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Les gains viennent parfois de nos ennemis

Dimanche, 17 décembre 2017

C’est avec une profonde désolation que je ressens que, dans la crise actuelle de Jérusalem, nos ennemis ont servi cette cause, beaucoup plus que nous-mêmes et que nos confrères. En effet, quand le président américain, Donald Trump, a annoncé officiellement que Jérusalem est la capitale d’Israël, il a provo­qué une mobilisation mondiale défendant la légitimité internationale en Palestine et annonçant le refus total de l’acceptation du fait accompli imposé par Israël dans les terri­toires arabes occupés. C’est par le fait accompli que Trump a reconnu la souveraineté d’Israël sur la ville de Jérusalem, tandis que les lois internationales interdisent toute modification sur sa nature géopoli­tique.

En même temps, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, le père protecteur du groupe terroriste des Frères musulmans, a profité de l’occasion pour tenter de diriger le monde islamique et faire renaître son rêve de ressusciter la khila­fa, le califat islamique. Il a alors exploité sa présidence actuelle de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) et a invité à un sommet à Istanbul, dont le résultat fut l’an­nonce de Jérusalem comme capitale de l’Etat palestinien.

Dans l’article publié la semaine passée, j’avais appelé la Ligue arabe à réunir un som­met arabe d’urgence qui aurait pour mission de déclarer officiellement Jérusalem capitale de l’Etat palestinien, chose aujourd’hui recon­nue par la majorité des Etats du monde. Or, Erdogan a été plus rapide que la Ligue arabe et la déclaration des Etats islamiques a eu des résultats importants, portant un coup dur à la déclaration américaine, puisque ceux qui étaient réunis à Istanbul parlaient au nom d’un milliard et demi des habitants de la terre, dis­tribués sur les 2 continents africains et asia­tiques.

Et du côté de l’Europe, qui est l’aile com­prenant le plus grand nombre d’alliés aux Etats-Unis, la décision absurde et précipitée de Trump a réussi à former une position euro­péenne unie concernant la question de la ville occupée de Jérusalem, une position qui n’a jamais été plus claire qu’aujourd’hui. Cela s’est reflété dans les déclarations faites par Federica Mogherini, représentante de l’Union Européenne (UE) pour les Affaires étrangères, qui a clai­rement annoncé que l’UE estimait que la décision américaine violait les résolutions internationales et que pour l’UE, Jérusalem est une ville occupée et que tout change­ment dans cette situation ne peut être soumis à des décisions indivi­duelles. Elle a ainsi déclaré : « Benyamin Netanyahu a exprimé son espoir de voir le reste des pays du monde suivre l’exemple des Etats-Unis ; qu’il espère comme il veut, cette reconnaissance ne viendra jamais de la part de l’Europe ».

En réalité, cet isolement dans lequel le pré­sident américain a mis son pays n’a pas été vu depuis des décennies. Et le côté européen a contribué à la formation de cet isolement à travers la réunion du Conseil de sécurité à laquelle la Suède a invité. Et aussi le côté islamique par la tenue du sommet de l’OCI.

Ainsi, la position américaine semble être sur un front et le monde entier sur un autre, y compris les alliés proches des Etats-Unis. Au Royaume-Uni, des voix fortes se sont faites entendre attaquant la décision américaine, ce qui a poussé le gouvernement britannique à annoncer officiellement son refus de la déci­sion américaine. Et Emily Thornberry, secrétaire d’Etat des Affaires étrangères du Royaume-Uni, a appelé la première ministre, Theresa May, à arrêter de suivre la politique américaine qui « nous fait paraître comme des idiots », et de faire face aux politiques mal étudiées du président américain.

Tout cela a attribué un soutien international à la cause palesti­nienne et à la considération de Jérusalem comme ville sacrée pour les 3 religions monothéistes, et non pas seulement pour la religion juive. De plus, ce soutien a jeté la lumière sur la question de l’occupation, rappelant qu’Israël est un Etat occupant et que le peuple palestinien est l’unique peuple du monde qui vit encore sous occupation. Ainsi, les cercles politiques occi­dentaux qui appuient le droit arabe estiment que la colère engendrée dans le monde entier par la décision de Trump est une occasion propice pour appeler les gouvernements qui n’ont pas encore reconnu l’Etat palestinien à le faire. Par exemple, le représentant des forces progressistes au parlement belge a décrit, il y a quelques jours, la décision de Trump comme étant un appel de guerre contre le peuple palestinien occupé, puisque cette décision tente de donner une légitimité à l’oc­cupation et à la politique de discrimination raciale pratiquée par Israël. Puis, il a rappelé la décision majoritaire prise par le parlement belge en 2015 appelant le gouvernement à reconnaître l’Etat palestinien quand le moment sera propice. Le député belge a alors dit : « Si le moment propice n’est pas aujourd’hui, ce sera quand alors ? ».

Parmi les répercussions importantes et directes de la décision de Trump, qui viole toutes les résolutions de l’Onu concernant Jérusalem et les territoires arabes occupés, c’est qu’elle a discrédité la crédibilité du rôle des Etats-Unis en tant que médiateur dans le conflit israélo-palestinien. Par cette décision, il est devenu clair que Washington n’est pas du tout impartial, et que ses décisions ne profitent qu’à une seule partie au détriment de l’autre, tandis que toutes les résolutions internatio­nales reconnaissent les droits de l’autre partie. En particulier, les résolutions 476 et 478 de l’année 1980 et la résolution 2 334 de l’année 2016. Le monde entier sait que Trump s’apprêtait à pro­poser une initiative pour mettre fin au conflit israélo-palestinien, qualifiée d’« Accord du siècle » avant même sa naissance. Cette initia­tive était basée sur la déclaration d’un Etat palestinien fictif, désarmé, au territoire discon­tinu, en peau de léopard. Trump a négocié cette initiative avec le côté israélien seulement sans prendre l’avis du côté arabe. Et c’est le beau-fils de Trump, Jared Kushner, qui était le médiateur dans cette initiative. Or, en déclarant Jérusalem capitale d’Israël, Trump a lui-même tué son initiative avant qu’elle ne voie le jour. De même, la colère suscitée par la décision de Trump a prouvé encore une fois et avec force qu’Israël suit une politique d’apartheid, une politique disparue du monde entier depuis la chute du régime discriminatoire en Afrique du Sud en 1993.

Ainsi, la bêtise du président américain et l’opportunisme du président turc nous ont servi. N’est-il pas alors temps de profiter des gains offerts par nos ennemis ? .

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