Rien ne va plus entre la Turquie et l’Union Européenne (UE). Le gouvernement néerlandais a décidé d’interdire, cette semaine, l’atterrissage de l’avion du ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, qui avait prévu de se rendre samedi dernier aux Pays-Bas pour un meeting à Rotterdam en faveur du référendum sur le renforcement des pouvoirs présidentiels en Turquie. Cette décision a soulevé la colère du président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui a menacé de riposter, accusant les Pays-Bas de chercher à contrer le « oui » du référendum.
La campagne lancée en Europe auprès de la diaspora turque en vue du référendum est à l’origine de tensions entre plusieurs pays et la Turquie, à commencer par l’Allemagne, en raison de l’annulation par plusieurs villes allemandes de rassemblements pro-Erdogan. Plusieurs pays ont exprimé leur malaise face à cette campagne. L’Allemagne, la Suisse et l’Autriche avaient interdit la tenue sur leur sol de meetings électoraux en présence de membres du parti AKP au pouvoir en Turquie, arguant de « risques de troubles à l’ordre public ».
L’incident avec les Pays-Bas est symptomatique de l’état des relations entre la Turquie et l’Union européenne. Depuis le putsch manqué du 16 juillet dernier contre M. Erdogan, les relations entre Ankara et l’UE sont sujettes à de fortes tensions en raison des restrictions imposées par le pouvoir turc aux libertés en Turquie. Le putsch manqué du 16 juillet avait été suivi d’un vaste coup de filet au cours duquel des milliers de Turcs ont été arrêtés, soupçonnés de soutenir le prédicateur Fethullah Güllen, qu’Ankara accuse d’avoir fomenté le putsch. Exaspéré par les critiques des Européens, M. Erdogan multiplie les diatribes contre l’Union européenne qu’il accuse de « complaisance à l’égard du putsch ».
Le chef de l’Etat turc pensait sans doute qu’il avait l’Europe dans sa poche après la conclusion de l’accord migratoire en mars l’année dernière avec l’Union européenne. Mais sa désillusion a été grande. Le 24 novembre dernier, le Parlement européen se prononçait en faveur d’une suspension du processus d’adhésion de la Turquie à l’UE. Et depuis le putsch du 16 juillet, les capitales européennes sont devenues le refuge d’opposants et d’activistes turcs. Ainsi, en janvier dernier, le ministre allemand de la Justice, Heiko Maas, avait invité le journaliste turc Can Dündar à s’exprimer sur le climat des libertés en Turquie. Ancien rédacteur en chef du journal Cumhuriyet Dundar, qui vit en exil en Allemagne, il avait été arrêté il y a quelques années après avoir révélé l’existence de cargaisons d’armes turques aux djihadistes en Syrie.
Pour les dirigeants européens, il n’est pas question de passer sous silence les dérives autoritaires du régime turc. Un tel scénario leur ferait perdre une partie de leur électorat. Si aujourd’hui l’Europe a besoin de la Turquie pour bloquer le flux migratoire, la Turquie a elle aussi besoin de l’Europe pour booster son économie.
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