Au lendemain de l’élection du président américain sortant Barack Obama, une vague d’optimisme a envahi le monde entier. L’élection d’un président américain d’origine africaine était supposée renforcer les droits de l’homme et améliorer la condition des minorités et des femmes, sans parler de l’effet positif qu’elle devrait avoir sur les mondes arabe et islamique. Pour mesurer l’optimisme des Arabes et des musulmans, il suffit de se rappeler les réactions positives qu’avait suscitées le discours d’Obama « Un nouveau départ » à l’Université du Caire le 4 juin 2008, après les années maigres de Georges W. Bush et sa politique du « chaos créatif » qu’il a inaugurée avec l’invasion de l’Iraq. Mais très vite, cet optimisme s’est dissipé, et durant les deux mandats d’Obama, l’Iraq, la Syrie, la Libye et le Yémen se sont disloqués, la situation dans le monde arabe s’est perturbée, et les droits de l’homme et des minorités ont subi des violations sans précédent dans l’histoire moderne de notre région. Aussi l’organisation Al-Qaëda s’est-elle consolidée, Daech est apparue, et la cause palestinienne a reculé.
Aujourd’hui, l’élection du nouveau président américain, Donald Trump, suscite des réactions mitigées. Une colère dans certains milieux américains, avec des établissements scolaires à Boston annonçant des programmes de soutien psychologique destinés aux élèves qui refusent cette nouvelle réalité, des manifestations d’opposition, et un coup de gueule du cinéaste américain Michael Moore, réalisateur de Fahrenheit 9/11, et qui a rapproché sur son site Web l’élection de Trump aux attentats du 11 septembre.
Les Arabes et les musulmans n’ont pas de position unifiée. En Indonésie et dans les pays asiatiques, les musulmans, inquiétés par les déclarations de Trump hostiles à l’égard des musulmans, souhaitaient la réussite d’Hillary Clinton. Il en est de même pour les pays du Golfe. Quant aux pays du « Printemps arabe », les réactions ont été dominées par le sentiment que l’Administration Obama les a abandonnés alors qu’ils étaient en proie à des conflits intestins et a fait en sorte de renforcer le courant islamiste. Certains même vont jusqu’à accuser cette administration d’avoir directement ou indirectement soutenu l’extrémisme et le terrorisme.
Les pays baltes et l’Ukraine craignent de leur côté que Trump ne les abandonne face aux empiétements, à l’interventionnisme et aux ambitions territoriales de la Russie. Alors que la Russie mise sur une amélioration des relations avec les Etats-Unis, même si certains conseillent le président Vladimir Poutine d’attendre pour voir les prises de position de Donald Trump, lequel ressemble jusqu’ici à une boîte noire.
Le choc s’est fait le plus ressentir au vieux continent, où les opposants à l’Union européenne ont salué la victoire de Trump, un événement, selon eux, encore plus important que le Brexit, et où un autre camp de politiciens traditionnels craint l’avènement du populisme, surtout que plusieurs leaders européens s’inscrivent dans la même lignée de Trump que ce soit en France, en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Autriche. Certains dirigeants européens se sont écartés des usages diplomatiques et ont ouvertement critiqué le président élu, exprimant leur déception des résultats de l’élection présidentielle américaine. Ceci montre l’étendue de la crise politique aussi bien au niveau de la politique européenne dirigée depuis Bruxelles qu’au niveau intérieur dans chacun des pays. Et l’étendue de la crainte d’un refus populaire des institutions européennes, à l’instar des Américains, qui ont voté pour l’anti-establishment.
La politique traditionnelle est en crise de compréhension. Les clés électorales traditionnelles, dont disposait Hillary Clinton, n’ont pas bien fonctionné : l’alliance du pouvoir et de l’argent, l’arsenal médiatique, les formules mobilisatrices usées reliées à la couleur, au genre, au sexe, les prévisions des instituts de sondage … tout a raté le but. Comment l’expliquer ? Selon un politicien britannique favorable à Trump, les Occidentaux veulent un Etat démocratique qui verrouille les frontières et s’occupe de ses citoyens. Cette phrase explique à elle seule le populisme ascendant qui mise sur la déception générale face à des institutions qui ne représentent plus les citoyens et qui laissent entrer les émigrés, avec tous les risques que ces derniers représentent aux niveaux politique, social, économique et culturel. Bref, les Occidentaux veulent des Etats qui s’intéressent à eux, pas à ce qui se passe dehors. Trump l’a bien compris et a basé sa campagne dessus, alors que les élites politiques et des affaires ont eu du mal à le réaliser. Ce discours est de plus en plus accepté par les citoyens européens qui ont autant de problèmes que les Américains, sinon plus. C’est peut-être la première fois que les discours électoraux ne se limitent pas aux questions économiques mais s’étendent à d’autres sujets tels que la préservation de l’identité et des valeurs culturelles « menacées ». Des mots qui trouvent un bon écho outre-Atlantique.
Pour nous, au Moyen-Orient, nous n’avons qu’à attendre et éviter tout optimisme mal placé .
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