l’origine de la relation de Hosni avec son public. Il a réussi à travers son « égyptianité » à donner une place à l’abstrait dans l’art égyptien et arabe, comme personne avant lui. Bien qu’il eût des prédécesseurs dans l’art abstrait au cours de la première moitié du XXe siècle, à l’exemple de Ramsès Younan, de Fouad Kamel et de Mounir Kenaan, aucun d’eux n’a tenté de sensibiliser le public à l’art de l’abstrait, qu’il ne considère plus comme de simples traits chiffonnés sur un brouillon. Hosni a récemment déclaré au cours d’un entretien que les gens avaient enfin compris l’abstrait, devenu aujourd’hui une école à part entière en Egypte.
De l’art, passons à la société. Farouk Hosni a réussi à créer auprès du public le goût de l’art moderne. Qu’en est-il du rôle des responsables ? Pourquoi ignorer le goût dans les constructions, bien que cela soit dans l’intérêt du pays ?
Il était auparavant interdit de construire dans les quartiers cairotes surpeuplés. Ce qui avait protégé certains quartiers résidentiels, comme Maadi. Or, cette décision avait une durée limitée et n’est plus valide depuis le 31 janvier 2018. On ignore le caractère temporaire de cette décision. Aujourd’hui, on fait donc marche arrière, au grand bonheur des entrepreneurs qui font fortune en s’acquérant des anciennes villas, en les démolissant et en construisant à la place d’énormes tours. Des villas qui étaient caractéristiques du quartier de Maadi.
Je m’adresse au gouverneur du Caire, Atef Abdel-Hamid, pour lui dire que les raisons qui étaient derrière la précédente décision sont toujours les mêmes. Les services ne se sont pas améliorés à Maadi, au contraire, ils se sont plutôt détériorés et le quartier ne peut supporter plus de constructions. Ce serait un danger pour les infrastructures.
Les seuls bénéficiaires sont aujourd’hui les entrepreneurs. Mais qu’en est-il de l’intérêt des habitants, qui voient leur quartier se détériorer année après année, malgré les efforts indéniables déployés conjointement par le chef du quartier et par les habitants? J’appelle M. le gouverneur à intervenir avant que le quartier ne soit totalement démoli.
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