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Le Salon du livre et la sécurité nationale

Dimanche, 27 novembre 2016

Je viens tirer la sonnette d’alarme un mois avant que ne survienne la catastrophe. Bien que nous soyons devenus habitués aux catastrophes ces dernières décennies, une nouvelle catastrophe tou­chera toute l’Egypte car elle frappera de plein fouet sa force douce. En effet, le Salon international du livre du Caire, un rendez-vous attendu chaque année par nombre d’amateurs de tout le monde arabe, se trouve en danger à cause de la hausse des cours de change du dollar et de la hausse du prix de location des lieux d’exposition aussi bien pour l’organisateur que pour les éditeurs. Chose qui peut entraver la large participation des maisons d’édition arabes et étran­gères qui avaient l’habitude de prendre part chaque année au salon. La catastrophe sera énorme si le salon n’est pas organisé cette année. Mais elle le sera encore plus s’il est organisé avec quelques maisons d’édition égyptiennes seulement transformant ainsi le salon en une exposition locale similaire à l’exposition de La Mecque, de Sfax ou d’Oum Dormane.

Le Salon du livre du Caire représente l’étiquette de la force douce de l’Egypte dont certains piliers se sont fissurés au cours des dernières années comme le cinéma et le théâtre. Mais le Salon du livre du Caire survient chaque année pour redonner vie à la culture égyptienne et rappeler que l’Egypte demeure la capi­tale de la culture arabe et que sa force douce, qui a conquis le monde à travers les années, peut s’affaiblir à certains moments mais ne mourra jamais.

Même quand ils ont accédé au pouvoir, les Frères musulmans, qui éprouvent une profonde haine pour la culture, ont été incapables de porter atteinte au Salon du livre. Ils ont abusé de leurs pouvoirs et ont limogé la directrice de l’Opéra qualifiant le ballet de « l’art de la nudité ». Ils ont également appelé à recouvrir nos statues monumentales et à détruire les pyramides et le Sphinx prétendant qu’il s’agissait d’idoles. Ils ont qualifié la littérature de notre prix Nobel, Naguib Mahfouz, de « littérature de la prosti­tution et du cannabis ». Mais ils n’ont pas osé porter atteinte au Salon du livre car ils étaient conscients de son importance. Ils s’imaginaient aussi être capables de l’exploiter pour répandre leurs pensées ambiguës parmi les milliers de visiteurs qui viennent chaque année de l’Egypte et de tous les pays arabes.

Mais voilà qu’un ministère hausse le prix de loca­tion de cet espace vide, qui manque pourtant de tous les services, à 7 millions de livres. Une somme que le ministère de la Culture doit verser pour louer cet espace pendant la période du salon seulement. Ce qui signifie donc que les loyers qu’imposera le ministère aux maisons d’édition augmenteront aussi. Un coût qui a poussé certaines maisons d’édition égyptiennes et arabes à repenser leur participation au Salon du livre cette année.

La comparaison entre le prix de location du m2 dans le Salon du livre du Caire et dans les autres expositions n’est pas dans l’intérêt de ce premier. Ce qui n’encourage pas les maisons d’édition, surtout si les prix des livres augmentent eux aussi et deviennent inaccessibles pour la majorité des visiteurs du salon. Par ailleurs, les autres expositions présentent de nom­breuses facilités aux maisons d’éditions ainsi que des services élémentaires inexistants dans le Salon du Caire. On ne trouve pas par exemple de toilettes dans cet énorme espace vide que le Salon du livre trans­forme en un véritable foyer de rayonnement culturel.

Le Salon international du livre du Caire représente la seule source pour les jeunes passionnés de lecture et de connaissance. Ce salon représente donc notre véritable arme face à l’extrémisme et au terrorisme. Combien de fois avons-nous répété que la culture, la pensée et la lecture sont nos armes élémentaires dans cette bataille ? Il ne suffit pas d’affronter les terro­ristes par les appareils de sécurité seulement. C’est grâce à la pensée que nous serons capables de les exterminer. Une pensée qui ne sera enrichie que par l’ouverture sur les connaissances humaines à travers la culture et la lecture. Le Salon du livre du Caire représentait une occasion annuelle pour diffuser les différentes connaissances à prix réduits. Des prix qui reprennent la hausse à la fin du salon.

Selon les statistiques officielles du ministère de la Culture, la plus grande part des visiteurs du salon (29 %) est représentée par les jeunes de 18 à 30 ans alors que la tranche d’âge de 30 à 39 ans représente 22 % de ses visiteurs. Ce qui signifie que les visiteurs du salon représentent la tranche d’âge visée par la pensée extrémiste religieuse qui conduit au terro­risme. La tranche d’âge avec laquelle il faut engager un dialogue et à laquelle il faut présenter toutes les connaissances. Il s’agit d’une cause nationale de grande importance. Cependant, il est assez étrange que le ministère de la Culture doive seul affronter cette cause directement liée à notre sécurité nationale. Je n’arrive pas à imaginer comment le ministère de l’Industrie puisse imposer au ministère de la Culture un loyer pour un événement national de cette impor­tance. Ce loyer sort de l’une des poches du gouverne­ment pour aller dans l’autre poche sans aucune valeur ajoutée. En fin de compte, c’est le citoyen ordinaire qui assumera ce loyer via la hausse des prix des livres qui deviendront inaccessibles. Les hauts intérêts du pays impliquent l’exonération du ministère de la Culture de ce loyer. La promotion des manifestations culturelles, avec en tête le Salon international du livre du Caire, doit représenter un objectif ultime pour le gouvernement .

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