L’Occident s’est toujours opposé à l’ascension d’une personnalité arabe à la direction de l’Unesco, une instance qui demeurera à jamais la scène du conflit pour la préservation du patrimoine arabe à Jérusalem. Ce patrimoine qu’Israël oeuvre à effacer à travers une judaïsation acharnée entamée depuis des années. N’oublions pas que les Etats-Unis avaient soutenu Israël au sein de l’Unesco au point de suspendre le financement de l’organisation et de s’en retirer en solidarité avec l’Etat hébreu.
Et voilà que la France s’oppose maintenant à la candidature égyptienne. En effet, l’Elysée a avancé à la dernière minute la candidature de la ministre de la Culture, Audrey Azoulay, à la direction de l’Unesco pour concurrencer la candidate égyptienne, l’ambassadrice Mouchira Khattab. La France adresse ainsi un message : si c’est au tour des pays arabes de diriger l’Unesco, eh bien notre candidate est d’origine marocaine, si la candidate arabe est une femme, eh bien notre candidate aussi est une femme, si la candidate égyptienne possède une longue expérience avec les organisations internationales, eh bien le travail de notre candidate est directement lié à la culture.
Les nouvelles de la candidature française commençaient à se répandre dès la semaine dernière. J’ai alors demandé à l’ambassadeur français au Caire, André Parant, si ces nouvelles étaient vraies. Il a été fort étonné et m’a répondu qu’il n’en savait rien. Cependant, j’ai tenu à lui confirmer que cette mesure représenterait une très mauvaise décision car l’Egypte a présenté, il y a des mois, une candidate jugée comme la plus adéquate à cette session par de nombreux cercles de l’Unesco. Je lui ai également confirmé que l’Egypte a réussi à obtenir le soutien de nombreux blocs régionaux et que la candidate égyptienne a effectué de larges tournées dans les divers pays membres du conseil exécutif et a réussi à susciter l’admiration des présidents et des ministres des Affaires étrangères qu’elle a rencontrés.
L’ambassadeur de France avait alors écarté l’éventualité que son pays ait fait un tel pas confirmant que d’habitude, le pays où siège l’organisation ne présente pas de candidat à la direction de l’organisation qu’il accueille. Je lui ai alors rappelé que le philosophe français René Maheu avait accédé à la direction de l’Unesco en 1961. Il a alors répondu que c’était l’unique exception et qu’il doutait fort qu’elle se répète.
En fait, l’ambassadeur français était tout à fait sincère. La presse française a écrit que la candidature française était l’initiative du président français lui-même et que la décision de la candidature a été envoyée de l’Elysée au ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, sans aucune discussion préalable, bien que le Quai d’Orsay soit directement concerné par la question.
Abstraction faite des relations d’amitié reliant l’Egypte et la France qui écartent l’éventualité que la France s’oppose de cette manière à la candidature égyptienne, cette mesure soulève de nombreuses remarques. Premièrement, le président français a pris ce pas malgré les nombreux avis qui avaient émis leurs réserves. Le Figaro a clairement fait allusion à ce sujet dans un article intitulé « L’Elysée pousse Audrey Azoulay à être candidate à la direction de l’Unesco » confirmant que c’est l’Elysée qui a imposé cette candidature malgré l’opposition du Quai d’Orsay. Le Figaro a rapporté, selon le diplomate d’un pays européen à Paris, que « cette candidature va créer une tempête à l’Unesco. Ils, les Arabes, vont l’interpréter comme une invraisemblable provocation ».
Deuxièmement, François Hollande a pris une décision dont il n’assumera pas les conséquences. Il impose ainsi au nouveau président qui lui succédera en mai prochain d’entrer dans un affrontement dont il pouvait bien se passer avec les pays arabes qui jouissent de solides relations d’amitié avec la France, avec l’Egypte en tête.
Troisièmement, bien que les Arabes se soucient peu de la religion du candidat, cette mauvaise décision française insère la dimension religieuse dans le conflit à la direction de l’Unesco. En effet, elle place la candidate française juive aux origines marocaines en confrontation avec la candidate égyptienne musulmane. Une confrontation dont on pouvait bien se passer au moment où le monde entier connaît des affrontements religieux et confessionnels sans précédent. Des affrontements qu’il faut anéantir et non pas raviver par une nouvelle confrontation entre musulmans et juifs.
Enfin, la dernière remarque porte sur les Arabes. Mouchira Khattab n’est pas la première candidate arabe à être combattue de la sorte. Elle a été précédée par de nombreux autres avec en tête Farouk Hosni et Ismaïl Séragueddine de l’Egypte, Ghazi Al-Gossebi de l’Arabie saoudite et Aziza Banani du Maroc. Cependant, l’insistance à ce qu’ils n’arrivent pas à la direction de l’Unesco a toujours été la même. Jusqu’à quand les Arabes continueront-ils à se taire face à cette provocation dont la presse française a mis en garde contre les séquelles ? Ne faudrait-il pas que les Arabes adoptent une position unie ? Ne serait-il pas possible qu’ils se mettent d’accord sur un seul candidat arabe au lieu des quatre candidats actuels qui vont effriter les voix arabes elles-mêmes avant d’effriter le reste des voix du conseil exécutif avec ses 58 candidats qui devront voter le nouveau directeur de l’organisation internationale ?
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