La crise libyenne revient sur le devant de la scène internationale. Tandis que le chef de l’armée nationale libyenne, le général Khalifa Haftar, et son rival, Fayez Al-Sarraj, chef du gouvernement d’entente nationale, étaient accueillis cette semaine à Moscou, le nouvel émissaire de l’Onu pour la Libye, Ghassan Salamé, était, lui, au Caire où il a rencontré le chef de la diplomatie, Sameh Choukri. Au Caire comme à Moscou, il fut question de la réconciliation nationale, de la sécurité et de la lutte contre les groupes terroristes en Libye.
Fin juillet, Khalifa Haftar et Fayez Al-Sarraj s’étaient mis d’accord sur une déclaration en dix points dans lesquels ils s’engagent notamment à un cessez-le-feu, et à des élections le plus rapidement possible, lors d’une rencontre à Paris sous l’égide du président français, Emmanuel Macron. Cette déclaration de principes reste toutefois très vague et n’engage pas la myriade de milices plus ou moins alliées aux deux rivaux libyens.
Tant pour Le Caire que pour Moscou, le règlement de la crise libyenne est de prime importance. L’Egypte s’inquiète des répercussions négatives de la guerre civile en Libye sur ses intérêts vitaux, mais aussi sur la stabilité de la région. Depuis la chute du colonel Kadhafi en 2011, les groupes islamistes armés prolifèrent en Libye. Encouragés par le chaos et la vacance du pouvoir, plusieurs de ces groupes ont pris refuge dans ce pays, menaçant ainsi les frontières ouest de l’Egypte. Des armes et des munitions sont acheminées à travers le territoire libyen vers la Haute-Egypte à travers le Désert occidental et ensuite vers Le Caire et le Sinaï où elles sont utilisées pour mener des attaques sanglantes contre des églises ou contre l’armée et la police. Le Caire est d’autant plus inquiet que ces groupes et milices islamistes sont soutenus militairement par certains pays de la région, notamment le Qatar.
L’intérêt russe pour la Libye est motivé, lui, par des intérêts économiques et politiques. Avant la chute de Kadhafi, les Russes possédaient de larges investissements en Libye, notamment dans le secteur du pétrole. Or, Moscou a perdu ces investissements après l’intervention de l’Otan en 2011 et la chute de Kadhafi. En se tenant près des événements en Libye, Moscou a certainement les yeux rivés sur d’éventuels contrats en Libye au cours de la période post-guerre civile.
En soutenant Haftar d’un côté, et en construisant des ponts avec le gouvernement de Sarraj de l’autre, Moscou tient toutes les ficelles du conflit libyen dans ses mains. Moscou veut aussi montrer que son retour sur la scène proche-orientale ne se limite pas à la Syrie. En accueillant Haftar et Sarraj, la Russie se pose en médiateur dans le conflit libyen, mais aussi en interlocuteur de poids pour les pays occidentaux, qui, pour régler ce conflit, auraient désormais besoin de l’ours russe.
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