Le maréchal Khalifa Haftar se pose de plus en plus comme un acteur incontournable sur la scène libyenne. Le chef de l’armée nationale libyenne, qui contrôle l’est de la Libye, était cette semaine en Italie et en France, où il a rencontré respectivement la ministre italienne de la Défense, Roberta Pinnoti, et le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. A Rome comme à Paris, il fut surtout question de la crise migratoire, mais aussi de la lutte contre le terrorisme et des efforts visant à rétablir la paix et la stabilité en Libye. Car les Européens s’inquiètent face à la vague migratoire au sud de la Méditerranée, et veulent limiter drastiquement le nombre de migrants au départ de la Libye.
Rome a toujours soutenu le gouvernement d’entente nationale de Fayez Al-Sarraj, rival de M. Haftar, voyant en ce gouvernement un interlocuteur viable. Mais visiblement frustrée par la faiblesse de ce gouvernement, l’Italie a trouvé nécessaire d’établir des liens directs avec le maréchal Haftar. Le gouvernement d’Al-Sarraj avait autorisé les navires italiens à opérer sur les côtes libyennes pour juguler la vague migratoire, mais ces derniers se sont retrouvés sous la menace des forces de M. Haftar. D’où la décision de l’Italie d’ouvrir un dialogue direct avec le chef de l’armée nationale libyenne. Rome veut aussi et surtout assurer la sécurité du groupe énergétique italien, ENI, implanté dans l’Est libyen.
Idem pour la France qui a compris qu’une solution de la crise libyenne ne pouvait avoir lieu sans le maréchal Haftar. Paris a fait preuve de pragmatisme en reconnaissant le rôle du maréchal. Elle avait lancé fin juillet une initiative visant à réconcilier Al-Sarraj et Haftar, mais les divergences entre les deux hommes n’ont pas tardé à resurgir. Haftar a de son côté demandé des armes et des équipements. « Pour contrôler le sud de la Méditerranée nous fournissons le personnel, mais vous Européens devez nous envoyer de l’aide : des drones, des hélicoptères, des équipements de vision nocturne et des véhicules », a déclaré le maréchal à la revue italienne Corriere della Sera.
Soutenu par la communauté internationale, le gouvernement d’unité nationale de Fayez Al-Sarraj basé à Tripoli peine à établir son autorité sur la Libye. Celle-ci est contestée par le gouvernement rival de Tobrouk à l’est et par le maréchal Khalifa Haftar. La visite de M. Haftar en Italie et en France intervient au moment où le médiateur de l’Onu, Ghassan Salamé, a lancé à Tunis une session de pourparlers visant à mettre en oeuvre la première étape de son plan d’action. Il avait soumis la semaine dernière à l’Onu sa feuille de route pour la Libye, qui consiste à rassembler les parties rivales autour d’un cadre institutionnel.
Les visites répétées du maréchal dans les grandes capitales européennes renforcent certes son statut d’interlocuteur indispensable pour résoudre le casse-tête libyen, source d’inquiétudes pour les pays européens en première ligne face à la crise migratoire et la menace terroriste.
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