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Kennedy et Nasser

Mardi, 16 janvier 2018

J’ai rapporté une série de livres de mon dernier séjour à Paris au mois de décembre. Le plus intéressant est certainement le roman de Marc Dugain Ils vont tuer Robert Kennedy. Cet écrivain s’est spécialisé dans la recherche dans les événe­ments historiques pour en sortir avec de nouveaux résultats minutieusement justifiés. La lecture de ce roman correspondait avec l’approche du cente­naire de la naissance de Nasser. C’est ainsi que m’est apparu un lien entre le leader arabe et les résultats auxquels est parvenu l’auteur dans son roman. Un lien qui n’a même pas effleuré l’esprit de l’auteur et auquel je ne m’attendais pas moi-même. Le roman se base sur l’idée que l’assassinat de Robert Kennedy en 1968 représente le prolon­gement de l’assassinat de son grand frère John Kennedy, cinq ans plus tôt. Selon Dugain, les deux attentats auraient été exécutés conformément à un plan parfait, dont les réalités n’ont pas encore été révélées, et dont les véritables auteurs restent inconnus. Il est convaincu que ce n’est ni Harvey Oswald qui a tué John Kennedy, ni Sirhan Bechara Sirhan qui a tué Robert Kennedy. La preuve pré­sentée par Dugain est que le président américain a été tué par une balle lui venant de l’avant, alors qu’il saluait les foules dans une voiture décapo­table à Dallas, alors que Harvey Oswald se trouvait derrière le cortège au moment de l’attentat. Pour ce qui est de son jeune frère, il aurait été tué à Las Vegas par une balle dans le cou venant de l’arrière, alors que Sirhan, le jeune Palestinien accusé, l’avait affronté de l’avant. Dans les deux cas, les deux accusés ont été tués peu de temps après pour éviter toute véritable investigation ou tout interro­gatoire. Le but des deux assassinats serait le même, celui d’avorter la nouvelle tendance politique représentée par le président John Kennedy et adop­tée par la suite par son jeune frère Robert qui, lors de son assassinat, était à deux pas du siège de la présidence. John Kennedy représentait une nou­velle tendance dans la politique américaine en opposition avec la tendance conservatrice du Parti républicain. Cette tendance était même plus évo­luée et plus ouverte que les positions du Parti démocrate auquel il appartenait.

J’ai dernièrement eu l’occasion de lire les corres­pondances entre John Kennedy et Nasser entamées sur l’initiative de ce premier. J’y ai découvert une volonté évidente du président américain de se rap­procher de la partie arabe et de comprendre son point de vue dans le conflit arabo-israélien. Nasser a expliqué à Kennedy que la cause palestinienne était à l’origine de ce conflit, mettant l’accent sur les vérités que la politique étrangère américaine avait toujours ignorées, pour des considérations électorales internes que Nasser n’a pas hésité à mentionner.

Le grand journaliste Mohamad Hassanein Heikal a été le premier à révéler ces correspondances. Il en a publié deux ou trois lettres. Cependant, j’ai découvert que les lettres échangées entre les deux présidents s’élevaient à plus d’une dizaine. En plus, d’autres lettres dans lesquelles Kennedy demandait l’opinion du président égyptien dans certaines questions relatives aux pays du tiers-monde comme les questions d’indépendance, notamment la cause du Congo. En 1963, l’année où Kennedy a été assassiné, l’entente entre les deux présidents avait atteint un stade sans précé­dent dans l’histoire de leurs relations. Dans une lettre datée du 16 août de la même année, Kennedy écrivait à Nasser: « Vu que les relations entre nos deux pays se basent sur la coopération fructueuse et l’entente réciproque, je pense que nous sommes parvenus à une conviction que les problèmes qui naissent entre nous peuvent toujours être discutés en toute franchise et en toute confiance. Je suis d’accord avec vous que les origines des différends resteront toujours entre nous, à cause des circons­tances de chacun ou à cause des pressions exercées par les autres forces. Cependant, l’entente réci­proque permettra de garder ces différends dans les limites qu’il ne faut pas dépasser. Selon cette logique et dans le cadre de cette entente, M. le président, j’ai demandé à l’ambassadeur Badeau de discuter avec vous certaines questions de grande importance pour nous deux. Je suis convaincu que vous découvrirez, grâce à votre vigilance, que ces questions, malgré leur difficulté, s’inscrivent dans les limites qu’il ne faut pas dépasser. (…) J’ai appris que Dr Al-Qaïssouni prépare une autre visite pour les Etats-Unis en septembre. Je vous confirme qu’il sera le bienvenu et que le secrétaire d’Etat américain aura le plaisir de le recevoir et fera tout ce qui est en son pouvoir pour faciliter sa mission ici. J’ai suivi avec grande admiration son intelligente gestion sous votre sage direction en tant qu’homme d’Etat pour la dernière conférence tenue au Caire, qui a abouti à des résul­tats concluants et qui a ouvert de nouveaux hori­zons. J’aspire à vous contacter prochainement pour discuter avec vous certains événements de la scène mondiale et aborder l’évolution des relations entre nos deux pays selon le même procédé franc et amical qui a caractérisé l’échange des points de vue entre nous deux ces derniers temps. En même temps, je vous souhaite tout le succès dans vos efforts louables pour la consolidation des intérêts politiques de votre peuple et pour la réalisation de sa prospérité économique et sociale».

Un tel rapprochement entre les Etats-Unis et les Arabes a certainement inquiété plus d’un dans les cercles politiques américains. La fin de cette poli­tique ne profitait pas seulement au lobby de la guerre du Vietnam, mais aussi au lobby juif, qui a énormément profité de la présence d’un président aux orientations différentes pendant la guerre de juin 1967, à savoir Lyndon Johnson. Ce qui aurait été impossible sans l’assassinat de John Kennedy puis de son frère Robert, qui était alors son ministre de la Justice et l’héritier de ses politiques qu’il avait promis de poursuivre en cas de victoire dans les élections présidentielles. Raison pour laquelle il devait être assassiné comme son frère, conformément au plan dévoilé par Marc Dugain dans son roman.

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